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La carte postale du jour...

"C'est une chance rare que de trouver quelqu'un qui veuille avec nous partager heur et malheur"
- Euripide, Electre

dimanche 22 mars 2015.jpg

Je me souviens d'avoir entendu de très nombreuses fois la chanson Perfect murder de The Glove sur Couleur3, probablement entre 1990 et 1994, et de m'être souvent demandé pourquoi le programmateur avait choisi ce titre en particulier, issu d'une collaboration entre Robert Smith des Cure et le bassiste de Siouxsie, Steve Severin, les deux musiciens s'offrant ainsi une pause à la noirceur et à la mauvaise ambiance régnant dans leurs groupes respectifs, pour opter pour cette pop hybride et synthétique, colorée, psychédélique, et pour le moins jubilatoire.

Je me souviens bien d'avoir d'abord pensé que The Glove faisait référence au gant dessiné par Max Klinger et se retrouvant dans une série de dix planches retraçant sa perte, son vol, son adoration, jusqu'à devenir l'incarnation d'un fétichisme érotique délirant, alors qu'en fait il s'agissait d'une référence au gant volant (tout aussi délirant) qu'on peut voir dans le film Yellow Submarine des Beatles, ce qui est bien dommage, car je préférais le lien avec les dessins du symboliste contemporain de Von Stuck et Böcklin.

Je me souviens aussi que le contrat qui liait Robert Smith comme chanteur de The Cure avec sa maison de disques lui interdisait de chanter sur plus de deux titres d'un projet annexe, et que, au final, Severin et lui avaient trouvé une chanteuse - Jeanette Landray - pour interpréter le reste de l'album Blue Sunshine, mais que les moments forts sont ceux où Smith donne de la voix, le lancinant et hypnotique Perfect Murder, et le joli et très inspiré d'Eneonor Rigby (des Beatles, encore), Mr. Alphabet says :

 Here comes the book
 The book of rules
 If you play this game
 You won't stay the same
 You could win your golden teeth
 Be a spinning top
 Use a riding crop

 Mr. Alphabet says
 "Smile like a weasel as I cover you
 Cover you in treacle"

 We all know impatience is a sin
 So do as you're told to do
 It's so rewarding to
 And you could win the Tin Man's heart
 Be a chiming clock
 Lie on the chopping block

 Mr. Alphabet says
 "Give me all your money just to cover you
 Cover you in honey"

https://www.youtube.com/watch?v=6QFRtXNBdLc


Après les lectures assez sérieuses que furent celles du livre de Marceline Loridan-Ivens (le magnifique Et tu n'es pas revenu) et de celui de Jean Rouaud (l'excellent Misère du roman), je ne peux que remercier cette cliente qui m'a pointé du doigt ce court texte d'Henry James, isolé ici par les éditions Allia pour lui donner plus de valeur que perdu dans un gros recueil de nouvelles comme c'est bien trop souvent le cas. La Seconde Chance est un merveilleux livre, une rencontre en bord de mer, entre un écrivain malade qui réalise que son dernier livre à paraître est un chef-d'œuvre, se souhaitant alors une seconde chance - une seconde vie -, pour pouvoir en profiter, et un jeune médecin aux ambitions littéraires, admirateur de l'écrivain en question, pour qui il va gâcher sa chance, pour ainsi dire. D'une langue habile, virevoltante presque, Henry James laisse supposer toute l'amertume d'une vie qui touche à sa fin, ses regrets, mais aussi tous les espoirs qu'ont encore les plus jeunes de pouvoir se projeter en elle. Cela m'a fait penser à ce film de Sorrentino, intitulé This must be the place, où le protagoniste central, une sorte de Robert Smith déprimé et apathique joué par Sean Penn, déclare à une serveuse qui lui avait tendu un hamburger à la viande de boeuf un peu trop cuite en lui disant "désolé, c'est la vie" : "Avez-vous remarqué que lorsqu'on est jeune on dit que "ma vie sera comme ça" et que lorsqu'on vieillit on ne dit plus que "la vie est ainsi" ?". Alors quand se présente t-elle cette seconde chance, et y en a t-il seulement une ? Réponse avec la lecture recommandée de cette nouvelle d'Henry James - presque indispensable.

extrait :

"Il comprit durant les longues heures calmes qu'il n'avait vraiment pris son envol qu'avec La Seconde Chance ; c'était seulement ce jour là que, visité par des processions silencieuses, il avait reconnu son royaume. Il avait eu une révélation de son étendue. Ce qu'il redoutait, c'était que sa réputation pût reposer sur quelque chose d'inachevé. Ce n'était pas son passé mais son avenir qu'elle devrait vraiment concerner. La maladie et l'âge se dressaient devant lui comme des spectres aux yeux sans pitié : comment pourrait-il soudoyer le destin pour obtenir la seconde chance ? Il avait eu la seule chance qu'ont tous les êtres humains - il avait eu la chance de la vie."

 

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