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sonatas et partistas

  • La carte postale du jour...

    "Que signifient ces similitudes, recoupements et correspondances ? Ne s’agit-il que d’illusions du souvenir, d’aberration des sens ou d’hallucinations, ou encore de schémas s’inscrivant dans le chaos des rapports humains, incluant tout autant les vivants que les morts, selon un programme qui nous est incompréhensible"

    - W. G. Sebald (Séjour à la campagne, traduit par Patrick Charbonneau, Actes Sud 2005)

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    Je me souviens que le violoniste Gidon Kremer considère ce (fantastique) enregistrement comme l'"essai d'une approche", et que j'ai eu beau l'écouter mille fois, je n'ai pas pour autant fait le tour.
    Je me souviens aussi qu'une dame est entrée dans la librairie alors que j'écoutais ce disque de Bach interprété par Gidon Kremer, qu'elle s'est dirigée de manière préméditée à l'endroit où nous rangeons beaucoup de correspondances d'artistes, d'entretiens, de journaux intimes, qu'elle a saisi un livre puis est venue dans ma direction, l'a brandi en me disant doucement qu'elle aimerait ceci : Lettres à une jeune pianiste, de Gidon Kremer.
    Je me souviens d'avoir été toujours séduit par la plupart des pochettes du label ECM, d'avoir aussi été charmé par ces Sonatas et Partitas de Bach, à la fois austère et riche, et d'avoir été charmé par cette déclaration énigmatique de Gidon Kremer à l'occasion de la sortie de ce disque en 2005 :

    "Il est tout de même étrange qu'en jouant du violon, je voulais en fait m'"éloigner" de mon "outil"... Était-ce une tentative inconsciente de me rapprocher de Bach et son univers - qu'il savait aussi agencer dans un instrument à une voix ? Ou alors était-ce dans le but d'esquiver ce paradigme de la beauté -, pour se vouer à l'esprit du message ? Mais peut-être était-ce aussi à tout autre chose."

    L'outil de travail de Jean-Yves Jouannais est actuellement son cycle de conférences-performances L'Encyclopédie de la guerre. C'est en voulant s'en éloigner qu'il s'en est rapproché, ou réciproquement. Dans ce traité de castellologie littorale, l'auteur de précieux essais comme L'idiotie, Artistes sans œuvres ou encore le sublime L'usage des ruines (parus chez Verticales il y a deux ans - très recommandé!), va discuter des barrages avec Olivier Cadiot, utiliser la fiction, la forme journalistique - et en cela il se rapproche d'Enrique Vila-Matas et son Journal volubile -, mais aussi de la littérature, de son obsession pour les ruines notamment, une forme qui rappelle l'essai De la destruction du regretté Sebald (et du coup donne envie de le relire).
    Jean-Yves Jouannais ne veut pas faire un livre avec ses conférences, il y arrive pourtant indirectement avec ce brillant ouvrage - Les barrages de sable - qui sort fin août chez Grasset et dont voici un court extrait :

    "Les châteaux de sable, je finis par les envisager comme des livres que l'on aurait pu écrire, ou pas, ou partiellement, qui n'auraient pas eu d'ambition artistique, hormis celle de répondre à une obsession, de s'accorder à elle. Les châteaux de sable n'ont pas d'auteur, ils sont des matériaux conducteurs de fable, toujours exactement la même, ont pour vertu cardinale de mesurer le temps et, non seulement font la guerre, mais sont la guerre. Si les châteaux de sable n'avaient pas été la littérature, j'aurais trouvé, dans la littérature justement, milles références aux châteaux de sable. La preuve de l'identité des deux phénomènes, c'est que la littérature avait su traiter, et avait eu le temps de le faire, de tous les aspects, réels, objectifs, comme fantasmés et imaginaires de l'épopée humaine, à l'exception des châteaux de sable. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle ma phrase continuait de ne pas me déplaire, parce qu'elle demeurait unique sur cet aspect de la castellologie. S'il m'était venu à l'esprit de compiler les savoirs contemporains comme ancestraux sur cette discipline, mon encyclopédie n'aurait comptée qu'une seule page, composée elle-même d'une unique citations dont j'aurais été l'auteur."