Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

librairie

  • La carte postale du jour...

    "Je crois que le beau n'est pas une substance en soi, mais rien qu'un dessin d'ombres, qu'un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. (...) le beau perd son existence si l'on supprime les effets d'ombre."

    - Junichirô Tanizaki 

     

    lundi 6 juillet 2015.jpg

    The Names est l'exemple type du groupe qui rentre (bien malgré lui) dans la catégorie "second couteau". Repéré par Martin Hannett (le producteur attitré de la Factory des débuts, et donc de Joy Division - faut-il encore le répéter?), qui avait reçu leur premier 45tours au tout début des années 80 par l'entremise de Rob Gretton (le manager de Joy Division), The Names est à la base un groupe post-punk belge fondé à la fin des années 70 et qui ressemble peut-être plus à Simple Minds et Magazine mais que la production de Martin Hannett rehaussera presque au niveau de Joy Division (Closer) et The Cure (Faith). En guise de contrat il eurent droit à une poignée de main du directeur artistique de Factory : Tony Wilson. Ils vont aussi découvrir très rapidement que la philosophie du label de Manchester doit avant tout au situationnisme. Ainsi lorsque leur premier 45tours pour le label, Nightshift, est épuisé et alors que tous s'en réjouissent, le groupe comme les membres du label Factory, Tony Wilson décide que c'est plus amusant de ne pas le rééditer pour que les amateurs soient obligés de le rechercher âprement - la longue pente descendante de la déception et de la frustration va alors commencer pour le groupe qui envoie son nouveau single - Calcutta - à Martin Hannett qui met plus de huit mois à terminer le mixage. Dommage, le groupe loupe son public de peu ; Calcutta préfigure cette new-wave/pop fébrile et sautillante qu'on va retrouver moins d'un an plus tard chez Modern English et leur succès I melt with you (utilisé dans un film en 1983 aux côtés des Psychedelic Furs, ce qui leur vaudra un énorme succès en Amérique du nord surtout). Malheureusement The Names ne décrocheront jamais le gros lot. En 1982 ils décident quand même de rentrer en studio pour enregistrer un premier album avec Martin Hannett qui va diviser le disque, avec pour la première face - Day -, les titres plus rythmés, et pour la seconde face - Night - les plus lents. L'ambiance est lancinante, sombre, elle rappelle une fois de plus Joy Division, The Cure et New Order avec son premier album, Movement, qui avait été enregistré dans des conditions polaires (Martin Hannett avait tourné la climatisation sur froid délibérément), condition clinique qui avait réellement fini par se ressentir dans la musique - après cela d'ailleurs, New Order avaient décider de ne plus jamais travailler avec Martin Hannett. The Names eux ne se sentent pas encore prêt à couper le lien avec le génial producteur quoique parfois trop "original" et facétieux (en plus d'être alcoolique).  L'album Swimming ne va d'ailleurs pas sortir sur Factory mais sur le label belge les Disques du Crépuscule, Tony Wilson voulant rendre service à son collègue belge Michel Duval. The Names regrettent amèrement cette décision. En effet les Disques du Crépuscule sont bien moins connus que Factory, et comme la presse est passée à autre chose (l'électro-pop cartonne en 1982), les mélopées lancinantes de The Names ne va pas avoir beaucoup d'attention de la part des médias, même si, sur le long terme, l'album continuera de se vendre correctement et très régulièrement, le groupe ayant (maintenant) la chance d'être dans la queue de la comète Joy Division, aux côtés de nombreux autres comme Section 25, Tunnelvision, The Wake et A Certain Ratio dés débuts. D'ailleurs, surprise, le groupe qui s'était séparé au mitan des années 80 revient en 2007 pour jouer lors d'une soirée Factory, en Belgique, devant une salle comble et un public partagé entre vétéran de la première heure et jeunes amateurs de post-punk. Il aura donc fallu vingt cinq ans pour que The Names rencontrent un réel succès et sortent de l'ombre. The Swimming est réédité en double vinyle (incluant ainsi les singles ainsi que des raretés - peel sessions par exemple -) en 2011.

    https://www.youtube.com/watch?v=SU4B32Qg2kY

     

    La librairie Ombres Blanches a quarante ans. Christian Thorel offre ainsi le récit de son parcours de lecteur et de libraire passionné, de cette aventure que fut Ombres Blanches, librairie établie à Toulouse et qui n'a jamais cessé de s'épanouir, de s'agrandir, de se transformer. À l'heure où ce type de commerce et d'ailleurs toutes les professions qui entourent le livre (et qui dit livre, dit littérature) sont obligées de se repenser, c'est un témoignage beau et revigorant. L'espoir fait lire en tout cas ; si retrouve toute une communauté de lecteurs, une communauté de solitaires, rassemblée autour du texte dans ces lieux qui, pour Christian Thorel, "restent parmi les trop rares lieux de nos villes à avoir survécu non seulement à l'enfermement des consommateurs dans l'espace disproportionné des galeries de la marchandise situées en périphérie, mais aussi à l'éradication des échanges produite par le commerce à distance." L'auteur, le libraire, ajoute encore que "les lecteurs aiment leur liberté, celle de vagabonder parmi nos livres, des livres de papier qui ne laissent par les traces de leur lecture, ces traces désormais capturées dans la lecture de fichiers numériques par les grandes sociétés commerciales, devenues agent de surveillance."

    Dans les ombres blanches est un magnifique texte sur le monde du livre et particulièrement sur la profession de libraire, mais ne s'adresse pas seulement à ses derniers qui ne sont, en définitive, qu'un maillon de la chaîne du livre - non : ce récit s'adresse à tous les amoureux des livres et de la culture en général, et chacun aura le plaisir d'y croiser des auteurs Bernard Noël, Didi-Huberman, Pascal Quignard, ...), des éditeurs (Jérôme Lindon/Minuit, Vladimir Dimitrijevic/L'Âge d'Homme etc) et de nombreux autres acteurs, passeurs, amateurs, dévoreurs... de livres.

    extrait de Dans les ombres blanches, de Christian Thorel (Seuil 2015):

    "Décembre 2000, la fin d'un monde ? Le mois dernier, le prix Goncourt a été attribué à Jean-Jacques Schuhl, pour son troisième livre Ingrid Caven. Nous recevons le romancier, dans l'émotion. Lorsque j'ai appris la publication de ce livre, en mai dernier, j'ai lancé auprès de Gallimard une invitation. C'est un homme qui publie peu, deux livres en trente ans. J'ai acheté les exemplaires restant à la Sodis de son premier livre, Rose Poussière, que Georges Lambrichs avait édité dans la collection "Le Chemin", en 1972. Rose Poussière est une trace de mes années à la recherche du cinéma, et un livre de la bibliothèque de mes vingt ans.

     Ingris Caven interprète la mère de l'adolescent, personnage principal du film de Jean Eustache, Mes Petites Amoureuses. Avec Jean-Luc, l'ami d'enfance, avec Martine, nous nous étions rendus en 1974 sur le tournage du film à Narbonne, dans l'espoir de rencontrer Jean Eustache. La Maman et la Putain représentait pour nous la perfection du style au cinéma, et nous avions avalé tout Eustache dans un festival au printemps précédent. Si nous avions facilement localisé l'équipe, nous avions dû repartir sans rencontrer l'artiste, reclus dans sa chambre de dépressif.

     La journée en compagnie de Jean-Jacques Schuhl, l'ami de Jean Eustache, le complice, me rapproche éphémèrement de mon histoire, du passé d'un je encore hésitant, il y a plus de trente ans. Tous deux, Schuhl, Eustache, se confrontaient dans un désœuvrement  volontaire, trouvant une finalité à l'inutilité, dans le rien. Quelque chose d'Oblomov, à Saint-Germain-des-Prés, en quelque sorte. "Moi, très longtemps, j'ai continué à ne rien faire. Là-dessus, c'est quand même moi le plus fort, moi qui ai tenu le plus longtemps. C'est ce qu'il appréciait en moi, je crois, cet aspect ascétique, plus nul que lui", raconte l'écrivain, en 2006 à Libération à propos du cinéaste."

     

     

  • La carte postale du jour ...

    "Comme la possession d'animaux sauvages est interdite par la loi et que je n'ai aucun plaisir aux animaux domestiques je préfère rester célibataire." - Karl Kraus

    dimanche 13 juillet 2014.jpg

    Je me souviens avoir été conquis par la voix sensuelle d'Anita Lane pour son interprétation du titre de Lee Hazlewood : These boots are made for walkin' repris par Barry Adamson en 1991, puis, peu après, pour avoir chanté la version anglaise de Blume des Einstürzende Neubauten, qui reste, aujourd'hui encore, un de mes titres favoris.
    Je me souviens avoir souvent associé la voix d'Anita Lane à celles d'Hope Sandoval (Mazzy Star) et Jennifer Charles (Elysian Fields) pour cette tendance à me faire fondre tel un glaçon dans une vodka chaude.
    Je me souviens m'être souvent demandé si la chanson The world's a girl était dédiée à Nick Cave avec qui elle avait eu une longue relation durant le début des années 80, à cause du texte bien sûr :

    When my protests went wild
     You brushed me aside
     Like the finger of a child
     When I closed my eyes
     You took me from the pedestal
     Down to the abyss
     My soul was but consumed
     I thought you were inspired
     But you were just possessed
     

    Possédée l'était aussi Helene Hanff, une Américaine si éprise des livres et de la lecture qu'elle fit appel en 1949 à la librairie anglaise Marks & Co. pour lui trouver des éditions rares qui l'obsédaient. La relation épistolaire entre cette grande lectrice et ces libraires qui deviendront ses amis révèle les personnalités des uns et des autres, mais aussi le cadre historique, l'Angleterre d'après-guerre, encore rationnée, et la difficulté de trouver certains livres au Etats-Unis. Un petit livre bien attachant, surtout lorsqu'Helene se lâche dans certaines lettres, comme celle-ci :

    "24 mars 1950

    Eh, Frank Doel, qu'est-ce que vous FAITES là-bas ? RIEN du tout, vous restez juste assis à ne RIEN faire.
     Où est Leigh Hunt ? Où est l'Anthologie d'Oxford de la poésie anglaise ? Où est la Vulgate et ce bon vieux fou de John Henry ? Je pensais que ça me ferait une lecture si robotative pour le temps du carême, et vous, vous ne m'envoyez absolument RIEN.
     Vous me laissez tomber, et j'en suis réduite à écrire des notes interminables dans les marges de livres qui ne sont même pas à moi mais à la bilbiothèque. Un jour ou l'autre ils s'apercevront que c'est moi qui ai fait le coup et ils me retireront ma carte.
     Je me suis arrangée avec le lapin de Pâques pour qu'il vous apporte un Oeuf, mais quand il arrivera chez vous il découvrira que vous êtes mort d'Apathie.
     Avec le printemps qui arrive, j'exige un livre de poèmes d'amour, pas Keats ou Shelley, envoyez-moi des poètes qui peuvent parler d'amour sans pleurnicher - Wyatt ou Jonson ou autre, trouvez vous-même. Mais si possible un joli livre, assez petit pour que je le glisse dans la poche de mon pantalon pour l'emporter à Central Park.
     Allez, restez pas là assis ! Cherchez-le ! Bon sang, on se demande comment cette boutique existe encore."

  • La carte postale du jour ...

    mercredi 26 février 2014.jpg

    pour moi, deux évènements importants se sont produits en 1971 : ma naissance, dont on aurait pu se passer, et l'enregistrement de cet album de Neu dont il est, au contraire, difficile de se passer. "Motorik", lancinant, expérimental, répétitif, ambiant souvent, dérangeant parfois, ce disque aux surprises sonores infinies est la preuve - pour citer Baudelaire - qu'il faut plonger "au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau". Le titre Weissensee, d'ailleurs, avec son tempo lent où s'accroche une basse lancinante, fait merveille en cette journée trop grise où je profite d'un congé pour lire Cannibale lecteur, de Claro, où je tombe sur ce joli passage :

    "Dès que j'ouvre un roman, j'attends de lui qu'il me dise : écoute, je suis autre chose, je suis la poésie perdue et la technique impossible, je suis le commentaire déraisonné et la description infinie, je suis ailleurs, un allié - et non qu'il me dise : Regarde, je suis en train d'aller où je vais et où je t'annonce que je vais.
    Alors, non, je n'aime pas les livres que je sais que je ne lirai sans doute pas. Et si d'aventure, par insouciance ou défi, je m'y aventure, j'en épuise l'absence de charme en même temps que croît ma rage de n'y point trouver un peu de ce bouillonnement qui m'anime.
    "Tu ne sais pas ce que tu rates", dit la doxa, qui n'est pas heureusement que doxa. Bien sûr. Mais, ô lecteur, entre dans une librairie, une vraie, une librairie qu'à sculptée un libraire à force de patience, de passion et de grands éclats de rire, ouvre un livre, entends le chant riche et soutenu de l'auteur qui a enfin trouvé demeure et tu auras gagné tes galons d'explorateur."