Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Blog - Page 44

  • This record is dedicated to Ian Curtis

    how much they cost.jpgAh, l'importance des "liner notes", ces informations qui se trouvent au dos des pochettes de disques, ou à l'intérieur parfois (en fichier joint au Mp3 pour celles et ceux qui usent et abusent de ce format quelque peu bâtard mais si pratique). Oui : l'importance des "liner notes" pour lire la musique, et aller au-delà pour mieux revenir à la source.

    Et pourtant tout semble énoncé sur ce maxi 4 titres qui paraît au début des années 80 : Holger Czukay et Jaki Liebezeit sont des membres de l'influent groupe de Krautrock allemand Can, quant à Jah Wobble il est le bassiste fraîchement échappé de Public Image Ltd, groupe fondé par John Lydon après la dissolution des Sex Pistols, se démarquant de ces derniers par un son hautement inspiré des autres krautrockers allemands de Neu! (pour avoir une idée plus précise écoutez Hero de leur album de 75 par exemple).

    Public Image Ltd est cité à raison comme l'un des groupes les plus influents de la mouvance post-punk. En effet, et dès le début en 1978, Public Image Ltd sauve leur punk-rock rabaché jusqu'à la nausée avec des influences aussi diverses que le rock progressif et le dub, expérimentant bien souvent à la façon de Can (écoutez par exemple le titre Quantum physics tiré de l'album Soon over Babaluma, 1974). Cette originalité chez Public Image va prendre son principal essor avec les albums Metal Box et Flowers of Romance, respectivement parus en 1979 et 1981. Mais c'est une tendance qui se retrouve chez de nombreux groupes à cette époque : A Certain Ratio, Rema Rema, The Clash, et même New Order (écoutez les Peel sessions de 1982 et le titre Turn the heater on, ou bien le superbe Truth sur leur premier album, Movement, paru en 1981!).

    Et 1981 c'est l'année de la sortie de ce disque sans titre où l'on trouve ainsi réunis, pour le meilleur et sans le pire, Jaki Liebezeit, Holger Czukay et Jah Wobble. La pochette est sobre, paysage noir-blanc en forme de voie de garage qui évoque plus un disque de Throbbing Gristle (le 7" United, non?) qu'un disque de dub... mais loin d'une longue déclinaison de gris, le disque se révèle hautement coloré dès la premiêre écoute, alchimie réussie de sonorités new-wave, post-punk, expérimentales, dub, etc., surtout sur How much they cost avec son rythme électronique syncopé et sa basse au son si chaud. La voix de Jah Wobble fait penser à Shaun Ryder des Happy Mondays, mais c'est déjà une autre histoire... En dehors de ce premier titre, le plus compatible avec les pistes de danse d'ailleurs, les trois autres titres sont nettement plus sombres mais gardent un certain éclat dû à la qualité de l'enregistrement. Si le son si distinctif de Joy Division a été créé par Martin Hannett, c'est ici Conny Plank qui est aux commandes depuis son mythique studio près de Cologne - pour l'anecdote, ce studio qui a vu passer la crème de la crème du Krautrock, puis des groupes comme DAF, Ultravox, Killing Joke et Gianna Nannini (on ne choisit pas toujours qui on produit...), et ce jusqu'à la disparition de Conny Plank en 1987, a été démantelé et ré-installé en 2007 au Rock & Pop Museum de Gronau, en Allemagne bien sûr, où il est possible de venir enregistrer encore aujourd'hui !

    Mais les liner notes dans tout ça, me direz-vous ? Eh bien j'y arrive, puisque pour clôturer celles-ci, sur le verso, on trouve cette ligne : "This record is dedicated to Ian Curtis". Jah Wobble a en effet vu Joy Division en 1979, durant le festival post-punk Futurama. Après le suicide de Ian Curtis, Jah Wobble, visiblement très touché, confiera son admiration pour Joy Division, et surtout pour son chanteur. Ainsi la boucle est bouclée, et ce EP est une perle à (re)découvrir pour tout fan de musique post-punk...

    how much verso.jpg

  • Partir en guerre, d'Arthur Larrue (Allia)

    partir en guerre.JPG"Guerre était célèbre pour avoir dessiné un phallus de soixante-cinq mètres de haut par vingt-sept mètres de large sur un pont en face du quartier général des services secrets. Pour avoir partouzé à six dans une salle du Musée Biologique de Moscou le jour de l'élection de Dimitri Medvedev. Pour avoir retourné dix-huit voitures de police sous prétexte que le ballon de Kaspar s'était glissé dessous et qu'il fallait le lui rendre. Pour avoir lâché vingt-sept chats dans le McDonald de la Place Rouge. Pour avoir volé un poulet cru dans un supermarché, en le cachant à l'intérieur du vagin d'une poétesse qui s'appelait Léna."

    Partir en guerre est le récit des 91 jours qu'à passé l'auteur à Petersbourg il y a un an, partageant le même appartement que les membres de Voïna : guerre en russe. On peut faire un paralèle avec le passage en Russie des protagonistes de Moravagine, le roman de Blaise Cendrars : cent ans plus tard, la même radicalité, la même folie, et cette lutte incessante contre la peur. Et puis ce huit-clos forcé qui mène à la rancoeur, la jalousie, la folie... l'amour aussi. La police chasse, la voisine dénonce. C'est aussi une bonne réflexion sur l'art comme vecteur de changement dans nos sociétés : alors qu'ici c'est on joue "la révolution avec la permission de la préfecteure", pour reprendre les mots d'Umberto Eco, en Russie l'art peut être une provocation qui mène directement en prison. L'exemple le plus proche de nous restant les très médiatisées Pussy Riot, dont une membre est une ancienne du groupe Voïna. Arthur Larrue est une belle découverte, sans parler du photographe Raphaël Lugassy dont l'une des photos, tirée de la collection Monde paralèlle, illustre merveilleusement la couverture de ce petit livre paru chez Allia.

  • Christmas Unicorn, par Sufjan Stevens

    Je n'ai presque rien suivi des productions de ce groupe très à la mode chez les trentenaires branchés, même si j'ai adoré l'album Seven Swans à sa sortie en 2004. L'hystérie collective autour du groupe m'en a éloigné peu à peu, et je me souviens avoir vécu une frustration similaire, un an plus tard, avec Antony & The Johnsons et Devendra Banhart tiens ! Mais voilà qu'en surfant sur le net je tombe sur Christmas Unicorn de Sufjan Stevens et ça colle parfaitement avec l'urgence habituelle de fin d'année, et le fait que tout le monde y croit sans y croire... "I know you're just like me" chante avec un certain maniérisme le leadeur du groupe, et ce qui pourrait ressembler à une bluette pop sous kétamine sortie d'un épisode des télétubbies est en fait une jolie métaphore de notre société de consommation camouflée sous le manteau  doucereux d'une pop expérimentale et futuriste. Cerise sur la bûche de Noël lorsqu'à la neuvième minute le titre se mue peu à peu en reprise bien inspirée du Love will tear us apart de Joy Division, avec cloches, trompettes et choeurs. J'en viendrais presque à croire au Père Noël, aux licornes, et au fait que la pop, même en 2012 (et 2013...) peut encore m'étonner - et c'est bien le cas : je suis sous le charme...


  • Nous ne serons plus jamais seuls, de Yann Gonzalez

    "Embrasses-moi, comme si c'était la dernière fois" scandait le groupe DAF en 1981...

    (cliquez sur la photo pour voir le film depuis le site d'Arte)

    nous-ne-serons-plus-jamais-seuls.jpg

    Un peu comme le groupe allemand le faisait avec sa musique énergique et minimale, Yann Gonzalez met en image l'urgence des sentiments de la jeunesse, sublimé en 35mm/noir-blanc dans ce court-métrage admirable. Les corps se meuvent frénétiquement, à l'assault des uns des autres, on se parle avec les yeux, les larmes, les rires, tout ça en plein décallage controlé avec la musique de M83 : éthérée, épique, entétante. Au final, le lever de soleil, la nostalgie d'une jeunesse qui se dilapide (dixit DAF), alors que tout peut recommencer ... Love will tear us apart, again, and again.

    Pendant le tournage Yann Gonzales fait danser ses ados sur "A forrest" de The Cure et "A sea within a sea" de The Horrors, preuve une fois encore de son bon goût musical, en plus d'un certain sens de l'esthétique.

  • Une littérature sans écrivains, de Basile Panurgias, aux éditions Léo Scheer

    panurgias.jpgUn auteur qui écrit que "l'enthousiame aveugle ne convient qu'aux mauvais livres" est à tout égard fréquentable. C'est donc avec plaisir que j'ai découvert cet essai, en même temps que son auteur d'ailleurs (qui publie pourtant depuis vingt ans). Le style me rappelle un peu le Journal volubile d'Enrique Vila-Matas. C'est de ces livres qui en citent d'autres, ce qui multiplie les possibilités de lectures. Panurgias questionne la valeur du livre et de la littérature même, à travers des récits intimistes d'une causticité dénuée d'amertume, et surtout : l'auteur ici ne verse pas dans la nostalgie à la Houellebeigbedantzig&co qui voudraient bien que "c'était mieux avant", mais replace le questionnement dans la simplicité de notre époque, à savoir le téléchargement gratuit. Grâce à lui on n'a plus honte de critiquer un classique - pour ma part Ulysse me tombe des mains ... - ni de parler de livres qu'on n'a pas lus, ou juste feuilletés. "Ma lecture de Camilla Läckberg est, somme toute, conditionnée par la présentation d'Easyjet Magazine, et me dispense de la lire. Plus grave, plus ridicule et plus libérateur, je peux juger de beaucoup de livres sans prendre la peine de les lire. Du coup, je comprends que leurs auteurs en bâclent l'éxécution". En attendant cette nouvelle ère sans livres physiques, ni librairies, ni éditeurs, et où l'importance de l'écrivain sera toute relative, la lecture même de cet essai est des plus sympathiques.