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the god in hackney

  • La carte postale du jour...

    "La conscience, c'est le chaos des chimères, des convoitises et des tentations, la fournaise des rêves, l'antre des idées dont on a honte; c'est le pandémonium des sophismes, c'est le champ de bataille des passions."
    - Victor Hugo, Les Misérables (1862)

     

    dimanche 28 décembre 2014.jpg

     

    Je me souviens d'avoir découvert ce groupe par le magazine anglais WIRE, d'avoir eu un frisson de plaisir à l'écoute de Holt, Jarmara dont le son post-punk tribal m'a rappelé tour à tour A Certain Ratio (des débuts), Violent Femmes, 23 Skidoo, Pop Group, et, surtout, Shock Headed Peters, le groupe du bucheron de la basse Karl Blake qui, avec son premier album Not Born Beautiful signait en 1985 la quintessence d'un post-punk affranchi de toute mode, de tout genre, d'une inquiétante beauté et d'une élégante étrangeté. (J'en profite pour dire à quel point je suis parfois désolé - désolé dans le sens de la déception, mais en plus fort, plus énervé aussi - par tous ces groupes vendus comme post-punk depuis une douzaine d'années mais qui sonnent le plus souvent comme de la new wave FM, rappelant le pire de Simple Minds, Duran Duran et Tears For Fears réunis, et qu'on aimerait nous vendre comme du Joy Division, du Wire ou du Public Image Ltd!)
    Je me souviens bien que cet album de The God In Hackney - Cave Moderne - est rapidement entré dans mon top ten des pochettes les plus moches, à tel point que, l'ayant laissé trainé sur le sol du salon, ma copine eu un choc, une frayeur véritable, en tombant dessus un matin, au réveil, et me demanda par la suite "c'est quoi cette horreur?!". (Ringo Starr dans sa période hippie?)
    Je me souviens aussi d'avoir été très intéressé par la démarche du groupe, parce que leur approche relève de la performance, proche des arts plastiques, donnant par exemple un concert de huit heures non-stop au Centre Pompidou, le fait aussi que ses quatre musiciens, tous issus d'autres formations musicales, résident chacun dans des endroits différents - Los Angeles, New York, Brighton et Londres -, et puis l'absence de "buzz" autour de The God In Hackney joue son rôle, pas d'effet de mode, l'aura et l'intrigue restent entières, et puis l'album est excellent, particulièrement Holt, Jarmara, dont le texte est si incompréhensible que je ne peux le le retranscrire ici, mais voici le lien pour l'écouter, c'est déjà ça :

    https://soundcloud.com/junioraspirin/the-god-in-hackney-holt

     

    Lucien Polastron propose en 234 pages Une brève histoire de tous les livres, en passant par sa bibliothèque - pardon : ses trois bibliothèques - comme l'avait fait Walter Benjamin dans son Je déballe ma bibliothèque, comme l'a fait dans plusieurs ouvrages Alberto Mangel, plus récemment Cécile Ladjali avec Ma bibliothèque - Lire, écrire, transmettre, ou encore le truculent La traversée des plaisir de Patrick Roegiers. Mais alors qu'on pourrait s'attarder des heures durant dans sa vaste collection, et son érudition non moins grande, Lucien Polastron nous donne une merveilleuse leçon d'histoire pour tout savoir de l'écrit : comment il fut conserver, commet il se déplaça, évolua, jusqu'à devenir ce que nous tenons aujourd'hui dans nos mains - un livre relié (ou broché). Chercheur spécialisé dans l'histoire du papier, Lucien Polastron maitrise l'anecdote à la perfection, ce qui donne beaucoup de charme à ce livre, et il se laisse volontiers aller à l'ironie, voir la critique acerbe de la (fausse) "révolution" numérique actuelle. Au contraire de la musique, qui a fait son retour (et je parle ici du retour sous forme "physique", dans les magasins) sous la format vinyle, avec de (plus ou moins) belles pochettes grand format, le livre n'est pas prêt de "partir", toutefois le public se tourne de plus en plus faire de belles éditions, de beaux objets, des éditeurs innovants et / ou facile à suivre - au design reconnaissable, tout autant qu'à la confiance que l'on peut apporter à leurs choix en littérature, comme Allia, Verticales, POL, Minuit, Bourgois, Corti, Verdier, etc. - et aussi (surtout ! serais-je tenté de dire) vers de bons textes. Qui n'a en effet jamais été tenté d'acheter un livre simplement parce qu'il était orné d'une peinture de Munch, Redon, ou Böcklin ? moi cela m'est arrivé, et j'ai parfois découvert d'excellents textes, mais j'ai été aussi déçu, parfois clairement trompé sur la marchandise...
    J'aime beaucoup ce passage sur les couvertures des livres, même si la plupart du temps je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'auteur (il faudrait peut-être lui expliquer que le digital, le numérique n'est pas dénué de graphisme, et que la sobriété n'est pas forcemment une uniformisation ou un nivellement, mais c'est aussi un style en soi - jamais entendu parlé du Bauhaus cocolet?), Lucien Polastron est en effet trop pessimiste, trop "vieux-ronchon", il est comme c'est gens qui critiquent la littérature contemporaine sans la lire, il est peut-être trop (intentionnelement?) détaché des jeunes générations qui prisent tout autant les livres et le vieux papier, il faudrait peut-être qu'il lise plus François Bon, allez savoir...

    "Par-dessus le marché mais pas seulement en France, cette dernière mouture finit par adopter une vicieuse tendance à l'uniforme et au nivellement, dérive que l'on pourrait qualifier de livredepochienne, comme si chaque publication cherchait à passer inaperçue, tandis que les prix grimpent en proportion inverse du tangible apporté : à 35 euros le Pynchon, par exemple, étonnez-vous que les pauvres ne lisent plus ! Au moins a-t-on quelquefois pour le prix d'un roman une couverture alléchante et illustrée d'un joli paysage ou d'un bikini garni, comme c'est de plus en plus souvent le cas, quitte à fourvoyer minablement l'acheteur potentiel.
     (Mais jamais autant que le fit la couverture fantasmagorique accolée aux Chants de Maldoror par une publication vendue dans les halls de gare - est-ce pensable ? - vers 1960 et qui dévoya, mieux que n'aurait jamais pu faire la respectable version Corti de 1953, bien des jeunes gens épris de fantastique bon marché, vers des chemins d'où ils ne revinrent jamais (il parait qu'aventure approchante était déjà arrivée à Philippe Soupault qui, lui, tomba sur cette œuvre alors presque totalement inconnue, au rayon "mathématiques" d'une librairie-papeterie du boulevard Raspail).)
     Embarcadères du rêve et du désir, les couvertures, donc bonnes ou mauvaises, il va falloir s'en déprendre aussi : la numérisation les rend inutiles puisqu'il n'y aura plus grand-chose à promettre ni à cacher. D'ailleurs la plupart des grandes maisons d'édition du siècle dernier, à l'instar de leurs dignes prédécesseurs, avaient déjà opté pour une homogénéisation muettes des façades, habillant aussi bien les mémoires de la majorette que les vaticinations du philologue avec une même couleur maison, tout en se partageant confraternellement le peu de spectre disponible : à Grasset le pastis presque pur, à Minuit le blanc azyme, à Gallimard le beurre frais, etc. Le tout en vrac dans un sac de la Fnac, couleur moutarde-écrasée."