Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

velvet underground

  • La carte postale du jour...

     

    "Le poids du monde, c'est l'amour. Sous le fardeau de solitude, sous le fardeau de l'insatisfaction, le poids que nous portons est l'amour." - Allen Ginsberg, Howl (1956)

    dimanche 9 novembre.jpg

    Je me souviens d'avoir été particulièrement touché par le film de Jim Jarmush, Only lovers left alive, son ambiance, son romantisme, son goût de la ruine, ses références littéraires, ses acteurs, brillants, la musique de Josef Van Wissem, longues plages hypnotiques où viennent se briser les vagues de larsen sorties des guitares de SQÜRL ; tout est parfait sans l'être vraiment, je peux le voir et le revoir sans fin, tout comme je peux écouter encore et encore le très orientalisant Taste of blood qui en est tiré et qui me rappelle à la fois Venus in furs du Velvet Underground et Chant of the Paladin de Dead Can Dance.
    Je me souviens bien d'avoir lu dans un entretien Jim Jarmusch déclarer qu'il avait "surtout rêvé" le rôle d'Adam "comme un croisement entre Syd Barrett et Hamlet" - génial !
    Je me souviens aussi de cette jolie déclaration d'un Josef Van Wissem en révolte contre le monde moderne :

    "The lute as an instrument is also anti-contemporary society, it’s totally anti-computer age; it denounces all that stuff you don’t need by being so pure. I want to bring the instrument to a wider audience. I want to take it out of the museum and put the sex back into the lute…"

    Le nouveau récit d'Éric Laurrent ne se passe ni à Detroit, ni dans la magique Tanger, mais à Rabat, où plutôt entre la France et Rabat. L'auteur des Découvertes (un roman que je ne saurais trop vous recommander) est allé très régulièrement au Maroc avec sa compagne d'origine iranienne, et ce dans le but d'adopter un enfant abandonné par sa mère ; on découvrira ainsi par son écriture soignée, mais aussi son érudition (références multiples à la peinture, la musique - Mozart -, de nombreuses citations littéraires), un orphelinat, des enfants des rues, une capitale, Rabat, en suspension entre dure réalité et rêve éveillé, le récit oscillant entre espoir et désespoir, pour redevenir plus lumineux, principalement par cette multitude de paragraphes qui sont autant de vignettes, d'images, de détails de la vie à Rabat, de moments passés avec l'enfant, de souvenirs intensément présents qui forment au final un magnifique portrait de ce couple et de leur fils adoptif : Ziad. Je n'aurais jamais imaginé lire un jour un récit sur l'adoption, pourtant, et pourtant c'est bien là le pouvoir.de la littérature que de nous amener où nous ne désirions pas aller ! J'ai lu ce Berceau avec beaucoup de plaisir et un grand intérêt. C'est un magnifique (petit) livre, sensible et intelligent, à mille lieues des vulgaires témoignages, mais tout en finesse, presque hors du temps. Belle surprise, que je relirais sans doute très bientôt.


    "Ce matin, Ziad a longuement observé une mouche sur la vitre. Loin d'empêcher son âme d'agir, puissance que prêtait Pascal à son espèce, celle-ci a concentré sinon toute sa pensée, du moins toute son attention, durant plusieurs minutes. L'entomologie rudimentaire à laquelle notre naturaliste en herbe se livrait n'était pas sans receler un caractère ludique, puisque, chaque fois qu'il tentait de s'en saisir, la mouche s'envolait, pour revenir aussitôt se poser à quelques centimètres de sa main. Elle fut la première à se lasser de ce petit jeu - il est vrai qu'elle y risquait la vie. Elle est cependant réapparue quelques instants plus tard, mais de l'autre côté de la fenêtre, cette fois. Le manège entre l'insecte et l'enfant a repris, mais, à présent, sans danger pour celui-là. Abusé par la transparence du verre, Ziad peinait à comprendre comment la mouche pouvait bien survivre à la pression de sa main. J'ai alors pensé à cette anecdote que rapporte Vasari dans ses Vies : un jour, par espièglerie, le jeune Giotto aurait ajouté une mouche sur le nez d'un personnage peint par son maître Cimabue, lequel, revenu à son tableau, aurait plusieurs fois tenté de la chasser de la main, mystifié par le réalisme de sa représentation. Ici, dans cette civilisation aniconique, pareil scène serait impensable. Toutes les mouches sont réelles."

  • La carte postale du jour ...

    "La lumière a été verte, puis boyau de lièvre, puis noire avec cette particularité que, malgré ce noir, elle a des ombres d'un pourpre profond." Jean Giono, Un roi sans divertissement (1947)

    François Dosse, psychic tv, giono, gracq, velvet underground, ombre, orchids

    Au milieu des aboiements, des grognements de chiens, des sonneries de téléphones, de craquements, des salves au bruit sec et terrible de mitraillettes, des klaxons de voitures, il est des fragments musicaux d'une innocence feinte qui illuminent l'opacité fascinante de cet album de Psychic Tv ; sur The Orchids lorsque Genesis chante "When all the numbers swim together / And all the shadows settle / When doors forced open shut again / A flytrap and a petal / My eyes burn and claws rush in to fill them / And in the morning after the night / I fall in love with the light" c'est beau comme un Sunday Morning des Velvet Underground. J'ai d'ailleurs rarement écouté un album qui sonne aussi bien plus de trente ans après sa sortie...

    Cette vision artistique, cette quête du dépassement par les bas-côtés, beaucoup d'éditeurs l'ont partagées, souvent de façon chaotique mais toujours avec cette fièvre qu'est la passion ; c'est avec un émerveillement certain que je découvre ainsi, dans le livre de François Dosse : Les hommes de l'ombre, les portraits de Christian Bourgois, Jérôme Lindon ou encore José Corti, dont je retiens cette déclaration à propos des livres de Julien Gracq, l'auteur phare de la maison d'édition Corti :

    "J'ai été content de voir, ces temps-ci, que le Beau Ténébreux intéressait les jeunes. J'ai reçu à ce sujet de curieuses lettres. Ces jeunes gens avec l'impétuosité de leur âge, m'introduise dans leur vie intérieure et me posent d'embarrassantes questions. Cela me confirme un peu ce que j'avais déjà lu quelque part, que la jeune génération ne cherche plus dans la littérature une distraction, mais plutôt une solution aux problèmes qu'elle se pose. C'est assez intimidant."