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bukowski

  • La carte postale du jour...

    "L'homme s'est lui-même enfermé jusqu'à ne plus rien voir qu'à travers les fissures étroites de sa caverne."
    - William Blake

    dimanche 14 février 2016.jpg

    Je me souviens qu'au début des années '90 l'un des membres de Mesh (à ne pas confondre avec les anglais du même nom, ersatz électro-pop de Depeche Mode) avait déposé quelques exemplaires de cet album - Claustrophobia (dans sa première version) -  au magasin de disques où je travaillais (Virus Rock), puis m'avait même proposé de venir répéter avec lui pour rajouter de la guitare et créer de nouvelles compositions (dont une à partir d'un sample du rythme de Requiem pour un con de Gainsbourg), dans un abris antiatomique de Bernex, en dehors de Genève, en plein été, une saison peu propice à la musique dark, ce qui était presque le plus étrange dans cette affaire si ce n'est que cette personne avait soudainement disparu...

    Je me souviens bien quelle allégresse, quelle exaltation même j'ai ressentie tout récemment en découvrant que ce disque ultra-underground et trop rare de cette formation genevoise avait été réédité par un label espagnol (!) dans une belle édition, avec sur la pochette une photo de la statue d'Henri Köning, la Brise, qui trône sur la promenade du Quai Gustave Ador, face au lac Léman (ou devrais-je dire... de Genève).

    Je me souviens aussi de ce choc quand, à la réécoute du disque, les souvenirs du moi d'il y a vingt-cinq ans ont ressurgi - surtout sur le titre Happier than ever, qui n'arrive pas à se décider entre The Cure et New Order, et dont la tristesse joyeuse me rappelle mes années de jeune adulte indécis.

     

    Happier than ever, as we walked around my heart
    Hand in hand in the snow, the saddest piece of the play
    But I hide in my heart, these aimless wanderings
    We always tried to reach this point that never been
    It's something before, for someone before

    https://www.youtube.com/watch?v=cyFNcIW9gl0

     

    Après nous avoir donné à lire une fantasque et violente trilogie où l'on pratiquait la crémation rituelle au bord du Rhône, Florian Eglin passe par la récit court, sous l'égide de Stevenson et fortement inspiré d'une certaine littérature américaine, et c'est bien ainsi. S'il trempe sa plume dans le whisky de Bukowski, Florian Eglin retarde l'ivresse en ingurgitant frénétiquement des madeleines (de Proust). Ciao connard est donc un huis clos hybride et bancal ; un récit schizophrène et sombre (mais avec en musique de fond le We have all the time in the world de Louis Armstrong) ; c'est un texte sanglant et brutal - oui, on torture beaucoup -, aussi cynique que sans espoir, avec une syntaxe tordue et des phrases trop longues (mais pas toujours) si ce n'est... restons-en là pour ne pas divulgacher la lecture de ce "conte" noir et radical made in Geneva.

      

    extrait de Ciao connard (un compte qui déconte), de Florian Eglin (publié aux éditions de La Grande Ourse) :

     

    "Peu à peu, je me suis mis à trembler de la tête aux pieds. Sporadiquement. Violemment. Cependant, lui, toujours derrière moi, il continuait son gymkhana invisible, avec ces foutus bruits de métal, qui se répercutaient, en un écho lancinant, aussi sourd que, sordide.
    - Chut, chut, allons, allons, il murmurait de temps en temps avec une drôle de douceur, une douceur un peu sirupeuse avec de la violence dessous posée en strates dures, indigestes lasagnes que voilà.
     Cependant, au ton de sa voix, elle semblait venir de drôlement loin, elle résonnait, comme si cette petite pièce pleine de livres était beaucoup plus grande, plus profonde que je ne le croyais, je sentais bien qu'il ne pensait pas vraiment, voire pas du tout, ce qu'il disait.
     Je sentais bien que son esprit était tout accaparé par des choses pas très joyeuses, des choses pas très joyeuses réalisées à mon endroit, et pas n'importe quel endroit, hélas une question de point de vue, une question de focalisation même, j'ai pensé, espérant que l'emploi d'un lexique choisi m'aiderait peut-être à prendre toute cette histoire avec des pincettes de circonstance, mais que dalle.

     Je sentais bien, pas de doute, qu'il ruminait toute une série de possibilités étranges accomplies, ou plutôt exécutées, à mon corps défendant, enfin, vu que j'étais attaché serré un max avec des nœuds salement techniques, mon corps tant bien que mal défendant.
     Mon corps, pauvre de moi, il allait tomber dessus à bras de plus en plus raccourcis, je pouvais mettre sans autre un billet dessus."

  • La carte postale du jour...

    "Dans les derniers temps il portait des lunettes noires, s'habillait comme un personnage de film de science-fiction d'aujourd'hui, genre Terminator, avec des blousons de cuir. Et puis il était devenu plus silencieux, il tendait à l'immobilité."

    - Federico Fellini, à propos de Pier Paolo Pasolini

    jeudi 31 décembre 2015.jpg

    Je me souviens d'avoir découvert La Femme en même temps que Fauve dans une émission de Pascale Clark (sur France Inter), en mars 2013, d'avoir été intrigué puis séduit par les premiers, d'avoir moins accroché sur les seconds aussi, mais c'est que Le Femme vient de Biarritz, et que Biarritz me ramène toujours au film des frères Larrieu, Les derniers jours de la fin du monde, que j'ai vu sept fois déjà sans me lasser, alors j'y ai entrevu un signe peut-être...

    Je me souviens bien que Jack du magasin de disques Dig It m'avait fièrement mis ce disque sous le nez alors que je claquais trop d'argent pour d'autres jolies galettes de vinyle, mais que j'avais passé mon tour et que, finalement, n'arrivant plus à l'obtenir, j'avais du musarder sur internet pour trouver ce grandiose Psycho Tropical Berlin (toujours écouter son disquaire sinon les regrets sont éternels).

    Je me souviens aussi d'avoir joué le titre Saisis la corde lors d'une soirée dédiée à Ian Curtis et Joy Division, il y a presque un an maintenant (c'était en mai, évidemment) et que l'ami Pascal Gravat m'avait demandé qui était ce groupe et l'avait trouvé génial - parce que c'est clair que ce mélange de surf-pop moderne et de new-wave débridée a tout pour plaire, surtout ce titre qui me hante depuis des mois - It's time to Wake up (2023) -, me faisant penser à Death In Vegas dans ses grands moments, bien que la Femme reste unique en son genre, bien sûr.

    Tu dors encore à mes côtés
    Les deux soleils sont levés
    Comme chaque matin j'ai de la chance
    J'ai mes deux reins et je suis vivante
    Toujours ensemble pour la journée
    Toujours, toujours
    Toi mon survivant

    Une nouvelle a commencé
    Dans ton corps une puce électronique
    Volontaire obligatoire
    Moi et toi contre les autres
    Toujours, toujours
    C'est la faute aux autres,
    La faute aux autres
    Ce qui s'est passé t'a rendu plus fort
    Ce qui s'est passé

    C'est vrai ce que l'on dit de l'autre côté
    L'herbe est verte le vent est rouge
    Il y a onze ans j'ai rencontré
    Une chose très rare bien gardée
    Contre sa peau je resterai
    Amour amour outre Atlantique
    Transgénital, transgénital,
    Transgénital, transgénital,
    Transgénital, transgénital,
    Transgénital,
    Tu reçois sur ton psychique

    Je veux rentrer chez moi
    (California)
    2023 (2023)
    Je veux rentrer chez moi
    (California)
    2023 (2023)

    Tout le monde se fait tuer
    Pour être leurs esclaves
    La silly cause
    La guerre était finie
    Mata Hari

    Vous allez mourir
    Vous allez mourir
    J'ai dit la vérité
    La vérité
    2023

    2023

    Trois mots sur les vents

     https://www.youtube.com/watch?v=iMDwrnLrdgs

    En rangeant mes bibliothèques (comprendre : en essayant de faire de la place - pas facile), je tombe sur ce livre acheté lors de mes débuts à la librairie le Rameau d'Or, en avril ou mai 2010. Je connais un peu son auteur pour avoir lu un de ses polars avec beaucoup de sexe (s/m), des révolutions dans des banlieues forcément glauques (merci les clichés), des groupuscules d'extrême-droite etc. et puis le nom de son auteur me ramène à Céline Leroy qui va bien j'espère (mais n'a certainement aucun lien de parenté), mais dans le fond : impossible de me rappeler de quoi traite (dans le détail) ce Physiologie des lunettes noires. Alors je décide de le relire. Céline (Louis Ferdinand cette fois) a dit un jour que l'avantage des petits livres est que s'ils vous tombent des mains, ils ne vous cassent pas les pieds. C'est le cas de ce petit livre avalé en une heure à peine et qui permet d'en apprendre sur son auteur, lecteur de Michel Clouscard (on n'est pas beaucoup malheureusement), citant Cioran, et grand amateur de soul, détestant les éditions de Minuit et la new-wave (zut pour moi). On tentera d'oublier sa vision misérable de la femme d'aujourd'hui, que l'auteur décrit comme des "adorables visages, ces silhouettes amies de l'espace, ces avant-bras veloutés, les lunettes de soleil remontées dans les cheveux, ces seins qui pointent sous les petits hauts" et que "tout ça soit en fait un atroce concentré de soumission, de calculs plus ou moins conscients, de néo-puritanisme bien-pensant, de fascisme de la tolérance obligatoire, de bovarysme avec l'électronique communicationnelle embarquée à bord, d'assistance psychanalytique à vie comme on a des assistances respiratoires." Systématiser la femme à "tout ça", ça sent surtout le quinqua' qui vit mal son âge... communiste hédoniste (il s'en réclame tout au long de son livre), on imagine l'écrivain manger du saucisson avec ses amis en laissant tomber la cendre de cigarette au sol pendant que bobonne fait la vaisselle ; une certaine idée de la révolution des mœurs, c'est bien dommage mais passons. Car il y a fort heureusement de belles pages sur Bukowski dans ce livre, de beaux passages sur Audrey Hepburn, et puis il y a un amour sincère de la littérature, de la langue, de la phrase. On appréciera les anecdotes sur les années 80, la Russie d'alors et l'émission Lunettes noires pour nuits blanches d'Ardisson, où j'ai vu Alan Vega (Suicide), un soir de 1989, interpréter la chanson Surrender dans un playback aussi majestueux que comique. Mais me voilà perdu... bref, tout ça pour dire que parfois on ne sait plus trop pourquoi on avait acheté un livre, et que la meilleure façon de le savoir, c'est de le relire.

     

    Extrait de Physiologie des lunettes noires, de Jérôme Leroy (publié aux éditions Mille et une nuits) :

    "- Swann portait des lunettes noires ?

     - Aucune idée. Il faudrait trouver le temps de relire Proust avant la guerre ethnique sur fond de réchauffement climatique. Cela ne va pas être évident.

     - Il parait que ce n'est pas sûr, le réchauffement climatique.

     - Ben voyons, comme si le capitalisme n'allait pas tenter jusqu'au bout de nier l'autocide planétaire qu'il a mis en place. On se demande pourquoi d'ailleurs. Ils n'auront pas de tribunal de Nuremberg pour leur demander des comptes. D'abord parce qu'ils seront morts comme les autres, ces cons, et en plus que, si tribunal il y avait, on ne trouverait pour y siéger que des bonobos tristes, des scorpions dopés aux radiations et des rats amusés.

     - On dirait du La Fontaine.

     - Du Lautréamont plutôt. Lautréamont est un auteur de la fin du monde qui ne le savait pas : "L'aigle, le corbeau, l'immortel pélican, le canard sauvage, la grue voyageuse, éveillés, grelottant de froid, me verront passer à la lueur des éclairs, spectre horrible et content. Ils ne sauront ce que cela signifie. Sur la terre, la vipère, l'œil gros du crapaud, le tigre, l'éléphant ; dans la mer, la baleine, le requin, le marteau, l'informe raie, la dent du phoque polaire, se demanderont quelle est cette dérogation à la loi de la nature."

     - Effectivement...

    "