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italo calvino

  • La carte postale du jour...

    "Lorsque l'ambitieux s'aliène tous les partis qui l'ont porté au pouvoir, il ressemble à un imprudent qui, montant une échelle, briserait les bâtons après s'en être servi : s'il tombe, c'est dans un abîme."
    - John Petit-Senn, Bluettes et boutades (1846)

    dimanche 12 avril 2015.jpg

    Je me souviens d'avoir beaucoup apprécié First Light de Django Django, groupe qui m'était jusqu'alors inconnu, parce qu'il me rappelait à la fois New Order, Stone Roses The Wake et Beach Boys.

    Je me souviens bien d'avoir été peu étonné de retrouver les Beach Boys sur cette collection de titres choisis par Django Django vu que... (voir plus haut)

    Je me souviens aussi que Gulp est LE groupe qui sortait du lot sur cette bonne compilation de la collection LateNightTales à la magnifique pochette et à l'orientation musicale plutôt funk et pop psyché' ; parce Game love de Gulp me fait penser (un peu) à Broadcast, que j'aime beaucoup, parce que le titre est intrigant, parce qu'il y a une boîte à rythme minimale tout le long, et puis son texte court mais convaincant et la voix suave de Lindsey Leven aussi, ce qui me laisse penser, à l'instar de Django Django, que Gulp est un groupe à suivre....

     Sweet, is the life that you lead
     Next to mine
     And we roll the dice of love
     And we hope it's enough

     Silence won't protect the one you love
     That's your job fool, your job fool
     And we play the game of love
     And we hope it's enough

    https://www.youtube.com/watch?v=2jBMAPx_Pdo

     

    Je dois la découverte d'auteurs et / ou de textes à beaucoup d'amis, de connaissances. Et il en est ainsi de ce génial recueil de nouvelles de Julio Cortázar qui ne me serait probablement jamais tombé entre les mains si je n'avais entendu une amie en parler (salut Céline, et merci!). Cortázar ne se contente pas d'écrire des nouvelles, il use de la métalepse, procédé narratif dont Genette explique dans son livre Figures III qu'il est une "figure par laquelle le narrateur feint d'entrer (avec ou sans son lecteur) dans l'univers diégétique". On peut comparer ceci à la mise en abyme utilisée avec génie par l'auteur italien Italo Calvino dans Si par une nuit d'hiver un voyageur ; roman (qui vient de reparaître) dans un roman dans un roman dans un roman dont le lecteur est - pour ainsi dire - l'acteur-auteur. Mais derrière le procédé technique, Cortázar brille par son imaginaire - et c'est dire si, aujourd'hui, en pleine époque de la "panne de l'imaginaire" ce recueil tombe comme un fruit mûr dans mes mains. J'ai adoré ce texte où un homme va tous les jours observer les axolotls pour subitement glisser dans la "peau" d'un de ces êtres larvaires, sans pour autant perdre le "savoir", devenant l'observateur de l'homme (qui observe les axolotls). J'ai adoré aussi La fanfare, texte dédié à René Crevel. L'ensemble de ce petit recueil est un véritable plaisir de lecture, avec en introduction la superbe nouvelle, Continuité des parcs, exemple type de métalepse, histoire géniale en deux pages, fantastique dans tous les sens du terme.

    Continuité des parcs, tiré de Fin d'un jeu, de Julio Cortázar :

     

    "Il avait commencé à lire le roman quelques jours auparavant. Il l’abandonna à cause d’affaires urgentes et l’ouvrit de nouveau dans le train, en retournant à sa propriété. Il se laissait lentement intéresser par l’intrigue et le caractère des personnages. Ce soir-là, après avoir écrit une lettre à son fondé de pouvoir et discuté avec l’intendant une question de métayage, il reprit sa lecture dans la tranquillité du studio, d’où la vue s’étendait sur le parc planté de chênes. Installé dans son fauteuil favori, le dos à la porte pour ne pas être gêné par une irritante possibilité de dérangements divers, il laissait sa main gauche caresser de temps en temps le velours vert. Il se mit à lire les derniers chapitres. Sa mémoire retenait sans effort les noms et l’apparence des héros. L’illusion romanesque le prit presque aussitôt. Il jouissait du plaisir presque pervers de s’éloigner petit à petit, ligne après ligne, de ce qui l’entourait, tout en demeurant conscient que sa tête reposait commodément sur le velours du dossier élevé, que les cigarettes restaient à portée de sa main et qu’au -delà des grandes fenêtres le souffle du crépuscule semblait danser sous les chênes.

    Phrase après phrase, absorbé par la sordide alternative où se débattaient les protagonistes, il se laissait prendre aux images qui s’organisaient et acquéraient progressivement couleur et vie. Il fut ainsi témoin de la dernière rencontre dans la cabane parmi la broussaille. La femme entra la première, méfiante. Puis vint l’homme le visage griffé par les épines d’une branche. Admirablement, elle étanchait de ses baisers le sang des égratignures. Lui, se dérobait aux caresses. Il n’était pas venu pour répéter le cérémonial d’une passion clandestine protégée par un monde de feuilles sèches et de sentiers furtifs. Le poignard devenait tiède au contact de sa poitrine. Dessous, au rythme du coeur, battait la liberté convoitée. Un dialogue haletant se déroulait au long des pages comme un fleuve de reptiles, et l’on sentait que tout était décidé depuis toujours. Jusqu’à ces caresses qui enveloppaient le corps de l’amant comme pour le retenir et le dissuader, dessinaient abominablement les contours de l’autre corps, qu’il était nécessaire d’abattre. Rien n’avait été oublié : alibis, hasards, erreurs possibles. À partir de cette heure, chaque instant avait son usage minutieusement calculé. La double et implacable répétition était à peine interrompue le temps qu’une main frôle une joue. Il commençait à faire nuit.

    Sans se regarder, étroitement liés à la tâche qui les attendait, ils se séparèrent à la porte de la cabane. Elle devait suivre le sentier qui allait vers le nord. Sur le sentier opposé, il se retourna un instant pour la voir courir, les cheveux dénoués. À son tour, il se mit à courir, se courbant sous les arbres et les haies. À la fin, il distingua dans la brume mauve du crépuscule l’allée qui conduisait à la maison. Les chiens ne devaient pas aboyer et ils n’aboyèrent pas. À cette heure, l’intendant ne devait pas être là et il n’était pas là. Il monta les trois marches du perron et entra. À travers le sang qui bourdonnait dans ses oreilles, lui parvenaient encore les paroles de la femme. D’abord une salle bleue, puis un corridor, puis un escalier avec un tapis. En haut, deux portes. Personne dans la première pièce, personne dans la seconde. La porte du salon, et alors, le poignard en main, les lumières des grandes baies, le dossier élevé du fauteuil de velours vert et, dépassant le fauteuil, la tête de l’homme en train de lire un roman."