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  • La carte postale du jour...

    "Qu'il suffise d'indiquer qu'entre le nihilisme amené à sa perfection, et l'anarchie sans frein, l'opposition est profonde. Il s'agit de savoir, dans ce combat, ce que le séjour des hommes doit devenir, un désert ou une forêt vierge." - Ernst Jünger, Sur les falaises de marbre (1939)

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    Je me souviens d'avoir été, au premier abord, relativement peu intéressé par 16 Horsepower (je goûte peu le style dit "americana", la country-folk etc) - le précédent projet de David Eugène Edwards -, jusqu'à ce que je découvre leur reprise de Heart and Soul de Joy Division (jouée notamment au Montreux Jazz Festival en 2004) et là j'ai été conquis, à jamais.
    Je me souviens bien d'avoir tout récemment discuté musique avec Chris', et tout spécialement de Wovenhand, et mon ami m'a fait remarqué à quel point il trouvait que David Eugene Edwards et Bertrand Cantat avaient le même timbre de voix, ressemblance en effet flagrante lorsqu'on écoute leur duo sur la (belle) reprise d'un titre de Leonard Cohen : The Partisan !
    Je me souviens aussi d'avoir été parfois refroidi par l'obsession religieuse de David Eugène Edwards, obsession qu'il partage pourtant avec pas mal de personnalités que j'apprécie beaucoup, comme Nick Cave, David Tibet ou encore Will Oldham, mais parfois difficile à comprendre, toutefois comment ne pas être bouleversé par le feu de la passion du chanteur sur cet album très réussi intitulé Consider the birds, et spécialement sur ce magnifique morceau introductif qu'est Sparrow falls ?

    Holy king cause my skin to crawl
    Away from every evil thing
    In a cotton mouth in a cotton mouth
    Quick across the water bring

    Your hand speak of a broken door handle
    Of thoughts and deeds a little bird sings
    A little bird sings
    Star rise on the face of the water
    Quiet comes on the wing of a lark
    Call out in an old time holler
    Call out if you're afraid of your dark

    Jean-Pierre Richard* dit qu'"Il faudrait pouvoir parler, enfin, des qualités propres du texte de Pierre Michon : dire pourquoi il marche si bien, possède un pouvoir si singulier d'emportement, un tel entrain." Et c'est bien cela qui fait toute la beauté de la lecture des textes de Pierre Michon : la possession consentante du lecteur à l'emportement. Laissez-vous donc emporter dans ce très court texte aux grandes vertus. Le langage y est riche et coloré, c'est la peinture manifeste d'une forêt dont l'inquiétante étrangeté me rappelle les magnifiques Études sur le vert de Ruud Van Empel. Mais Pierre Michon arrive aussi, en un minimum de pages, à nous faire ressentir les différentes conditions sociales des protagonistes qui se croisent (ou s'épient) dans ce bois. Et puis il faudrait parler aussi de cette obsession pour la peinture bien sûr, souvent présente dans ses romans, incarnée ici par la présence d'un peintre, et... quoi vous dire encore ? si ce n'est de le lire, lentement et encore.

    "Il pleut sur Mantoue. C'est une ville triste, qui a un goût de vase même quand il fait soleil. Dans ce goût je m'occupe. Où est-elle, la grande espérance qui fit que je peignis, du soleil sur la tête et dans l'âme, dans des odeurs de pins ? Où êtes-vous, petits hommes dont ma main décidait, dieux dociles, gredins à grands feutres et marins songeant, passants qui traversiez des gués ? Mais ils sont là sans doute, sous la pluie je les rassemble près des écuries, ils sentent la gnôle et le poil mouillé des chiens, mes gredins, mes piqueurs. Leur feutre dégoutte sur leurs yeux, je vois à peine les visages ; quelque chose les mange, c'est leur barbe, ou la pluie, l'angoisse du matin qui fait rentrer les loups. Celui-ci, est-ce Jean ou Giovanni ? Mais celui-là je crois bien le reconnaître, c'est Hakem : il est noir, comme de la suie. Allons, à cheval. Une fois encore agitons-nous dans la forêt, sonnons du cor et gesticulons, et que nos âmes dans nos corps exténués ce soir enfin, dorment. Ouvrez bien les yeux, mes gredins : il y a dans cette purée de pois des petites bêtes qu'on ne voit pas, et quand on les voit c'est pour les tuer ; pour les voir et les tuer on vous paie, et de ce que vous gagnez vous vous saoulez et dormez mieux. Que d'ombre autour de nous. Et autant nous portent. On dit que c'est le matin. On dit que c'est l'été, Nous galopons, cela est sûr."

    * Jean-Pierre Richard : "Chemins de Pierre Michon" (publié chez Verdier)