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Rechercher : Sans mythologies

  • La Carte postale du jour ...

    "J'ai toujours été fermé, comme écrivain, à l'ambition ou à l'exhibition, à la réputation, à l'enrichissement. Une seule chose a compté pour moi : le plaisir. Ce mot plaisir représente pour moi le moteur de toutes actions humaines."
    - Paul Léautaud, Journal Littéraire

    lundi 13 juin 2016.jpg

    Je ne me souviens pas combien de groupes ont saboté leur carrière en voulant répondre aux attentes du "public", en orientant leur musique vers quelque chose de plus "accessible", en mettant de l'eau dans leur vin, quitte à transformer celui-ci en sirop de grenadine, mais je me souviens qu'au milieu du troupeau il y a quelques artistes, de ceux qui méritent vraiment cette appellation, comme Talk Talk, Gravenhurst ou Portishead, font exception, par leur singularité, leur discrétion et beaucoup d'autres vertus encore...

    Je me souviens bien du frisson et de la fascination que je ressens à chaque écoute de chaque titre de Portishead, peu importe l'album.

    Je me souviens aussi que j'ai adoré ce maxi car on n'y trouve que la perle des perles, à savoir le titre The Rip, pas de remix, pas d'inédit en réalité fond de tiroir, pas de version "live", juste un titre, et une face gravée - un chef-d'oeuvre...

    https://www.youtube.com/watch?v=fYLMOw9hn2I

     

    Je suis quelqu'un de chaotique, rien à faire, avec moi le courrier s'empile, j'oublie de l'ouvrir, je prends des numéros de téléphone en omettant d'y ajouter un nom, je garde tout "au cas où" pour finalement tout balancer deux semaines plus tard parce que je ne sais plus quoi en faire et c'est tout pareil avec les papillons de publicités pour les expositions, les pièces de théâtre etc. Et c'est là que j'ai failli bazarder bêtement ce livre dans le carton de récupération de papier, ayant remarqué une police de caractère qui me semblait être celle du MAH ou d'un autre musée, et ce titre, Sans mythologies, imaginant le temps d'une fraction de seconde un curateur voulant faire un "clin d'œil" aux Mythologies de Barthes, et en me persuadant immédiatement que la date devait déjà être dépassée, ce petit cahier publicitaire devenant ainsi inutile... Mais - ouf! -, au dernier moment j'entraperçus le nom de Guillaume Favre pour me rendre compte de l'abomination que j'allais commettre : jeter un livre apporté en mon absence, qui plus est dédicacé par son auteur ! Double abomination même, car ce livre est magnifique. Écrit en deux jours par son auteur visiblement marqué par la fin d'une amitié, la mort de plusieurs proches, la maladie de son amie, ce livre est un acte de bravoure où l'écrivain se met à nu dans un texte vif comme une lettre. Ici nulle "autofiction" mais plutôt un exercice parfaitement réussi de catharsis par l'écriture ; l'envie d'en découdre avec les mots, mais aussi avec le destinataire de ce livre, avec le lecteur sans doute encore. On ne sait pas bien au fond si Guillaume Favre voulait faire de la poésie en prose, orale, ou expérimentale, ou tout cela à la fois, le résultat est là, il est beau et c'est ce qui compte ; l'objet est unique, se lit d'un trait et vous coupe le souffle. Il y a des écrivains qui ont besoin de 450 pages de baratin pour vous parler de littérature, de poésie, d'amitié brisée par le temps, l'usure, l'ennui, eh bien tout ça Guillaume Favre, lui, le fait en 68 pages incandescentes, Sans mythologies, mais avec beaucoup de Gustave Roud, de Chappaz, de Didi-Huberman et de Jaccottet dedans.

    Extrait de Sans Mythologies, de Guillaume Favre (publié aux éditions Cousu Mouche) :

    "Le roman est forcément plus prosaïque, moins replié sur les mots, on cut, on delete, on ne craint pas les anglicismes, ni les mots blessés, dégoulinants de sang, on jette, on recolle rarement, on enlève les bouts de gras, le surplus, ce qui dépasse, ce qui pend, on tranche, on se méfie de la formule tombeau, cellule du langage, aucune phrase n'est sacrée, tout n'est que récit.

     Tyrannie de la narration

     L'histoire

     Le suspense

     Ne jamais relâcher le rythme

     Maintenir en haleine

     L'écriture, mon sport, mon loisir

     Surtout ne pas perdre le lecteur en route

     Quel lecteur ?

     Mauvaise haleine du récit

    (...)"

     

  • La carte postale du jour...

    "Tout le monde se ressemble et agit de la même façon, et nous ne faisons que progresser dans cette voie."
    - Andy Warhol

    dimanche 19 octobre 2014.jpg

    Je me souviens d'avoir découvert Depeche Mode dans l'émission Top 50, un soir de retour de l'école, bien que leur musique ne m'était pas étrangère depuis un moment déjà - une fille de ma classe en était fan et des titres comme Everything counts et People are people tournaient sur toutes les radios -, mais ce jour là de 1985 j'avais le groupe sous les yeux avec un Martin Gore tout sourire, torse nu, casquette et pantalon de cuir je crois ; le groupe venait faire la promo d'It's called a heart, une chanson médiocre, mais j'avais bien aimé le clip où les membres du groupe faisaient tourner des caméras attachées à des câbles (ceintures?) au dessus de leurs têtes (j'avais vu un procédé similaire dans le clip In Between days des Cure quelques mois plus tôt, et, du haut de mes 14 ans, je trouvais ça hallucinant), par contre je me demandais vraiment pourquoi diable ils étaient allés filmer leur clip dans un champ de maïs ?!?
    Je me souviens bien d'avoir constaté une perte de clinquant au niveau du son juste après le départ du compositeur Vince Clarke, fin 81, tant dans les compositions que dans la production, et qu'il fallait attendre 1986 et même 1989 pour que Depeche Mode opère enfin sa mutation, quoique pour ma part c'est avec Ultra en 1997 que j'ai eu un réel regain d'intérêt envers ce groupe.
    Je me souviens aussi que deux titres de 1981, Photographic et Ice Machine - ce dernier étant la face B de Dreaming of me, leur tout premier quarante cinq tours -, comptent parmi mes favoris, et que le nom de Depeche Mode était en lien avec un magazine français de cette époque, le groupe voulant ainsi dénoncer la presse people et la société du spectacle, le nihilisme des années 80 qui débutaient, comme le révèle un tant soit peu le texte de Dreaming of me scandé par un Dave Gahan de 19 ans alors (et qui en faisait plutôt 16 à voir les vidéos de l'époque!) :

    Light switch
    Man switch
    Film was broken only then
    All the night
    Fused tomorrow
    Dancing with a distant friend

    Filming and screening
    I picture the scene
    Filming and dreaming
    Dreaming of me

    L'Ambition de Iegor Gran est un roman fort amusant, beau portrait d'une génération perdue dans sa quête de singularité, d'individualité forcenée se muant bien souvent en impersonnalité abstraite. On saluera une fois de plus le génie de l'auteur à mettre en relief les mythologies contemporaines et à leur tordre le coup en douceur. On appréciera aussi qu'il se caricature lui-même au beau milieu du roman, donnant à celui-ci une construction très originale. Belle observation des mœurs que voilà, des petites ambitions, des destins qui s'ignorent et qui s'inventent, des impostures érigées en mode de vie...

    "Les années ont filé, les lieux communs sont restés. "C'est une question de génération", dit-elle maintenant. "La génération Y est étonnante." Avec ses airs de fin connaisseur elle répète ce qu'elle a lu dans un magazine de salon de coiffure. "Ils ont entre vingt-cinq et trente ans, et ils sont connectés en permanence." Dans son ton, il y a un mélange de fascination et d'effroi. À l'écouter, on pourrait croire qu'une mutation biologique s'est produite. La totalité de leurs besoins vitaux passerait par le réseau, la rencontre amoureuse, la recherche d'emploi, l'achat d'un linceul pour les parents. Le web, plus important que le système sanguin.
     Pourtant, à observer nos jeunes monstres se trémousser sur de la musique standard, échanger des platitudes en roucoulant comme des robots, fumer avec des grands gestes d'autruches, à les voir gober dans leurs gorges roses des alcools en prenant des airs de maîtres du monde, je supputai que les Y étaient d'une banalité comparable à celle de leurs ancêtres, les hommes des générations précédentes, les X, les W, les T, les R..."