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Blog - Page 40

  • La carte postale du vendredi 29 novembre 2013

     

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    Ces variations musicales du jeune Olafur Arnalds pèchent parfois par excès de mélancolie, mais elle sont un parfait accompagnement à la lecture de ce Somnambule dans Istanbul d'Eric Faye où je lis, entre autres souvenirs et récits de voyages : "Tout ce qui contrait la marche triomphante dudit système, de ce monde de rentabilité et d'efficacité à outrance, m'enchantait. C'est ainsi que j'avais pour passion hivernale la neige, non pas celle des stations d'altitude mais celle qui, un beau matin, paralysait les villes et mettait en panne la machine à réussir et abrutir qui fonctionnait sans relâche. Rien ne me rendait plus heureux que ces épisodes où l'hiver sortait le grand jeu et lançait des coups de force poétiques contra la civilisation. C'étaient des barouds d'honneur qui ne duraient jamais que quelques heures ou jours mais qui contraignaient alors l'homme, groggy, à la contemplation et à la poésie. Or, c'était décidé, je ne serais ni efficient ni compétitif, aspirant à une carrière de rêveur au long cours, et l'empire rouge, derrière son rideau de fer, m'apparaissait comme le seul contre-feu tenace aux valeurs qu'on m'imposait. Cette insurrection personnelle s'émoussa au fil de l'adolescence et mes jugements sur ledit empire en pâtirent, quoique relativement peu, au fond."

  • La carte postale du vendredi 22 novembre 2013

     

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    un pied à l'ouest, un pied à l'est, et pendant que mes chers Polyphonic Size chantent sur RDA-RFA (dans les gares) "Dans les gares des macs, se moquent des mecs qui craquent, chargés à mal de mômes, qui gueulent au maximum" je lis dans l'Histoire d'un Allemand de l'est de Maxim Leo : "Un jour de mois de novembre 1982, la directrice de notre école, Mme Reichenbach, arriva en trombe dans le vestiaire. Nous sortions tout juste du cours d'éducation physique. Mme Reichenbach nous annonça, les larmes aux yeux : "il s'est passé quelque chose de très grave. Leonid Brejnev, le secrétaire général soviétique, est mort." Le silence régna un moment ; ensuite, nous ne pûmes nous empêcher de rire, parce que Kai Petzold, tout nu derrière Mme Reichenbach, cherchait désespérément son slip, Mme Reichenbach ne comprenait pas ce qui se passait, elle n'entendit que nos rires étouffés et quitta la salle, furieuse. Nous avions en principe, l'heure suivante, un cours de mathématiques, mais la directrice entra dans notre classe et nous annonça qu'après cet incident, chacun d'entre nous devrait écrire une rédaction sur Leonid Brejnev. Il s'avéra que certains d'entre nous ignoraient totalement de qui il s'agissait. Mme Reichenbach se remit à pleurer et annonça en criant que cette histoire aurait des conséquences. Mais il ne se passa rien du tout, si ce n'est que quelques mois plus tard un nouveau secrétaire général du PCUS mourut (Iouri Vladimirovitch Andropov) et que personne ne nous en parla à l'école."

  • La carte postale du dimanche 17 novembre 2013

     

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    Hier soir j'ai survolé la péninsule ibérique d'un bout à l'autre en sirotant un porto. Mes compagnons d'un moment furent Demian du groupe espagnol Ô Paradis chantant sa mélancolie "Has estado jugando. Has perdido. En el infierno preparan tu soledad. Ahora puedo mirar a travers de ti. En el infierno preparan tu soledad", et Raoul Vaneigem dont je pouvais lire dans son Histoire désinvolte du surréalisme : "Bien que les situationnistes n’aient pu empêcher l’idéologie situationniste – le situationnisme – de se répandre en remugles de mondanité, la radicalité de leur pensée demeure intacte et poursuit son chemin. De même, le noyau qui rayonna de l’expérience vécue par les dadaïstes et les surréalistes n’a rien perdu de son caractère infrangible. Il continue à frapper de dérision les foires mercantiles de la récupération, il dévaste de son rire inextinguible les champs d’opium culturel où broutent ceux qui n’ont d’existence que par l’esprit, et dont tirent profit les gens de pouvoir et les prédateurs en tous genres."

  • La carte postale du mercredi 13 novembre 2013

     

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    Je redécouvre ce disque dans ma collection. Un enchantement qui craque et qui crépite, usé comme il le faut, trace d'une passion pour la musique qui perdure. Et je lis, avec un émerveillement presque égal, dans ce recueil joliment intitulé Mon royaume pour un livre, ce passage de Sylviane Dupuis : "Quarante ans plus tard, le monde a encore changé. On ne peut pas ressasser "l'ère du vide" sans rien faire, ni continuer à attendre Godot, ou Dieu, ou le salut ; tout est peut-être désespéré, tout est désespéré ; mais reste aux hommes ayant enfin pris conscience du fait qu'il n'y a personne à attendre et qu'il leur faut "s'inventer", à faire usage de leur liberté, de leur courage, de leur force d'amour, de la parole (poétique) et de l'imagination, pour continuer ensemble. Si possible.
    Ce pourrait être la leçon de ma pièce. Parce que le théâtre est "un outil pour mieux se comprendre et se situer dans le monde" qui répond au "besoin de dire NON d'une façon qui soit une ouverture" (Michel Vinaver)."

  • La carte postale du jeudi 7 novembre 2013

     

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    "At the all night party, Standing in the corner, I am watching you, Drink in my hand, I wish it were you instead". C'est Anne Clark narrant la solitude au milieu des autres sur les accords maladifs du guitariste Vini Reilly. À l'inverse Giulio Minghini conte lui la façon de remplir le vide de sa vie par les autres en passant par le biais des sites de rencontres dans ce Fake tout en réalisme et cruauté : "Quand Alexandra, pubeuse épanouie, entre pour la première fois dans ma chambre, elle reste bouche bée devant les livres qui tapissent les parois et s'entassent un peu partout au sol. J'ai remarqué que ce décor a le pouvoir de mettre les filles que je rencontre par ce site dans un curieux état d'excitation. L'alibi culturel comme facteur érotisant - je note à la hâte cette phrase sur un paquet de clopes pendant qu'elle est aux toilettes. Lorsqu'elle revient et me demande si j'aime Amélie Nothomb, je ronfle déjà."