Ah, l'importance des "liner notes", ces informations qui se trouvent au dos des pochettes de disques, ou à l'intérieur parfois (en fichier joint au Mp3 pour celles et ceux qui usent et abusent de ce format quelque peu bâtard mais si pratique). Oui : l'importance des "liner notes" pour lire la musique, et aller au-delà pour mieux revenir à la source.
Et pourtant tout semble énoncé sur ce maxi 4 titres qui paraît au début des années 80 : Holger Czukay et Jaki Liebezeit sont des membres de l'influent groupe de Krautrock allemand Can, quant à Jah Wobble il est le bassiste fraîchement échappé de Public Image Ltd, groupe fondé par John Lydon après la dissolution des Sex Pistols, se démarquant de ces derniers par un son hautement inspiré des autres krautrockers allemands de Neu! (pour avoir une idée plus précise écoutez Hero de leur album de 75 par exemple).
Public Image Ltd est cité à raison comme l'un des groupes les plus influents de la mouvance post-punk. En effet, et dès le début en 1978, Public Image Ltd sauve leur punk-rock rabaché jusqu'à la nausée avec des influences aussi diverses que le rock progressif et le dub, expérimentant bien souvent à la façon de Can (écoutez par exemple le titre Quantum physics tiré de l'album Soon over Babaluma, 1974). Cette originalité chez Public Image va prendre son principal essor avec les albums Metal Box et Flowers of Romance, respectivement parus en 1979 et 1981. Mais c'est une tendance qui se retrouve chez de nombreux groupes à cette époque : A Certain Ratio, Rema Rema, The Clash, et même New Order (écoutez les Peel sessions de 1982 et le titre Turn the heater on, ou bien le superbe Truth sur leur premier album, Movement, paru en 1981!).
Et 1981 c'est l'année de la sortie de ce disque sans titre où l'on trouve ainsi réunis, pour le meilleur et sans le pire, Jaki Liebezeit, Holger Czukay et Jah Wobble. La pochette est sobre, paysage noir-blanc en forme de voie de garage qui évoque plus un disque de Throbbing Gristle (le 7" United, non?) qu'un disque de dub... mais loin d'une longue déclinaison de gris, le disque se révèle hautement coloré dès la premiêre écoute, alchimie réussie de sonorités new-wave, post-punk, expérimentales, dub, etc., surtout sur How much they cost avec son rythme électronique syncopé et sa basse au son si chaud. La voix de Jah Wobble fait penser à Shaun Ryder des Happy Mondays, mais c'est déjà une autre histoire... En dehors de ce premier titre, le plus compatible avec les pistes de danse d'ailleurs, les trois autres titres sont nettement plus sombres mais gardent un certain éclat dû à la qualité de l'enregistrement. Si le son si distinctif de Joy Division a été créé par Martin Hannett, c'est ici Conny Plank qui est aux commandes depuis son mythique studio près de Cologne - pour l'anecdote, ce studio qui a vu passer la crème de la crème du Krautrock, puis des groupes comme DAF, Ultravox, Killing Joke et Gianna Nannini (on ne choisit pas toujours qui on produit...), et ce jusqu'à la disparition de Conny Plank en 1987, a été démantelé et ré-installé en 2007 au Rock & Pop Museum de Gronau, en Allemagne bien sûr, où il est possible de venir enregistrer encore aujourd'hui !
Mais les liner notes dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien j'y arrive, puisque pour clôturer celles-ci, sur le verso, on trouve cette ligne : "This record is dedicated to Ian Curtis". Jah Wobble a en effet vu Joy Division en 1979, durant le festival post-punk Futurama. Après le suicide de Ian Curtis, Jah Wobble, visiblement très touché, confiera son admiration pour Joy Division, et surtout pour son chanteur. Ainsi la boucle est bouclée, et ce EP est une perle à (re)découvrir pour tout fan de musique post-punk...