il y a l'art qui ne se réclame pas comme tel mais plutôt comme un bricolage pour amateurs de chemin de traverse. Il est des artistes des bas-côtés, rarement cités, peu exposés au feu de la rampe et qui s'apprécient en cachette ; Il en est ainsi de cet album mystérieux de Cluster & Eno qui est la bande sonore la plus adaptée à l'une des meilleures découvertes du moment, que je dois à Denis Lavant qui me l'a conseillé, et à l'Âge d'Homme qui a eu la très bonne idée de le publier. Znorko est à découvrir, c'est beau, drôle, mélancolique, tendre, enfantin, rural et urbain à la fois. C'est, comme son nom l'indique, une Zoologie des faubourgs et j'y lis, amusé : "Il y a quelques années, un livre est apparu sur l'étal des librairies. Il s'appelait "Cabanes" ; une sorte de catalogue des édifices bricolés par les poètes du comportement, en un mot des gens simples. Le livre, pourtant à gros tirage, a été épuisé en quelques jours. Le monde entier l'attendait !
Dans le rayon architecture des grandes boutiques, on me disait non, rupture de stock.
Dépité, je ne manquais pas de remarquer la pile de beaux livres consacrés aux vieilles demeures rénovées par la jeune génération et qui s'entassaient sur le chariot, destination le pilon.
Je l'ai acheté au marché noir "Cabanes", au double de son prix. Il n'est plus à vendre, je le garde pour tout à l'heure.
Quelques jours auparavant, le journal La Provence consacrait un article sur les tombeaux du cimetière Saint-Pierre à Marseille et ses monuments souvent finement sculptés par des gens de talent, ces caveaux grands comme des studios T1, ces œuvres ombragées de cyprès jadis traquées par l'acheteur ne trouvent aujourd'hui plus preneur.
Les caveaux comme les vieux meubles n'ont plus de client, tant mieux, car on l'aura compris, l'enfant réclame la cabane et, dans le dictionnaire du voyage il découvre : la yourte, le gourbi, la paillote... ses joues se fendent d'un sourire, la santé s'améliore, il n'a plus besoin de viande de cheval, il est sur son dos pardi, et au galop.
À donf!"
Livre - Page 37
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La carte postale du jour ...
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La carte postale du jour ...
Il y a un côté Talking Heads chez Tirez Tirez, mais avec une véritable attitude minimaliste qui lorgnerait vers le dépouillement glacial de certains titres de Joy Division ; d'ailleurs sur Razorblade les états-uniens partagent le même désenchantement post-punk que les mancuniens "So you're tired of the rat dance, the mundane, common place, the same old crowd (is much too loud) and the same hangouts". Cela répond presque au narrateur d'Austerlitz du (très) regretté W.G.Sebald : "Pour moi le monde se terminait à la fin du XIXième siècle. Je ne m’aventurais pas au-delà, même si dans l’objet de mes études – l’histoire de l’architecture et de la modernité au siècle de la bourgeoisie – tous les signes convergeaient vers une catastrophe dont les linéaments déjà se dessinaient."
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La carte postale du jour ...
Une merveille de tricotage artisanal, que cela soit pour l'univers enchanteur des quatre islandaises d'Amiina, ou de celui - littéraire - de l'écrivain suisse Julien Maret, et son très beau second roman qui vient à peine de paraître chez Corti, et dans lequel je m'absorbe volontiers, tant ses descriptions tout en délicatesse sont exquises : "plus bas après le jardin de la mère Soret ; il y avait la menuiserie aux grandes portes ; parfois laissées ouvertes ; avec le vacarme des scies circulaires ; le fatras des bois coupés ; des plots à joncher le sol des restes de papier de verre ; avec l'insistance des ponceuses dans la poussière ; dans le brouillard dans la montagne ; avec l'éreintement des rabots des coups de varlope ; des entailles des encoches ; au milieu des copeaux balayés dans le coin ; et puis aussi ce long tube en toile de jute ; qui aspirait la sciure ; et dans lequel on voulait sauter dedans à pieds joints ; ça avait l'air doux et cotonneux c'était attirant ; il y avait encore les crayons rouges aplatis à courir en long en large ; à prendre les mesures pour les découpes ; avec le double-mètre qui perdait le vernis par endroits les chiffres effacés ; mais il y avait toujours quelqu'un à venir dehors ; le casque sur les oreilles pour venir fumer une cigarette ; qu'on avait rien à faire ici ; que ce n'était pas un lieu pour les enfants ; qu'il fallait loin de par là ; et c'était à s'enfiler entre les planches empilées ; en enfilade sur la place ; recouvertes de plaques de tôle ondulée ; écornées dans les coins des bouts déchirés ; à travers les couloirs en se frottant au bois ; en se prenant des échardes au passage le doigt dans la bouche ; jusqu'au fond dans les replis ; dans les cachettes assis sur de la vieille sciure empâtée ; à trafiquer en sourdine ; à tripoter une capsule de bière ; à rattacher les lacets de ses chaussures ; et puis à graver ses initiales sur les planches ; avec le petit couteau porte-clé ; celui avec le cure-dent et la pince à épiler sur les côtés ; le dos contre le mur loin des regards et loin du monde ;"
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La carte postale du jour ...
À chacun ses classiques, moi c'est ce remarquable album du milieu des années nonante et un groupe qui n'a pas finit de me désenchanter comme sur Calling for vanished faces où David Tibet exalte "The great pain, The great misery, To look and look, To look and look and look, And look and find : Nihil", tout comme Pierre Jourde dont j'apprécie toujours autant la critique combative mêlée d'humour : "On voit ainsi Buren, artiste pompidolien, exposer son œuvre au centre Pompidou, musée national, en l'agrémentant de panneaux féroces expliquant à quel point elle est rejetée par la société. On voit des écrivains être rebelles dans des revues dirigées par Frédéric Beigbeder, insurgés dans des émissions télévisées de Guillaume Durand, révoltés aux éditions Grasset. La rébellion est devenue un objet indispensable, au même titre que le téléphone portable. Il y a des publicitaires rebelles, des mannequins rebelles, des princesses de Monaco rebelles, des patrons rebelles, et aussi des motos, des yaourts, des pantalons, des fromages mous rebelles. Inutile de préciser contre quoi on se rebelle. La rébellion vaut en soi. À l'état pur. C'est une qualité plus qu'un acte." -
La carte postale du jour ...
je ne suis pas forcément preneur de la musique du groupe Editors, pourtant j'apprécie grandement ce 10pouces, principalement pour son titre instrumental et sa reprise des Talking Heads, ritournelle au texte situationniste si amusant - "They can tell you what to do, But they'll make a fool of you, And it's all right, baby, it's all right, We're on a road to nowhere" - ; en tout cas cela colle bien avec cette surprise de la rentrée littéraire, un truculent nouveau roman d'Émile Brami, fin connaisseur de l’œuvre de Céline, qui se penche ici avec brio sur la vie littéraire dans son entier, avec beaucoup d'humour, mais aussi de justesse, d'intelligence : "Sur le net, soi-disant écrivains et pseudo-critiques pullulent. Dans ce gigantesque Café du commerce où chacun est certain d'avoir son mot à dire, les blogueurs, sans autre légitimité que celle qu'ils s'arrogent, dont la parole ne vaut ni plus ni moins que celle du consommateur qui donne son avis accoudé au comptoir, fabriquent de la monnaie de singe avec l'espoir de la voir convertir un jour en espèces sonnantes et trébuchantes. Ils rêvent d'échapper dès que possible à l'espace virtuel qui les aura fait connaître pour revenir à la réalité, d'être enfin imprimés sur du bon vieux papier, que les billets de Monopoly accumulés sur la Toile se transmutent, même à perte, en euros."