Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • La carte postale du jour...

    "Rester un esprit vivant. Ne croire ni aux formules honorifiques ni aux fonctions. Vivre comme on éclaterait. Être de la jeunesse en action. Se foutre du monde et hurler."
    - Louis Calaferte, Situation (1991)

    lundi 12 janvier 2015.jpg


     
    Je me souviens d'avoir découvert ce petit bijou de minimal-wave sur la compilation Bipp parue en 2008, qui regroupe des raretés de la scène française de 1979 à 1985, j'ai d'ailleurs tant aimé ce titre (que je passe à chacune de mes soirées) que je me suis rapidement mis en quête du 45tours original.
    Je me souviens bien d'avoir eu beaucoup d'estime pour Mary Moor quand j'ai découvert sa chanson C'est ma force, qui date de 2006 - enregistrée sous le nom de groupe Rose et Noir -, moins pour sa musique (électronique un peu cheap tout de même... et ne parlons pas de la pochette du disque, aïe!) que pour son texte qui se compose principalement de noms d'écrivains - mais aussi de musiciens -, Mary Moor hurlant ainsi ses références : Antonin Artaud, François Villon, Arthur Rimbaud, Jean Genet, Charlie Parker, Guillaume Apollinaire, Billie Holiday, Alexandre Pouchkine, etc. autant de munitions intellectuelles qui font palpiter mon cœur.
    Je me souviens aussi que toutes les personnes qui ont écouté le titre Pretty Day lors de mes soirées ont été d'abord intriguées puis rapidement conquises par cette musique minimale et suave à la fois, et ce texte nihiliste so eighties :

     mes yeux bleus dans tes yeux noirs
     c'est un beau jour pour mourir
     c'est un beau jour pour mourir
     mes yeux bleus dans tes yeux noirs
     c'est un beau jour pour mourir
     ni espoir ni désespoir
     si on s'aime pas, qui nous aimera ?
     si on s'aime pas, qui nous aimera ?

    https://www.youtube.com/watch?v=DOjnNGJDEIY


    Invité ce (prochain) samedi après-midi à une lecture sur une "mouette genevoise", ces petits bateaux qui traversent la rade du lac de Genève, j'ai longuement hésité sur le choix du texte, la durée de lecture étant très courte (10min) et les conditions particulières (eau, froid, bruit...). Mon choix s'est donc porté sur ce livre de Claude Louis-Combet qui retrace la relation incestueuse du poète Georg Trakl avec sa soeur, Gretl. Comme le disait Richard Blin à la sortie de ce livre, c'est un "hymne aux puissances nocturnes de l'amour". C'est aussi un livre où la phrase est travaillée avec soin, précision, style, le langage y est puissant et d'un érotisme souvent saisissant. J'aime aussi beaucoup les pages où Trakl part en guerre, on ressent celle-ci dans toute son horreur et son inhumanité, c'est celles-ci que j'ai choisies pour ma lecture (ça va être la fête...) ; le poète perdra la vie dès 1914, à la bataille de Grodek, la drogue aidant, alors que son souhait le plus cher était de mourir avec sa soeur, à qui il faisait prononcer en guise de derniers mots dans son poème Révélation et anéantissement : Blesse, ronce noire. C'est peut-être l'un des plus beaux livres de Claude Louis-Combet (avec Gorgô que j'adore aussi!!!).

     

    "Avant ces jours de guerre totale, il n'avait vu que très rarement des cadavres - et c'était, chaque fois, conformément aux rites et aux coutumes, des corps parés de leur meilleur vêtement, les mains jointes, la face apaisée dans la lumière des cierges. Peut-être était-ce même cette profonde paix d'absence qui l'avait amené à rêver d'une mort en commun - sa soeur et lui - à l'écart de toutes choses humaines, dans la nature, purement: un creux de montagne par exemple, dans lequel ils n'eussent pas été surpris par quelque accident, mais qui aurait été le lieu de leur attente et de leur ferveur, implorant le grand froid et la neige qui les recouvrirait. Il avait souvent, dans ses poèmes, évoqué l'image de la mort comme d'un recueillement, dans un sentiment ambigu d'arrachements aux vives couleurs du monde et de nostalgie de repos - un bienfait plutôt qu'un malheur - et comme d'une suprême expérience d'amour puisque, ensemble, la bien-aimée et lui-même, s'endormiraient, noués, s'enfonceraient dans l'inconscience, rendant, au même instant, leur dernier souffle. Tableau d'une béatitude intime qui avait nourri leur rêverie autant que l'appel de leur chair au plaisir sexuel."