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xavier de maistre

  • La carte postale du jour ...

    "Les souvenirs du bonheur passé sont les rides de l’âme."

    - Xavier de Maistre, Expédition nocturne autour de ma chambre

    jeudi 2 juin 2016.jpg

    Je me souviens qu'au mitan des années 90, après avoir été pendant près de six ans un fan de Peter Greenaway (rencontré finalement lors de son passage à Genève en 1994, pendant son exposition itinérante Stairs), j'ai découvert les films de l'Islandais Fridrik Thor Fridriksson (grâce en soit rendue à la chaîne allemande 3sat qui a, pendant une semaine, diffusé pas moins de quatre de ses films, si je me souviens bien) ; je suis tombé simultanément amoureux de l'Islande, des films de Fridriksson évidemment, mais aussi de la musique à vous déchirer l'âme en deux, composée par Hilmar Örn Hilmarsson.

    Je me souviens bien que j'ai acheté deux fois ce disque - la seconde chez Sounds, tiens.

    Je me souviens aussi que la musique du film Angels of Universe a été l'occasion de découvrir Sigur Ros, puisque le groupe participe sur quelques titres à ce disque que je décrirais volontiers par le terme auguste...

    https://www.youtube.com/watch?v=UZivyeW3drU

     

    Pierre Girard est né le 21 août 1892 à Genève, où il est mort le 28 décembre 1956. Pour le reste, il faudrait le lire - mais ce serait là maigre chronique. Voyageur indirect, de ceux qui ne quittent par leur chambre, à l'instar de Cendrars qui nous faisait voyager en Russie dans sa Prose du transsibérien, sans l'avoir pris lui-même, ou, mieux, Xavier de Maistre et son fameux Voyage autour de ma chambre. Pierre Girard a peu voyagé, mais bien voyagé, et il est souvent retourné dans les mêmes endroits, probablement pour y vérifier la véracité de ses écrits. N'empêche : on lui doit de savoureux récits de voyages à Venise, aux Etats-Unis (dans le truculent passage intitulé Anges américains, comparant parfois le modèle suisse avec l'américain!), à Paris, où il fréquente Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud et Jean Giraudoux, en Suisse, bien sûr, mais aussi dans l'Allemagne des années 30, car le voyage n'est pas seulement géographique avec Pierre Girard, il est aussi temporel. Et puis l'auteur aime les gares, surtout pour n'y rien faire. Les Sentiments du voyageur, magnifiquement réédité par les éditions Fario, est un livre qui fait l'éloge du voyage immobile et des livres, ceux de Larbaud, de Proust, mais aussi l'Odyssée et, à sa suite, l'Ulysse de Joyce. Tout cela est exquis.

    Extrait de Les Sentiments du voyageur suivi de Anges américains, de Pierre Girard (oublié aux éditions Fario) :

    "... Ils ne disparaissent jamais. Leurs livres reviennent obstinément dans les boîtes des bouquinistes, comme les poissons morts que ramène le flot. L'an passé, j'ai vu un appointé qui lisait, au corps de garde, Chaste et Flétrie. Les gens n'ont pas tous du goût, mais ils sont curieux. Curieux des êtres, des choses, d'eux-mêmes. Et les livres sont pour eux des miroirs à trois faces.

     Francis de Miomandre disait un jour qu'on pouvait écrire n'importe quoi, et que ce n'importe quoi trouvait assurément des lecteurs. Comme ces peintres qui n'ont peut-être personne à leur vernissage, mais qui sont entourés, tandis qu'ils peignent dans la rue, de jeunes boulangers approbateurs et de petites blanchisseuses admiratives. (On sent si bien cela chez Breughel, la présence, derrière lui et en demi-cercle, de ses petits personnages bruns.)"

     

  • La carte postale du jour...

    "La réponse individuelle, le "retrait du monde", n'a aucun effet sur le système. Au contraire, ces désengagements du monde lui permettent d'autant plus de prospérer. Voyez les Etats-Unis : les Amish ici, les réserves indiennes là... chacun dans son coin, comme au zoo ! Seule une institution peut organiser un agir commun. Ce parlement virtuel, Internet - fleuron de notre mode de vie contemporain - pourrait nous aider à le construire. Cela n'a rien d'utopique."
    - Mark Hunyadi, auteur de La Tyrannie des modes de vie (2015), passage d'un entretien dans le Télérama nr 3410 (mai 2015)

    mardi 9 juin 2015.jpg

    Je ne me souviens même plus comment et quand précisément j'ai découvert Superthriller mais depuis quelques mois ce groupe anglais loufoque est devenu l'un de mes favoris et The Internet l'hymne de mon vingt et unième siècle qui tourne chaque jour sur ma platine.

    Je me souviens bien que j'ai rigolé un bon coup en découvrant le site internet du groupe et l'annonce de leur album à venir avec "plus d'historiettes sur le déclin de la culture pop telle que nous la connaissons et l'avènement de Spotify et de l'autoroute de l'information" !

    Je me souviens aussi que cette ritournelle pop hybride et synthétique, qui louche à la fois vers Kraftwerk et Beck, pointe de manière amusante vers le fait qu'Internet simplifie l'accès au monde en débarquant celui-ci dans nos salons (ou chambres), permettant aussi d'envoyer des bouteilles à la mer, comme je le faisais à seize ans avec mon premier fanzine photocopié (à douze exemplaires) et maintenant avec ce blog ; et c'est quand même bien pratique.

     

    If you are far, far away
    I don't got no money to call you
    I just tune you in, yeah
    it's on the internet
    just like me, on the internet
    that's where I get to be

    just like me, just like me, just like me, just like me...
    on the internet

     

    https://www.youtube.com/watch?v=kdhoZZrTU7k

     

    C'est les vacances. J'ai acheté pour une semaine de riz, de pâtes et de légumes frais (le resteront-ils assez longtemps?), de quoi tenir une bonne semaine sans - si possible - sortir de chez moi. J'aime mon chez moi mais j'avoue avoir toujours du mal à prétexter qu'on est mieux chez soi tout seul pour décliner une invitation à manger ou pour un film au cinéma, une pièce de théâtre... - c'est toujours carrément mal vu. Cet essai de la Genevoise (résidant maintenant à Paris) Mona Chollet tombe à pic. Elle y exprime "la sagesse des casaniers, injustement dénigrés", en citant pêle-mêle des blogs, des sociologues, des ethnologues, en passant par la littérature - Gontcharov et son fameux Oblomov, Alberto Manguel, Xavier de Maistre (auteur du Voyage autour de ma chambre), Chantal Thomas, ... -, sans oublier de parler de la difficulté aujourd'hui de trouver un logement décent, pas trop éloigné de son travail, et à prix correct. Quel rapport entretenons-nous avec le "chez soi" quand, effectivement, on passe environ 12 heures à l'extérieur de ce dernier et que la vie prend une tournure métro-boulot-dodo. Mona Chollet se penche aussi sur Internet, qui loin de nous désolidariser du monde, nous ouvre en effet les portes de celui-ci, dans le confort de notre chez nous. Bémol toutefois : Internet est aussi un objet de distraction, et entraine souvent la procrastination. Qui n'a pas arrêté la rédaction d'un texte pour aller "surfer" un peu, ou, en quête d'informations sur, par exemple, Marie Stuart, ne s'est pas retrouvé, de liens en liens, de rebondissements et rebondissements, à regarder une vidéo musicale sur YouTube ? qui n'a finalement aucun rapport avec Marie Stuart ! L'architecture, la sociologie, la philosophie, etc. Mona Chollet prend toutes les routes possibles pour tenter une ébauche d'explication du "chez soi" aujourd'hui ; sa valeur, son coût aussi. Un essai intelligent, comme je les aime.

    Deux extraits de Chez  soi, une odyssée de l'espace domestique, de Mona Chollet :

     

    "Aimer rester chez soi, c'est se singulariser, faire défection. C'est s'affranchir du regard et du contrôle social. Cette dérobade continue de susciter, y compris chez des gens plutôt ouverts d'esprit, une inquiétude obscure, une contrariété instinctive. Prendre plaisir à se calfeutrer pour plonger son nez dans un livre expose à une réprobation particulière. "Tout lecteur, passé et présent, a entendu un jour l'injonction : "Arrête de lire ! Sors, vis !"",constate Alberto Manguel. En français et en allemand, le mépris des "fous de livres", cette créature chétive et navrante, a donné naissance à l'image peu flatteuse du "rat de bibliothèque", qui, en espagnol, est une souris, et en anglais carrément un ver (bookworm), inspiré du véritable ver du livre, l'Anobium pertinax. C'est un fond irréductible d'anti-intellectualisme qui s'exprime là. Ce peu de confiance et de crédit accordé à l'activité intellectuelle se retrouve dans le milieu journalistique. Il explique cette tendance à minimiser l'importance du bagage personnel que chacun se constitue et enrichit continuellement - ou pas - et à faire plutôt du terrain une sorte de deux ex machina. 
    ...
    Les écrivains, ou les artistes en général, sont aussi les seuls casaniers socialement acceptables. Leur claustration volontaire produit un résultat tangible et leur confère un statut prestigieux, respecté (à ne pas confondre toutefois avec une profession, puisque la plupart gagnent leur vie par d'autres moyens). Il faut le bouclier de la renommée pour pouvoir déclarer tranquillement comme le faisait le poète palestinien Mahmoud Darwich :
    "J'avoue que j'ai perdu un temps précieux dans les voyages et les relations sociales, je tiens à présent à m'investir totalement dans ce qui me semble plus utile, c'est-à-dire l'écriture et la lecture. Sans la solitude, je me sens perdu. C'est pourquoi j'y tiens - sans me couper pour autant de la vie, du réel, des gens... Je m'organise de façon à ne pas m'engloutir dans des relations sociales parfois inintéressantes"."