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edith piaz

  • La carte postale du jour...

    "Il y en avait, il y a dix ans, de ces choses qui m'intimidaient! La poésie concrète, Andy Warhol, et puis Marx et Freud et le structuralisme - et les voici envolés..., et rien ne doit plus oppresser quiconque si ce n'est le poids du monde."
    - Peter Handke, Le poids du Monde (1980)

     

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    Je me souviens quelle a été ma joie lorsque mon groupe d'alors - Danse Macabre - fut booké en première partie de Norma Loy, près d'Annecy, en 1992 je crois, et quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un groupe plutôt distant (bon, la scène "dark" c'est pas non plus la croisière s'amuse...), qui ne ressemblait plus à celui que je connaissais - de la new wave burlesque, inspirée, décadente, ... -, mais tentait vaguement d'imiter les Doors, et puis je me rappelle aussi ce grand rocker tout de cuir vêtu qui vint me voir au bar après notre concert pour me jeter à la figure d'une voix de basse "ta musique c'est de la merde", éructation qui venait non pas de son cœur mais au moins de ses intestins, et qui mit fin à ma carrière sur scène quasi-instantanément.
    Je me souviens aussi d'avoir toujours été perturbé par l'utilisation du saxophone, surtout pour la musique post-punk/new wave, j'en trouvais en effet chez Siouxie (supportable), Siglo XX (acceptable), sur le super 45tours de Carol & Snowy Red Breakdown (convenable) et même chez les Italiens Diaframma et leur Joy Divisionesque album Siberia (recevable), mais encore aujourd'hui, c'est vraiment l'instrument maudit pour moi, allez savoir pourquoi...
    Je me souviens aussi d'avoir toujours été fasciné par cette reprise de L'Homme à la moto, son côté lugubre, son texte scandé avec une voix grave :

     Marie-Lou la pauvre fille l`implora, le supplia
     Dit: `Ne pars pas ce soir, je vais pleurer si tu t`en vas`
     Mais les mots furent perdus, ses larmes pareillement
     Dans le bruit de la machine et du tuyau d`échappement

     Il bondit comme un diable avec des flammes dans les yeux
     Au passage à niveau, ce fut comme un éclair de feu
     Contre une locomotive qui filait vers le midi
     Et quand on débarrassa les débris...

    Avant de partir à Rome, et pour ne pas toucher aux trois livres que j'emporte en voyage (Landolfi, Andritch et Gheorghievski), j'ai décidé de relire en vitesse cet Ultime entretien de Pasolini. Et une fois encore, c'est impressionnant de constater à quel point l'esprit d'analyse de Pasolini est brillant. Comme Clouscard dès les années 70 avec sa critique du libéralisme libertaire, Pasolini dénonçait lui aussi le consumérisme hédoniste et la corruption des consciences, dix ans avant que cette réalité ne s'installe véritablement, pour durer encore d'ailleurs. C'est vraiment un petit livre puissant, à relire régulièrement ; à noter aussi la sortie du film Pasolini d'Abel Ferrara, et puis l'un des plus beaux titres underground dédiés à l'écrivain italien, Ostia (The death of Pasolini) de Coil. Mais je m'égare...

     - Pourquoi penses-tu que pour toi, certaines choses soient tellement plus claires ?

      - Je voudrais arrêter de parler de moi, peut-être en ai-je déjà trop dit. Tout le monde sait que mes expériences, je les paie personnellement. Mais il y a aussi mes livres et mes films. Peut-être est-ce moi qui me trompe. Mais je continue à dire que nous sommes tous en danger.

     - Pasolini, si tu vois la vie de cette manière - je ne sais pas si tu accepteras de répondre à cette question - comment penses-tu éviter le danger et le risque ?

     Il s'est fait tard, Pasolini n'a pas allumé la lumière et il devient difficile de prendre des notes. Nous revoyons ensemble mes notes. Puis il me demande de lui laisser les questions.
     
     - Certains points me semblent un peu trop absolus. Laisse-moi y penser, les revoir. Et puis laisse-moi le temps de trouver une conclusion. J'ai quelque chose en tête pour répondre à ta question. Il est plus facile pour moi d'écrire que de parler. Je te laisse les notes supplémentaires pour demain matin.

     Le lendemain, un dimanche, le corps sans vie de Pier Paolo Pasolini était à la morgue de la police de Rome.