Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Manoeuvres de diversion - Page 46

  • 14, de Jean Echenoz, aux éditions de Minuit ...

    jean_echenoz_14.jpg"Cinq hommes sont partis à la guerre, une femme attend le retour de deux d'entre eux. Reste à savoir s'ils vont revenir. Quand. Et dans quel état".


    C'est un peu le Voyage au bout de la nuit* de Vies minuscules** aux Champs d'Honneur*** avant Un long dimanche de fiançailles****. C'est surtout la prose astucieuse et lumineuse de Jean Echenoz qui mêle les destins de quelques protagonistes à la grande histoire, et surtout : à la Grande Guerre. Tout y passe : le vin offert aux soldats pour développer leur esprit de bravoure. Ces mêmes soldats qu'on va chercher dans les couches basses de la société. Et puis c'est la mise en lumière des divers fronts : celui de devant, l'ennemi, allemand, du milieu, les poux, l'odeur, insoutenable, et celui de l'arrière avec ses gendarmes dont il ne faut pas attendre plus d'humanité. Lire 14 c'est avoir une succession d'images, de descriptions, et pas seulement de la guerre, mais de ce qui se passe dans la guerre, et autour d'elle, ses conséquences sur l'économie, les femmes, les amants aussi. 14 est une subtile collection de destins broyés dans un opéra démentiel aux flatulences apocalyptiques. Avec ses 124 pages ce nouveau roman de Jean Echenoz pourrait sembler petit, il est pourtant le plus grand de cette rentrée littéraire.


    * Céline ** Pierre Michon *** Jean Rouaud **** Japrisot

  • Voyage en Serbie (5)

    Vendredi 20 juillet, au revoir Belgrade, bonjour Novy Sad, …

    Grasse matinée, rangement de l'appartement, sac à dos fermé, et me voilà prêt pour partir à Novy Sad. Bojan va m'y conduire. Je le retrouve donc avec son amie sur la Place de la République. Il fait très chaud, il est 13h00, on a beaucoup de temps devant nous, j'en profite donc pour me faire balader. Premiêre station : un magasin de disque proche de la place. J'avais imaginé une de ces échoppes indépendantes, délabrée, remplie de disques improbables, de vinyles usés, de posters en loque sur les murs, et bien non. L'endroit où on m'emmène est un grand magasin sur plusieurs étages, avec des livres, beaucoup, et un emplacement pour les disques, en sous-sol. Peu de disques en somme... l'habituelle plétore de groupes états.-uniens et anglo-saxons qu'on trouve partout et que de jeunes trentenaires occidentaux, bien renseignés et très originaux, osent définir comme "indé'" (indépendant) ou pire encore : alternatif. Bah. En découvrant un coin avec des films en DVD je m'empresse de demander s'ils ont encore Walter Brani Sarajevo. Et Non, dommage... Je découvre toutefois avec bonheur le rayon des groupes locaux, très nombreux. De la pop, majoritairement, mais aussi du jazz moderne, des compilations de groupes yougoslaves des années 80, entre punk et new-wave, et surtout un mélange de formations issus des quatre coins de l'ex-yougoslavie : des croates, des slovènes, serbes, monté-negrins, bosniaques, tous dans le même bac! Il y a un groupe qui s'apelle Eva Braun. Je me fais confirmer qu'il s'agit bien du nom du groupe - Oui, oui, me dit-on, c'est de la brit-pop, très connu en Serbie. Je vais plutôt acheter deux disques avec des noms moins sulfureux : Urban&4 parce que leurban4_kundera.jpg nom de leur EP me plait - Kundera - et Goribor des croates qui font du jazz aux réminiscences électroniques flirtant parfois avec le trip-hop. Cependant, je ne découvrirais la musique de ces deux groupes qu'une fois revenu en Suisse, jusque là je suis obligé de l'imaginer par les pochettes et le peu d'informations que je peux glaner sur les pochettes. Urban&4 s'est avéré une choix intéressant. Quelque peu rigide (la boîte à rythme), leur musique à de bon relent new-wave, la voix masculine se veut suave, entêtante, on les dirait presque influencé par la musique gothique des années 80 avec un côté plus mystique, et plus actuel. Pas mal du tout. Goribor est trop jazz pour moi, dommage, mais pas inintéressant. Bonne pêche en tout cas. Après ça une dernière salade dans un petit café-restaurant surplombant le Danube, et on se met finalement en route pour Novy Sad.

     

    Si la vie est relativement (très) bon marché en serbie, le salaire moyen y est très bas, évidemment : l'équivalent de 300.- euros. Et paradoxalement, le péage autoroutier est très chèr, alors que l'état de l'autoroute laisse, elle, plutôt à désirer. Comme je suis de passage, et vertainement dans l'idée de m'impressioner, on a organisé un superbe bouchon rien que pour moi, avec plein d'acteurs. Au lieu de faire les 80 kilomètres qui sépare la capitale à Novy Sad en trois quart d'heures, il nous en faudra presque le double. Arrivé à Novy Sad je cherche mon hôtel et découvre celui-ci dans une superbe petite cour intérieure proche de la rue piettone Smaj Jovina. Bordée de café, cette longue rue est située au centre de la ville, elle y est son coeur, son noyau d'activité principale pour sortir le soir, ou faire du shopping le jour. C'est très joli, très plat, il y règne une atmosphère vraiment apaisante, très agréable. Seconde ville de Serbie, Novy Sad est actuellement la ville où tout le monde aimerait habiter en Serbie. Je les comprend un peu. Il y a quelque chose de l'Italie du nord, d'Austro-hongrois aussi. C'est vraiment bien. On passe en vitesse au club P1020251.JPGCK13 où jouera ce soir Orkestar Gradovi Utočišta. Je rencontre le responsable de ce centre culturel alternatif visiblement très heureux d'accueillir un "touriste suisse". Visite des lieux : salle de concert, bar, petite bilbiothèque alternative, atelier pour les résidences d'artistes. Le concert de ce soir a lieu dans la cour étrangement décorée (voir photo), en plein air, puisqu'il fait si chaud. On m'explique aussi que les bénévoles qui travaillent dans ce centre sont vegans, une position très alternative en Serbie où l'on mange très volontiers de la viande. Et en parlant de nourriturre, il fait faim. On revient vers le centre situé à dix minutes à peine et à pied du ck13. Tout près de la place principale je découvre par hasard le café Atina où il fait bon prendre une salade avec une bière. Le cadre est magnifique, et les propositions culinaires alléchantes, surtout les gâteaux. Mais comme le temps passe vite, il me faut repartir vers le club.

     

    Orkestar Gradovi Utočišta a été fondé par  Ivan Čkonjević, qui habitait auparavant Belgrade mais est venu retrouver son aimée à Novy Sad. Comme il aime le raconter, son déplacement vers la seconde ville de Serbie a d'abord été un traumatisme. En Orkestar.jpgeffet ses concerts solo à Belgrade attirait toujours 100 à 150 personnes, mais lors de sa première prestation à Novy Sad c'est seulement 15 personnes qui vinrent le voir. Sa carrière musicale était terminée - du moins l'a t'il cru pendant quelques jours. Heureusement la motivation est revenue rapidement, et c'est avec cet ensemble qu'il compte maintenant faire parler de lui. La musique se situe quelque part entre le post-rock et la musique de chambre. Ivan compose et joue de la guitare, et ce soir il est accompagné de Bojan à l'accordéon, l'excellent Bora aux percussions, ainsi que deux jeunes musiciennes : Milica pour le violoncelle, et Tijana au violon. Le cadre du concert est fantatsique, et pas moins d'une cinquantaine de personnes sont présentes pour assister à ce concert plein air. Je suis ravi. Les nouvelles compostions, travaillées en groupe cette fois sont encore supérieure aux titres les plus anciens. Pour l'anecdote, lorsqu'Ivan m'a contacté pour l'aider à sortir un disque, je lui ai répondu positivement, puis lui ai envoyé quelques disques de mon label, dont le premier album de Goodbye Ivan. Lorsque le musicien serbe a découvert ce disque il a pris le nom comme un message et a cru que notre collaboration s'arrêtait là : Goodbye Ivan, ah ! Heureusement non. Après le concert je fais connaissance avec quelques personnes, dont une enseignante d'anglais et d'allemand, ce qui me permet de converser un peu dans la langue de Goethe pour changer de mon anglais incertain et de mon serbe inexistant. On se déplace ensuite chez Ivan et son amie Daniela, avec quelques membres du groupe. Le Raki coule à flot pendant que nous parlons de la situation de la Grèce, de l'Europe, de possibles et futures concerts, de Sixteen Horse Power, et d'une multitude d'autres choses que l'alcool me fait rapidement oublier.

    à suivre ...

  • Voyage en Serbie (4)

    jeudi 19 juillet, les montagnes serbes ...

    Après avoir fait le choix judicieux de passer la grande partie de la matinée dans mon appartement, et pour ne pas tomber dans la routine, je décide ce jeudi après-midi de sortir de Belgrade. Je me fais conduire en voiture à la colline d'Avala après avoir constaté qu'il fallait prendre le tram et divers bus pour y arriver. L'aventure ce sera pour demain, ou samedi... le chauffeur de taxi me vante la région, les prix modérés pour l'achat d'une maison, me parle du piteux état de l'économie serbe, des faibles exportations, et me recommande la Macédoine proche, ainsi que la Grèce, mais moins la Croatie où les gens - à ses dires - profitent un peu trop du tourisme et ne sont pas toujours très sympathiques. Je vérifierai à l'occasion, on est arrivé. Belle journée, trente degrés, sans vent, la fraîcheur de la forêt n'est pas seulement la bienvenue - elle est quasi vitale. Un proverbe chinois dit qui veut gravir la montagne commence par le bas - futé... n'empêche, je me trompe légerement de chemin, et j'emprunte la route goudronnée. les 2 kilomètres de marche sont doublés, et la randonnée probablement moins pittoresque que sur le chemin forestier que je découvre à mon arrivée au sommet qui culmine à 500 mètres et quelques... ma mégarde est aussitôt remplacée par l'enchantement de découvrir un P1020239.JPGtrès bel hôtel-restaurant de style 1900 et soviétique à la fois - c'est accueillant en tout cas, et ça respire une autre époque. J'ai ressenti de pareilles émotions en Allemagne de l'est autrefois (mais après la chute du mur quand même) en arrivant dans un petit village sur une route pavée bordée de maisonnettes construites en briques rouges et où, en lieu et place de pont pour passer sur l'autre rive, il fallait prendre un bac qui coûtait 2 marks allemands pour la voiture et 1 mark par passager...  c'est un monde que la globalisation va bientôt engloutir à jamais - mais je m'égare à nouveau, et cette fois dans mon récit ! je continue donc ma route (la bière attendra) en me dirigeant vers la tour de la radio. Bombardée lors des feux d'artifices organisés par l'otan, elle a été reconstruite il y a peu. Chouette. Je paie mon ticket et m'en vais prendre l'ascenceur. Là sont employés pas moins de cinq personnes. Il n'y a pourtant pas foule. Une fois de plus le monsieur dans l'ascenceur est spécialement glauque, il faut dire qu'on grimpe les quelque 150mètres de la tour en un rien de temps, et sans trop sentir l'accélération (ni la décélération). J'en déduis que les employés doivent se relayer régulièrement dans l'ascenceur, la partie la moins passionnante de ce travail probablement. Le panorama est magnifique, jeP1020241.JPG distingue d'un côté la Save qui coule en direction de Belgrade et de l'autre le Danube qui s'en va vers la Bulgarie. C'est beau comme tout et avant de tomber dans un romantisme larmoyant (ah ah), je prends la décision de descendre - c'est l'heure de la bière aussi. De retour à l'hôtel-restaurant Avala je savoure mon breuvage local ('me rappelle plus le nom, désolé, pas une Jelen en tout cas) et je jouis une dernière fois de cette atmosphère surannée: terrasse à colonnes de pierre, reliefs païens, service d'un autre temps (au demeurant fort professionnel), tout ça pour quelques sous... ah, avant de me laisser piéger par la nostalgie je téléphone à mon taxi qui passe me chercher vingt minutes plus tard. Le soir, pour changer, je suis allé dans un de ces de ces grands restaurants pour touristes, avec de la pseudo-cuisine française, c'était pas bien, j'ai regretté, j'aurais donné beaucoup pour m'envoyer un bon beurek au fromage. Pas grave, on ne m'y reprendra plus, et demain départ pour Novy Sad!

    à suivre ...

  • Voyage en Serbie (3)

    Mercredi 18 juillet, veni, vidi, Dimitri …

    Il faut donner du temps au temps dit Cervantès, et Proust déclare aussi justement que les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme. Deux journées à Belgrade auront suffi à me faire perdre la notion de ce temps qui me manque tant à Genève. Le rêve. Je suis en mode aléatoire, en pleine dérive, et cette nouvelle journée peut commencer par un vrai déjeuner qu'il me faut alors quérir sur la Knez Mihailova, la rue piétonne où se côtoient boutiques chics et galeries d'art ainsi que de nombreux musées en phase de ré-ouverture annoncée parfois depuis quelques années. Knez Mihailova est aussi le lieu favori d'une sorte de jet-set belgradoise dont la représentation type est la jeune fille en fleur se distinguant par le port d'une robe ravissante, à l'allure inabordable, lunettes noires sur le nez dans une pose impériale. En bordure de cette rue c'est le nom d'un café qui  attire subitement mon attention : Petit Prince (Mali Princ). J'y vois un signe, je m'y assieds et, ô bonheur, la carte propose de nombreux pains maison, sandwichs divers et croissants appétissants. C'est Byzance à Belgrade, ce qui, au regard de l'histoire, est, somme toute, parfaitement normal.

    Après avoir comblé mon estomac, c'est mon désir de culture qu'il s'agit de satisfaire et je pars découvrir le musée Zepter et sa collection d'art contemporain serbe. Une erreur d'appréciation des bâtiments me fait entrer dans une galerie qui expose, à ma grande surprise, Petar Omcikous, peintre serbe dont nous possédons quelques tableaux à la librairie. L'ahurissement parvient à son comble lorsque je tombe face à face avec le portrait de Dimitri, de son vrai nom Vladimir Dimitrijevic, grandP1020231.JPG éditeur (L'Âge d'Homme) et propriétaire de la librairie, décédé le 28 juin 2011 dans un accident de voiture. Je vais immédiatement demander le droit de me prendre en photo près du tableau, ne négligeant aucun détail quant à cette heureuse coïncidence qui me fait me retrouver là juste devant le portrait de celui qui m'a engagé deux ans et demi plus tôt, me faisant immédiatement l'éloge du peintre Petar Omcikous. Plus ennuyé que médusé par mon histoire, le gardien se contente d'une réponse laconique : Faites donc ce que vous voulez ... ce que je m'empresse de faire, puis je visite l'exposition composée principalement de portraits réalisés depuis les années 50 jusqu'au plus récent, effectué en 2010 si mon souvenir est bon. Passé du figuralisme à l'abstraction, pour revenir au figuralisme, le style d'Omcikous approche son paroxysme dans ses portraits. J'aime particulièrement celui de l'écrivain genevois Georges Haldas en rêveur mélancolique qui cherche ses pensées perdues dans un halo verdâtre de fin de journée de juin. C'est une belle exposition qui me donne envie, dès mon retour à Genève, de me plonger dans la lecture du livre sur Omcikous signé Milija Belic et édité à l'Âge d'Homme. Après ça, le musée Zepter, pour intéressant qu'il soit, ne me laissera pas de grands souvenirs. Par contre à sa sortie je jette un oeil à la petite librairie qui jouxte l'entrée du musée et j'y découvre un excellent choix (en serbe) de littérature. W.G.Sebald, Hannah Arendt, Walter Benjamin, et bien d'autres grands noms, honorablement exposés à l'instar des nouveautés vulgaires qui encombrent habituellement les étals des libraires peu inspirés... chapeau  bas.

    Un petit tour à la plage puis retour en ville pour mon premier rendez-vous avec les autochtones, à savoir Bojan, jeune accordéoniste du formidable groupe de post-rock baroque Orkestar "Gradovi utočišta" (voir Vendredi 20 Juillet), qui m'emmène sur les remparts de la forteresse Kalemgdan qui surplombe le Danube et la Save, bel endroit ouvert toute la nuit et possédant quelques terrasses avec des cafés. Ce soir-là a lieu le vernissage du CD 2titres artisanal de Lula Mae, une formation où Bojan joue de l'harmonica. Si l'originalité de Lula Mae n'est pas à chercher dans sa musique qui digère bien les influences pop indé' anglo-saxonnes comme de très lula mae.jpgnombreux groupes européens, sa saveur se trouve plutôt dans la voix de sa chanteuse et la langue, le serbe, dont les sonorités se font ici plus délicates. Mais ce soir le groupe ne joue pas. En effet Milica, Zorana et Bojan se relaient aux platines pour une sélection musicale incluant bien sûr leurs propres titres, mais aussi Elliott Smith, Johnny Cash, The National et bien d'autres jolies choses. La soirée se prolonge juqu'à minuit, à boire des canettes de bière sans manger dans une ambiance sympathique, à parler de la Suisse et de la Serbie avec Bojan et ses amies Mina et Maria. Passablement éméché je vais me prendre un Giros plein de frites au retour. Le lendemain j'ai un peu mal aux cheveux et le Giros au poulet laisse quand même un drôle de goût dans le bec...

    À suivre ...

  • Voyage en Serbie (2)

    Mardi 17 juillet, vélo, risotto, et à l’eau … 

    Déjeuner à Genève c’est le plus souvent poser son postérieur au café du coin, commander un café, ou un espresso, un croissant, éventuellement une tartine, un pain au chocolat les jours de fêtes. C’est simple, et bon. En Serbie le déjeuner c’est plutôt une assiette de charcuterie (voir la note vendredi 20 juillet pour une plus ample description), du yogourt, une omelette. Mais moi j’ai envie d’un pain au chocolat – après tout : c’est les vacances. Je descend donc au bas de ma rue dans un café-bar lounge réputé pour ses gâteaux, ses sièges cossus, sa musique électronique fade qui n’a rien à envier à celle que nous rabattent chaque été nos djs locaux branchés soit dit en passant fin de la parenthèse,  et ses blondes péroxydées qui viennent le soir chercher un partenaire musclé qui aurait réussi dans les affaires. Déception : à cette heure pas de blondes peroxydées. Pire encore, pas de croissant ni de pain au chocolat. Je vais donc engloutir une tranche de forêt noire très riche en calorie, très cacaotée puisque même la crème chantilly habituellement blanche est noire ! Avec un espresso minuscule, c’est un déjeuner tout à fait atypique qu’il m’est donné de consommer, n’empêche : c’est drôlement bon. Mais après ça, place au sport…

     

    Pont sur BelgradeUn vélo pour la journée coûte à Belgrade au bas mot dix fois moins cher qu’ici, en Suisse, et c’est à vous dégoûtter de rentrer au pays. Il n’est pas demandé de payer à l’avance, ni quand est-ce que vous comptez rendre le vélo. Ce dernier est dans un parfait état et une longue ballade au bord du Danube peut commencer en remontant d’abord la Save sur environ deux kilomètres jusqu’au premier pont reliant le centre-ville et Novi Belgrade. Là il est proposé de prendre un ascenceur pour grimper sur la passerelle de béton, une idée qui vous économise un énorme trajet ainsi que le trafic routier intense aux abords du pont en question. À ma grande surprise je découvre qu’il y a un monsieur dans l’élevateur qui est là pour appuyer sur le bouton, et accessoirement faire signe aux cyclistes de se dépêcher de monter. Il n’a pas l’air tellement heureux, il faut dire qu’appuyer sur monter et descendre une journée entière ça doit carrément donner envie de rendre son petit-déjeuner. Je le remercie et file à vive allure rejoindre la rive opposée, puis j’accompagne la Save jusqu’au Danube et remonte celui-ci sur une piste cyclabe joliment disposée dans un immense parc de gazon partiellement brûlé par le soleil estival. Les ombres des arbres épars sont comme autant d’oasis de fraîcheur et le spectacle des barges qui font office de clubs et restaurants, flottants tout au long des deux fleuves, est une expérience inédite. À cette heure-ci la plupart sont bien sûr fermés, prenant des airs délaissés, coquilles vides qui ne demanderaient qu’à se laisser aller le long du Danuble et son lent cours immuable. Cette jolie ballade me mène enfin à Zemun, jolie bourgade coincée entre Novi Belgrade et le Danube et qui garde un aspect rural, et même austro-hongrois d’après le guide touristique. Cette pause à Zemun sera l’occasion pour moi de déguster un très bon risotto à la seiche et de me rappeller être tombé dans les années 90 et par le plus grand des hasards sur l’émission culinaire d’Alfred Bioleks : Alfredissimo!  un joli nom évocateur, bien que Achtung kochen! aurait été amusant aussi, mais peut-être moins convenable pour la télé allemande. L’invité ce jour là n’était autre que Blixa Bargeld, du groupe allemand mythique Einstürzende Neubauten, compositeur de la plus géniale chanson qu’il m’ait été donné d’entendre depuis la fin des années 80 : Haus der Luege. Il fut aussi guitariste au sein des Bad Seeds de Nick Cave, lorsque celui-ci faisait encore de la bonne blixa.jpgmusique…  Pour celles et ceux qui ignorent tout de Blixa Bargeld, de son vrai nom Christian Emmerich, sachez que c’est un sympathique et original dandy toujours de noir vêtu à la voix proche de celle de l’acteur Otto Sanders* et qu’il est un aussi un amateur de bonne chair. Durant cette émission* Blixa prépara un risotto à l’encre de seiche du plus bel effet, accompagné d’un pinot blanc de la région de Baden. Moi le mien sera de la région de Vrsac si je me souviens bien, un lieu réputé pour ses vignobles, dans la partie serbe proche de la Roumanie. Un régal, le vin, comme le risotto noir.

    Le reste de la journée s’est passé sur le vélo, puis à Ada Ciganlija, la plage et le lac artificiels de Belgrade très en amont sur la Save. Un endroit agréable pour les chaudes journées pour peu que vous aimiez la musique. En effet chaque buvette / bar qui s'y trouve, à environ vingt mètres  d'intervalle, propose de la techno, musique latino, turbo-folk etc ambiance club med’ garantie. J’y ai pris un café glacé, un bon bain ainsi qu’un coup de soleil. La routine en somme…

    À suivre …

    * L'émission avec Blixa : http://www.youtube.com/watch?v=PdBrATEMPjM

    ** Otto Sanders joue, entre autres, dans Les Ailes du Désir de Wim Wenders