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sol invictus

  • La carte postale du jour ...

    "Moi qui sais des lais pour les reines
    Les complaintes de mes années
    Des hymnes d'esclave aux murènes
    La romance du mal aimé
    Et des chansons pour les sirènes" - Apollinaire, La Chanson du Mal-Aimé (1913)

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    Écouter Sol Invictus en 1992 tenait presque de la gageure alors que la musique électronique et le grunge s'imposait partout ; on avait là des textes sur les runes chantés d'une voix monocorde sur une musique acoustique triste et répétitive, mauvaise couche du post-punk le plus radical, celui de Joy Division, Throbbing Gristle, Shock Headed Peters (Ideal, l'un des titres le plus beau de tout les temps!) et Death In June. Mais voilà, pareillement à Dead Can Dance et sa musique néo-classique teintée de world-music à la même époque, Sol Invictus, qui se décrivait lui-même comme un "groupe de cabaret venu de l’enfer pour la fin du siècle", suivi son bonhomme de chemin, sans se soucier des modes, avec raison puisqu'il trouva une audience fidèle à ses orchestrations soignées, son subtil quoique sobre jeux de guitare, le beau violoncelle en fond, les touches de piano presque jazzy, la rythmique discrète, tout cela, et plus encore, portant cet album vers les sommets du folk bizzare, sommets partagés cette même année avec Current 93 et deux ans plus tard avec Nature & Organisation.Et Tony Wakeford de marteler sur King & Queen : "They stood, by the sea, King & Queen, sent a breeze, Tears they weep, tears they shed, For the living, for the dead".

    Avec Jean Echenoz il est surtout question de Reine. Et de caprice. Son style faussement léger est porté par une méticulosité au niveau des descriptions, du détail, c'est l'art qui imite la nature, ou le contraire, une prose dont la mécanique précieuse, digne de l'horlogerie suisse, donne à ses sept récits, ou plutôt sept tableaux, ou cartes, ou ponts, ou livres, que sais-je encore, une formidable densité. La lecture de ce Caprice de la Reine est captivante, étonnante, instructive aussi. J'aurais pu choisir presque n'importe quel passage du livre tant il est bon du début à la fin, mais j'ai sélectionné celui-ci puisqu'il a fortement marqué le commencement de cette prodigieuse lecture :

    "Et à nos pieds, déroulé sur la terrasse, gît un tuyau d'arrosage orange, comme un serpent laissé pour mort et le long duquel un peuple de fourmis circule abondamment en deux sens, chacune tenant la plupart du temps sa droite comme sur une route classique. Le trafic de ces fourmis est fort dense, qui doit relier leurs dortoirs proches du chantier de construction à leurs divers ateliers, silos de grain, champignonnières, laboratoires de ponte ou étables à pucerons. S'arrêtant brièvement en se croisant, les ouvrières procèdent alors à un rapide contact frontal, histoire d'échanger un baiser subreptice ou se rappeler le mot de passe du jour, à moins que ce ne soit pour ricaner en douce du dernier caprice de la reine."