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La carte postale du jour...

"Peut il y avoir une lumière née du soleil et de l'usure."

- Philippe Jaccottet, Paysages avec figures absentes

dimanche 15 novembre 2015.jpg

Je me souviens de cette reprise de Transmission de Joy Division par Low ; faussement paresseuse et réellement raffinée, sa lenteur cherchait la beauté dans le détail et la suspension.

Je me souviens bien que ce groupe m'a toujours étonné par sa longévité, sa constante discrétion qui les rapproche de la non-création ; n'éprouvant jamais le besoin ou le devoir de donner des preuves de son statut artistique, un peu comme l'auteur, dont Flaubert explique qu'il doit, "dans son œuvre", "être présent partout, et visible nulle part."

Je me souviens aussi à quel point j'ai été touché par certains textes de cet album - Ones and Sixes -, et principalement avec ce Lies, dont j'adore la mélancolie et surtout la mise en abîme finale : 

 

When they found you on the edge of the road
You had a pistol underneath your coat
But it all started back in '79
Your mother used to work from sunset to 5
And when you knew enough to know where to go
You said you wanted to be out on your own
Why don't you tell me what you really want
Instead of making up the same old lies, lies, lies

You say you must be going out of your mind
And I can see you when I look in your eyes
You're always talking on the end of your tongue
And sweep the ashes underneath the rug
You swear you're having just the time of your life
You've got it wrapped in pretty papers and white
Why don't you tell me what you really want
Instead of making up the same old lies, lies, lies
Lies, lies, lies
Lies, lies, lies

Oh, baby, we gotta go
The shadow's taking its toll
We're not winning anymore
Time is keeping score
It's the blind leading the blind
One can handle the night
Oh, it's not what I wanna say
But I'll say it anyway

When I saw you on the edge of the road
You had a pistol underneath your coat
I should be sleeping by your lonely side
Instead of working on this song all night

https://www.youtube.com/watch?v=S182S04Sy9U

 

Alain Nadaud nous quittait cet été, mais il avait déjà quitté la scène littéraire en 2010 avec son magnifique "D'écrire j'arrête", où devrais-je plutôt dire : il avait "presque" quitté la scène littéraire en 2010. En effet, ce sympathique imposteur nous envoyait encore de ses nouvelles avec ce Journal du non-écrire, en 2014 ; journal qui n'était ni un roman, ni un essai, ni vraiment un journal d'ailleurs... mais un grand livre d'Alain Nadaud, ce qui n'est pas rien, même si bon nombre ne le connaissaient pas, ne le connaissent pas, et, probablement, ne le connaitront jamais. Ses réflexions à la troisième personne donnait un portrait tout de gris d'un auteur désabusé, qui s'éloignait peut-être de son œuvre, déçu par la littérature, et qui faisait maintenant le choix de la retraite dans la vie sans l'écrit. Comme il le notait "un matin (...) j'avais cessé d'y croire" - après avoir touché le néant par la littérature, Nadaud avait choisi la mort fictive. Il s'était raturé à jamais, retiré du circuit, des alliances et des complicités ; il se rayait lui-même du registre des inscriptions et belles lettres - il pouvait savourer cette gloire en secret. Je la savoure avec lui. Ce journal est une fin de non-recevoir, l'œuvre de Nadaud tend vers le silence. Un silence assourdissent qui se noie dans le bruit du monde, mais n'en reste pas moins présent, en profondeur.

 

Extrait de Journal du non-écrire, d'Alain Nadaud (aux éditions Tarabuste) :

 

"Il s'était aperçu qu'il avait vécu dans un état de véritable sujétion vis-à-vis de l'écriture. Comme un prêtre fanatique. Un zélote. Un idolâtre qui se sacrifie à son idole, non pas faite de boit, de pierre ou d'os, mais d'encre et de papier : dans son temple, dont la bibliothèque labyrinthique imaginée par J.-L. Borges est le modèle, s'entassait la totalité des livres écrits depuis les commencements des temps, et à écrire jusqu'à la fin des siècles.

 En arrêtant d'écrire, il avait coupé court à cette fantasmagorie. Il avait entamé une cure de désintoxication douloureuse, pleine de doutes et d'austérités, à laquelle rien n'était susceptible d'échapper. Peut-être la disparition de ses certitudes en la toute-puissance de l'écriture, de l'abnégation que supposait cette pratique, de cette morale même qu'elle induisait le rendaient-elles mieux apte à démonter les mécanismes insidieux et pervers de la croyance, à aborder de front la question de l'absence radicale de Dieu.

Pour retrouver le chemin de l'écriture après une déception pareille, il lui aurait fallu un enjeu de taille : à l'image par exemple de la lutte de Jacob avec l'Ange. Ou de ce Maldoror qui ne craignait pas d'outrager la figure même de Dieu."

 

 

 

 

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