commencer la matinée en bonne compagnie... un café, Nick Cave chante "As I sat sadly by her side / At the window, through the glass / She stroked a kitten in her lap / And we watched the world as it fell past" et que je découvre ce bel entretien de Tzvetan Todorov et Antonio Muñoz Molina dans les Assises Internationales du Roman de 2013 : " T.T. : ... je voudrais dire quelques mots sur le roman de Muñoz Molina. Ce ne sera pas notre seul sujet de conversation, c'est la raison pour laquelle je voudrais commencer par lui. Aujourd'hui, nous évoquerons surtout son côté roman historique, nous éclairant sur un épisode de l'histoire de l'Espagne et de l'Europe. Je voudrais dire à ceux qui ne l'ont pas encore lu* que c'est une merveilleuse expérience de lecture qui vous attend au sortir de notre rencontre. Il s'agit, certes, d'un roman historique, mais de bien plus que cela. Ce roman raconte l'une des plus belles histoires d'amour qui soit donnée à lire dans la littérature récente, d'autant plus qu'Antonio Muñoz Molina a su la présenter du point de vue de l'homme, de la femme et de l'épouse trompée. Il est exceptionnel d'avoir su se placer à toutes ces positions à la fois, je trouve cela remarquable. La richesse du roman ne s'arrête pas là, ce n'est pas seulement un roman historique et un roman d'amour, c'est aussi un roman métaphysique, si j'ose dire, parce que ce livre soulève la question de ce qui constitue l'identité de l'individu, le mélange inextricable d'impostures et d'authenticité qui compose chacun de nous. De même, il engage une méditation sur le temps qui nous transforme et qui pourtant nous échappe.Le résultat final est un roman polyphonique, un roman total comme on voudrait qu'il y en ait davantage. J'arrête ici mon éloge, nullement excessif.
A.M.M. : Je vais rougir, merci."
* Dans la grande nuit des temps d'Antonio Muñoz Molina (Seuil 2012, Points poche 2013)
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La carte postale du jour ...
il y a l'art qui ne se réclame pas comme tel mais plutôt comme un bricolage pour amateurs de chemin de traverse. Il est des artistes des bas-côtés, rarement cités, peu exposés au feu de la rampe et qui s'apprécient en cachette ; Il en est ainsi de cet album mystérieux de Cluster & Eno qui est la bande sonore la plus adaptée à l'une des meilleures découvertes du moment, que je dois à Denis Lavant qui me l'a conseillé, et à l'Âge d'Homme qui a eu la très bonne idée de le publier. Znorko est à découvrir, c'est beau, drôle, mélancolique, tendre, enfantin, rural et urbain à la fois. C'est, comme son nom l'indique, une Zoologie des faubourgs et j'y lis, amusé : "Il y a quelques années, un livre est apparu sur l'étal des librairies. Il s'appelait "Cabanes" ; une sorte de catalogue des édifices bricolés par les poètes du comportement, en un mot des gens simples. Le livre, pourtant à gros tirage, a été épuisé en quelques jours. Le monde entier l'attendait !
Dans le rayon architecture des grandes boutiques, on me disait non, rupture de stock.
Dépité, je ne manquais pas de remarquer la pile de beaux livres consacrés aux vieilles demeures rénovées par la jeune génération et qui s'entassaient sur le chariot, destination le pilon.
Je l'ai acheté au marché noir "Cabanes", au double de son prix. Il n'est plus à vendre, je le garde pour tout à l'heure.
Quelques jours auparavant, le journal La Provence consacrait un article sur les tombeaux du cimetière Saint-Pierre à Marseille et ses monuments souvent finement sculptés par des gens de talent, ces caveaux grands comme des studios T1, ces œuvres ombragées de cyprès jadis traquées par l'acheteur ne trouvent aujourd'hui plus preneur.
Les caveaux comme les vieux meubles n'ont plus de client, tant mieux, car on l'aura compris, l'enfant réclame la cabane et, dans le dictionnaire du voyage il découvre : la yourte, le gourbi, la paillote... ses joues se fendent d'un sourire, la santé s'améliore, il n'a plus besoin de viande de cheval, il est sur son dos pardi, et au galop.
À donf!" -
La carte postale du jour ...
Il y a un côté Talking Heads chez Tirez Tirez, mais avec une véritable attitude minimaliste qui lorgnerait vers le dépouillement glacial de certains titres de Joy Division ; d'ailleurs sur Razorblade les états-uniens partagent le même désenchantement post-punk que les mancuniens "So you're tired of the rat dance, the mundane, common place, the same old crowd (is much too loud) and the same hangouts". Cela répond presque au narrateur d'Austerlitz du (très) regretté W.G.Sebald : "Pour moi le monde se terminait à la fin du XIXième siècle. Je ne m’aventurais pas au-delà, même si dans l’objet de mes études – l’histoire de l’architecture et de la modernité au siècle de la bourgeoisie – tous les signes convergeaient vers une catastrophe dont les linéaments déjà se dessinaient."
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La carte postale du jour ...
Une merveille de tricotage artisanal, que cela soit pour l'univers enchanteur des quatre islandaises d'Amiina, ou de celui - littéraire - de l'écrivain suisse Julien Maret, et son très beau second roman qui vient à peine de paraître chez Corti, et dans lequel je m'absorbe volontiers, tant ses descriptions tout en délicatesse sont exquises : "plus bas après le jardin de la mère Soret ; il y avait la menuiserie aux grandes portes ; parfois laissées ouvertes ; avec le vacarme des scies circulaires ; le fatras des bois coupés ; des plots à joncher le sol des restes de papier de verre ; avec l'insistance des ponceuses dans la poussière ; dans le brouillard dans la montagne ; avec l'éreintement des rabots des coups de varlope ; des entailles des encoches ; au milieu des copeaux balayés dans le coin ; et puis aussi ce long tube en toile de jute ; qui aspirait la sciure ; et dans lequel on voulait sauter dedans à pieds joints ; ça avait l'air doux et cotonneux c'était attirant ; il y avait encore les crayons rouges aplatis à courir en long en large ; à prendre les mesures pour les découpes ; avec le double-mètre qui perdait le vernis par endroits les chiffres effacés ; mais il y avait toujours quelqu'un à venir dehors ; le casque sur les oreilles pour venir fumer une cigarette ; qu'on avait rien à faire ici ; que ce n'était pas un lieu pour les enfants ; qu'il fallait loin de par là ; et c'était à s'enfiler entre les planches empilées ; en enfilade sur la place ; recouvertes de plaques de tôle ondulée ; écornées dans les coins des bouts déchirés ; à travers les couloirs en se frottant au bois ; en se prenant des échardes au passage le doigt dans la bouche ; jusqu'au fond dans les replis ; dans les cachettes assis sur de la vieille sciure empâtée ; à trafiquer en sourdine ; à tripoter une capsule de bière ; à rattacher les lacets de ses chaussures ; et puis à graver ses initiales sur les planches ; avec le petit couteau porte-clé ; celui avec le cure-dent et la pince à épiler sur les côtés ; le dos contre le mur loin des regards et loin du monde ;"
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La carte postale du jour ...
À chacun ses classiques, moi c'est ce remarquable album du milieu des années nonante et un groupe qui n'a pas finit de me désenchanter comme sur Calling for vanished faces où David Tibet exalte "The great pain, The great misery, To look and look, To look and look and look, And look and find : Nihil", tout comme Pierre Jourde dont j'apprécie toujours autant la critique combative mêlée d'humour : "On voit ainsi Buren, artiste pompidolien, exposer son œuvre au centre Pompidou, musée national, en l'agrémentant de panneaux féroces expliquant à quel point elle est rejetée par la société. On voit des écrivains être rebelles dans des revues dirigées par Frédéric Beigbeder, insurgés dans des émissions télévisées de Guillaume Durand, révoltés aux éditions Grasset. La rébellion est devenue un objet indispensable, au même titre que le téléphone portable. Il y a des publicitaires rebelles, des mannequins rebelles, des princesses de Monaco rebelles, des patrons rebelles, et aussi des motos, des yaourts, des pantalons, des fromages mous rebelles. Inutile de préciser contre quoi on se rebelle. La rébellion vaut en soi. À l'état pur. C'est une qualité plus qu'un acte."