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Musique - Page 43

  • This record is dedicated to Ian Curtis

    how much they cost.jpgAh, l'importance des "liner notes", ces informations qui se trouvent au dos des pochettes de disques, ou à l'intérieur parfois (en fichier joint au Mp3 pour celles et ceux qui usent et abusent de ce format quelque peu bâtard mais si pratique). Oui : l'importance des "liner notes" pour lire la musique, et aller au-delà pour mieux revenir à la source.

    Et pourtant tout semble énoncé sur ce maxi 4 titres qui paraît au début des années 80 : Holger Czukay et Jaki Liebezeit sont des membres de l'influent groupe de Krautrock allemand Can, quant à Jah Wobble il est le bassiste fraîchement échappé de Public Image Ltd, groupe fondé par John Lydon après la dissolution des Sex Pistols, se démarquant de ces derniers par un son hautement inspiré des autres krautrockers allemands de Neu! (pour avoir une idée plus précise écoutez Hero de leur album de 75 par exemple).

    Public Image Ltd est cité à raison comme l'un des groupes les plus influents de la mouvance post-punk. En effet, et dès le début en 1978, Public Image Ltd sauve leur punk-rock rabaché jusqu'à la nausée avec des influences aussi diverses que le rock progressif et le dub, expérimentant bien souvent à la façon de Can (écoutez par exemple le titre Quantum physics tiré de l'album Soon over Babaluma, 1974). Cette originalité chez Public Image va prendre son principal essor avec les albums Metal Box et Flowers of Romance, respectivement parus en 1979 et 1981. Mais c'est une tendance qui se retrouve chez de nombreux groupes à cette époque : A Certain Ratio, Rema Rema, The Clash, et même New Order (écoutez les Peel sessions de 1982 et le titre Turn the heater on, ou bien le superbe Truth sur leur premier album, Movement, paru en 1981!).

    Et 1981 c'est l'année de la sortie de ce disque sans titre où l'on trouve ainsi réunis, pour le meilleur et sans le pire, Jaki Liebezeit, Holger Czukay et Jah Wobble. La pochette est sobre, paysage noir-blanc en forme de voie de garage qui évoque plus un disque de Throbbing Gristle (le 7" United, non?) qu'un disque de dub... mais loin d'une longue déclinaison de gris, le disque se révèle hautement coloré dès la premiêre écoute, alchimie réussie de sonorités new-wave, post-punk, expérimentales, dub, etc., surtout sur How much they cost avec son rythme électronique syncopé et sa basse au son si chaud. La voix de Jah Wobble fait penser à Shaun Ryder des Happy Mondays, mais c'est déjà une autre histoire... En dehors de ce premier titre, le plus compatible avec les pistes de danse d'ailleurs, les trois autres titres sont nettement plus sombres mais gardent un certain éclat dû à la qualité de l'enregistrement. Si le son si distinctif de Joy Division a été créé par Martin Hannett, c'est ici Conny Plank qui est aux commandes depuis son mythique studio près de Cologne - pour l'anecdote, ce studio qui a vu passer la crème de la crème du Krautrock, puis des groupes comme DAF, Ultravox, Killing Joke et Gianna Nannini (on ne choisit pas toujours qui on produit...), et ce jusqu'à la disparition de Conny Plank en 1987, a été démantelé et ré-installé en 2007 au Rock & Pop Museum de Gronau, en Allemagne bien sûr, où il est possible de venir enregistrer encore aujourd'hui !

    Mais les liner notes dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien j'y arrive, puisque pour clôturer celles-ci, sur le verso, on trouve cette ligne : "This record is dedicated to Ian Curtis". Jah Wobble a en effet vu Joy Division en 1979, durant le festival post-punk Futurama. Après le suicide de Ian Curtis, Jah Wobble, visiblement très touché, confiera son admiration pour Joy Division, et surtout pour son chanteur. Ainsi la boucle est bouclée, et ce EP est une perle à (re)découvrir pour tout fan de musique post-punk...

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  • Christmas Unicorn, par Sufjan Stevens

    Je n'ai presque rien suivi des productions de ce groupe très à la mode chez les trentenaires branchés, même si j'ai adoré l'album Seven Swans à sa sortie en 2004. L'hystérie collective autour du groupe m'en a éloigné peu à peu, et je me souviens avoir vécu une frustration similaire, un an plus tard, avec Antony & The Johnsons et Devendra Banhart tiens ! Mais voilà qu'en surfant sur le net je tombe sur Christmas Unicorn de Sufjan Stevens et ça colle parfaitement avec l'urgence habituelle de fin d'année, et le fait que tout le monde y croit sans y croire... "I know you're just like me" chante avec un certain maniérisme le leadeur du groupe, et ce qui pourrait ressembler à une bluette pop sous kétamine sortie d'un épisode des télétubbies est en fait une jolie métaphore de notre société de consommation camouflée sous le manteau  doucereux d'une pop expérimentale et futuriste. Cerise sur la bûche de Noël lorsqu'à la neuvième minute le titre se mue peu à peu en reprise bien inspirée du Love will tear us apart de Joy Division, avec cloches, trompettes et choeurs. J'en viendrais presque à croire au Père Noël, aux licornes, et au fait que la pop, même en 2012 (et 2013...) peut encore m'étonner - et c'est bien le cas : je suis sous le charme...


  • Nous ne serons plus jamais seuls, de Yann Gonzalez

    "Embrasses-moi, comme si c'était la dernière fois" scandait le groupe DAF en 1981...

    (cliquez sur la photo pour voir le film depuis le site d'Arte)

    nous-ne-serons-plus-jamais-seuls.jpg

    Un peu comme le groupe allemand le faisait avec sa musique énergique et minimale, Yann Gonzalez met en image l'urgence des sentiments de la jeunesse, sublimé en 35mm/noir-blanc dans ce court-métrage admirable. Les corps se meuvent frénétiquement, à l'assault des uns des autres, on se parle avec les yeux, les larmes, les rires, tout ça en plein décallage controlé avec la musique de M83 : éthérée, épique, entétante. Au final, le lever de soleil, la nostalgie d'une jeunesse qui se dilapide (dixit DAF), alors que tout peut recommencer ... Love will tear us apart, again, and again.

    Pendant le tournage Yann Gonzales fait danser ses ados sur "A forrest" de The Cure et "A sea within a sea" de The Horrors, preuve une fois encore de son bon goût musical, en plus d'un certain sens de l'esthétique.

  • Voyage en Serbie (7)

    Dimanche 22  juillet,  flânerie à Novi Sad  avec Danilo Kis, W.G. Sebald et Walter Benjamin …

    P1020313.JPGDimanche flâneur à Novi Sad, la ville du "Borgès des balkans" : Danilo Kis, qui réchappa de justesse aux "journées froides de Novy Sad", le nom donné au massacre de très nombreux juifs et serbes de la ville par les fascistes hongrois en 1942. L'oeuvre de Danilo Kis  est oubliée,  certains livres indisponibles, bien qu'indispensable comme Le Sablier. Il est mort d'un cancer en 1989, en France, son pays d'adoption dont il aimant tant la littérature, et aussi dans une certaine indifférence générale alors qu'un mur tombait à Berlin. L'intelligence oublie, l'imagination n'oublie jamais nous rapelle si bien Peter Handke, toutefois Danilo Kis, en grand correcteur de l'histoire, tentait de donner aux victimes de l'Histoire, un visage, une histoire propre, et l'imagination ne lui suffisait pas. Ou pas seulement en tout cas. Je regrette de ne pas avoir de livres de cet auteur avec moi durant mon séjour à Novi Sad. En plus de visiter le mémoire juif aux victimes du fascisme, nous passons mes amis serbes et moi par la citadelle où se déroule en juillet l'annuel festival de rock Exit. Fierté des "locaux", ce festival pose toutefois un souci majeur à la jeunesse du pays: son succès a conduit les organisateurs a augmenter le prix des boissons et de la nourriture, sans oublier les billets d'entrée. Pour les touristes l'évènement reste bon marché, pour les gens d'ici un luxe bientôtP1020308.JPG insupportable. Nous redescendons vers la vieille-ville défraichie qui se trouve au pied de la citadelle, le temps d'entendre le récit des bombardements des ponts au dessus du Danube qui sépare la citadelle du centre ville par l'Otan, vécu comme "dans un film", ou comme "à la télé" par ces jeunes gens qui étaient encore des enfants à cette époque. Les ponts ont été reconstruits depuis.

     

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    P1020333.JPGEn fin d'après-midi Ivan me fait découvrir le bar d'un de ses amis : Isba (c'est le nom du bar, pas de son ami). Caché dansP1020328.JPG une cour intérieure de la rue Železnička l'endroit est chaleureux. Des petits chatons roupillent sur le bar extérieur, la toiture de la terrasse possèdent aussi des orifices pour y laisser passer des arbres vers le haut et la lumière vers le bas.  Le flâneur que je suis beigne ainsi dans un halo étrangement verdâtre. L'intérieur du café  est boisé et possède de nombreuses bilbiothèques pleine de livres. La P1020325.JPGmusique agréable, et inatendue : Cocteau Twins. Je félicite la sympathique serveuse de son excellent choix musical tout en buvant ma bière et en discutant de choses et d'autres avec mes amis. L'atmosphère générale du lieu est propice à la lecture me semble t'il, et j'échafaude déjà le plan de revenir demain ou dans un an pour y relire Le rivage des Syrtes de Julien Gracq, Images de pensée de Walter Benjamin ou encore Paris est leurre de Xavier Boissel (dont j'ai récemment découvert un excellent texte sur Sebald dans un recueil qui lui est dédié aux éditions Inculte : Face à Sebald). L'Isba reste pour moi un moment privilégié dans mon voyage en Serbie. Il est l'endroit où une profonde et saine mélancolie a pu m'envahir. Il va sûrement disparaître, comme tout le reste. Je repense alors à l'ange de l'histoire de Walter Benjamin :

    Il existe un tableau de Klee qui s'intitule Angelus Novus.
    Il représente un ange qui semble avoir dessein de s'éloigner de ce à quoi son regard semble rivé.
    Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées.
    Tel est l'aspect que doit avoir nécessairement l'ange de l'histoire. Il a le visage tourné vers le passé.

    Où paraît devant nous une suite d'événements, il ne voit qu'une seule et unique catastrophe, qui ne cesse d'amonceler ruines sur ruines et les jette à ses pieds.
    Il voudrait bien s'attarder, réveiller les morts et rassembler les vaincus. Mais du paradis souffle une tempête qui s'est prise dans ses ailes, si forte que l'ange ne peut plus les refermer.
    Cette tempête le pousse incessamment vers l'avenir auquel il tourne le dos, cependant que jusqu'au ciel devant lui s'accumulent les ruines.
    Cette tempête est ce que nous appelons le progrès.

    Et puis à ses mots d'Enrique Vila-Matas sur Sebald :

    Les traces laissées par la littérature de Sebald composent un genre de poétique de l’extinction qui pose au premier plan la consternation de l’écrivain lorsqu’il comprend que tout à ses côtés se déshumanise ou disparaît, que l’Histoire elle-même disparaît.

     

    à suivre ...

     

  • Voyage en Serbie (5)

    Vendredi 20 juillet, au revoir Belgrade, bonjour Novy Sad, …

    Grasse matinée, rangement de l'appartement, sac à dos fermé, et me voilà prêt pour partir à Novy Sad. Bojan va m'y conduire. Je le retrouve donc avec son amie sur la Place de la République. Il fait très chaud, il est 13h00, on a beaucoup de temps devant nous, j'en profite donc pour me faire balader. Premiêre station : un magasin de disque proche de la place. J'avais imaginé une de ces échoppes indépendantes, délabrée, remplie de disques improbables, de vinyles usés, de posters en loque sur les murs, et bien non. L'endroit où on m'emmène est un grand magasin sur plusieurs étages, avec des livres, beaucoup, et un emplacement pour les disques, en sous-sol. Peu de disques en somme... l'habituelle plétore de groupes états.-uniens et anglo-saxons qu'on trouve partout et que de jeunes trentenaires occidentaux, bien renseignés et très originaux, osent définir comme "indé'" (indépendant) ou pire encore : alternatif. Bah. En découvrant un coin avec des films en DVD je m'empresse de demander s'ils ont encore Walter Brani Sarajevo. Et Non, dommage... Je découvre toutefois avec bonheur le rayon des groupes locaux, très nombreux. De la pop, majoritairement, mais aussi du jazz moderne, des compilations de groupes yougoslaves des années 80, entre punk et new-wave, et surtout un mélange de formations issus des quatre coins de l'ex-yougoslavie : des croates, des slovènes, serbes, monté-negrins, bosniaques, tous dans le même bac! Il y a un groupe qui s'apelle Eva Braun. Je me fais confirmer qu'il s'agit bien du nom du groupe - Oui, oui, me dit-on, c'est de la brit-pop, très connu en Serbie. Je vais plutôt acheter deux disques avec des noms moins sulfureux : Urban&4 parce que leurban4_kundera.jpg nom de leur EP me plait - Kundera - et Goribor des croates qui font du jazz aux réminiscences électroniques flirtant parfois avec le trip-hop. Cependant, je ne découvrirais la musique de ces deux groupes qu'une fois revenu en Suisse, jusque là je suis obligé de l'imaginer par les pochettes et le peu d'informations que je peux glaner sur les pochettes. Urban&4 s'est avéré une choix intéressant. Quelque peu rigide (la boîte à rythme), leur musique à de bon relent new-wave, la voix masculine se veut suave, entêtante, on les dirait presque influencé par la musique gothique des années 80 avec un côté plus mystique, et plus actuel. Pas mal du tout. Goribor est trop jazz pour moi, dommage, mais pas inintéressant. Bonne pêche en tout cas. Après ça une dernière salade dans un petit café-restaurant surplombant le Danube, et on se met finalement en route pour Novy Sad.

     

    Si la vie est relativement (très) bon marché en serbie, le salaire moyen y est très bas, évidemment : l'équivalent de 300.- euros. Et paradoxalement, le péage autoroutier est très chèr, alors que l'état de l'autoroute laisse, elle, plutôt à désirer. Comme je suis de passage, et vertainement dans l'idée de m'impressioner, on a organisé un superbe bouchon rien que pour moi, avec plein d'acteurs. Au lieu de faire les 80 kilomètres qui sépare la capitale à Novy Sad en trois quart d'heures, il nous en faudra presque le double. Arrivé à Novy Sad je cherche mon hôtel et découvre celui-ci dans une superbe petite cour intérieure proche de la rue piettone Smaj Jovina. Bordée de café, cette longue rue est située au centre de la ville, elle y est son coeur, son noyau d'activité principale pour sortir le soir, ou faire du shopping le jour. C'est très joli, très plat, il y règne une atmosphère vraiment apaisante, très agréable. Seconde ville de Serbie, Novy Sad est actuellement la ville où tout le monde aimerait habiter en Serbie. Je les comprend un peu. Il y a quelque chose de l'Italie du nord, d'Austro-hongrois aussi. C'est vraiment bien. On passe en vitesse au club P1020251.JPGCK13 où jouera ce soir Orkestar Gradovi Utočišta. Je rencontre le responsable de ce centre culturel alternatif visiblement très heureux d'accueillir un "touriste suisse". Visite des lieux : salle de concert, bar, petite bilbiothèque alternative, atelier pour les résidences d'artistes. Le concert de ce soir a lieu dans la cour étrangement décorée (voir photo), en plein air, puisqu'il fait si chaud. On m'explique aussi que les bénévoles qui travaillent dans ce centre sont vegans, une position très alternative en Serbie où l'on mange très volontiers de la viande. Et en parlant de nourriturre, il fait faim. On revient vers le centre situé à dix minutes à peine et à pied du ck13. Tout près de la place principale je découvre par hasard le café Atina où il fait bon prendre une salade avec une bière. Le cadre est magnifique, et les propositions culinaires alléchantes, surtout les gâteaux. Mais comme le temps passe vite, il me faut repartir vers le club.

     

    Orkestar Gradovi Utočišta a été fondé par  Ivan Čkonjević, qui habitait auparavant Belgrade mais est venu retrouver son aimée à Novy Sad. Comme il aime le raconter, son déplacement vers la seconde ville de Serbie a d'abord été un traumatisme. En Orkestar.jpgeffet ses concerts solo à Belgrade attirait toujours 100 à 150 personnes, mais lors de sa première prestation à Novy Sad c'est seulement 15 personnes qui vinrent le voir. Sa carrière musicale était terminée - du moins l'a t'il cru pendant quelques jours. Heureusement la motivation est revenue rapidement, et c'est avec cet ensemble qu'il compte maintenant faire parler de lui. La musique se situe quelque part entre le post-rock et la musique de chambre. Ivan compose et joue de la guitare, et ce soir il est accompagné de Bojan à l'accordéon, l'excellent Bora aux percussions, ainsi que deux jeunes musiciennes : Milica pour le violoncelle, et Tijana au violon. Le cadre du concert est fantatsique, et pas moins d'une cinquantaine de personnes sont présentes pour assister à ce concert plein air. Je suis ravi. Les nouvelles compostions, travaillées en groupe cette fois sont encore supérieure aux titres les plus anciens. Pour l'anecdote, lorsqu'Ivan m'a contacté pour l'aider à sortir un disque, je lui ai répondu positivement, puis lui ai envoyé quelques disques de mon label, dont le premier album de Goodbye Ivan. Lorsque le musicien serbe a découvert ce disque il a pris le nom comme un message et a cru que notre collaboration s'arrêtait là : Goodbye Ivan, ah ! Heureusement non. Après le concert je fais connaissance avec quelques personnes, dont une enseignante d'anglais et d'allemand, ce qui me permet de converser un peu dans la langue de Goethe pour changer de mon anglais incertain et de mon serbe inexistant. On se déplace ensuite chez Ivan et son amie Daniela, avec quelques membres du groupe. Le Raki coule à flot pendant que nous parlons de la situation de la Grèce, de l'Europe, de possibles et futures concerts, de Sixteen Horse Power, et d'une multitude d'autres choses que l'alcool me fait rapidement oublier.

    à suivre ...