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lena platonos

  • La Carte postale du jour ...

    "Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui."

    - Charles Péguy

    samedi 25 juin 2016.jpg

    Je ne me souviens plus trop comment je suis tombé, il y a quelques années à peine, sur Lena Platonos, mais j'ai immédiatement pensé à Laurie Anderson et - mieux encore - à Anne Clark (période 83-87), dont elle est véritablement l'équivalent (grec), à savoir une poétesse de l'électronique.

    Je me souviens bien que le premier vinyle des Suissesses The Vylllies est d'abord sorti sur une petite maison de disques grecque, en 1984, juste un an avant ce Galop de Lena Platonos.

    Je me souviens aussi que cet album, composé après une séparation, recèle une magnifique petite bluette mélanco-synthétique et bizarroïde, Markos, qui a immédiatement rejoint mon top 3 du genre auprès des titres Blowing Bubbles (part 2) d'Edvard Ka-Spel et Love's a lonely place to be de Virginia Astley...

    https://www.youtube.com/watch?v=EjdfY8x3y9A

    C'est à l'écoute des mots grecs que nous emmène Yannis Kiourtsakis avec ce brillant essai sur La Grèce : toujours et aujourd'hui. Il y parle "d'homogénéisation mécanique de nos vies" et d'effacement de "la diversité des cultures". Il nous rappelle aussi ce qu'a été la Grèce dans l'histoire, mais aussi l'importance du langage et du dialogue des cultures. En ce sens, sa manière de prendre le temps de penser - et en cela de penser dans le temps - la crise actuelle, rappelle un peu un autre livre, sur l'Espagne lui, qui s'intitule Tout ce que l'on croyait solide, d'Antonio Munoz Molina, qui dénonçait de manière assez équivalente cette forme de totalitarisme larvé de la finance sur une société spectaculaire où des publicitaires nous vendent des feux d'artifices quand il n'y a pourtant plus rien à voir... Yannis Kiourtsakis prend en exemple le village de Skyros, village anciennement homérique, maintenant dominé par une architecture moderniste disgracieuse et anarchique qui a presque entièrement remplacé la petite cité d'antan. Il nous parle aussi de sa responsabilité, en tant qu'écrivain, qui consiste à "résister à l'enfermement dans le temps présent", qui est la tyrannie de l'actualité, cette même actualité dont Bakhtine disait que "prise hors de sa relation au passé et à l'avenir, perd son unicité, s'émiette en phénomènes isolés, en devient le conglomérat abstrait" - car c'est bien là le problème : le Grec d'aujourd'hui serait-il celui qui a la nostalgie de la Grèce, comme le disait déjà Milan Kundera de l'Européen? Ce livre n'est pas simplement, ou seulement, un excellent essai, c'est carrément un livre nécessaire, car il crée de la pensée, et, même s'il a été écrit en français, il nous rappelle aussi ces mots de Yourcenar qui disait : "Presque tout ce que les hommes ont dit de mieux a été dit en grec."

    Extrait de La Grèce : toujours et aujourd'hui, de Yannis Kiourtsakis (publié par les éditions de la Bibliothèque)

    "Puis à l'inverse, faire voir ce qu'il y a de désespérément provincial dans les rites de notre banlieue globalisée. Enfin, explorant ainsi simultanément la finitude et l'infini des espaces et des temps, le sens de l'enracinement et celui de l'errance, la nostalgie et son impuissance, la polytopie universelle de la diversité des cultures et l'a-topie provinciale de l'uniformisation mondialisée, s'efforcer d'apporter un éclairage un peu nouveau sur notre présent dans ce qu'il renferme de confus et de contradictoire. Car enfin, quelle que soit l'homogénéisation à laquelle nous assistons, les différences dues aux empreintes de l'histoire sont là, profondément marquées dans chacun des lieux où nous passons notre vie, alors même que ces différences auraient tendance à s'estomper pour ne plus apparaître que comme des nuances. Et si toute cette exploration devait révéler davantage de couches mortes que d'éléments vivants et fécondants, tant pis pour notre présent et pour nous-mêmes. D'ailleurs, montrer la présence du passé dans le présent ou y chercher les germes du futur c'est aussi notre travail, celui de notre mémoire et de notre imagination, c'est aussi le travail du romancier."