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  • La carte postale du jour...

    "Qui serait assez insensé pour mourir sans avoir fait au moins le tour de sa prison?" - Marguerite Yourcenar, L'œuvre au noir (1968)

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    Je me souviens de cet automne 1988 où Nick Cave est venu jouer à Genève, de son nouvel album - Tender Prey - exposé sur une paroi du magasin Sounds, et puis du film de Wim Wenders - Les Ailes du désir -, où Nick joue son propre rôle, un chanteur possédé, l'archétype même du rocker maudit dans mes yeux d'adolescents.
    Je me souviens bien qu'elle fut ma surprise d'entendre deux remarquables reprises de Mercy Seat, d'abord en 1997 par le groupe allemand Goethes Erben sous le titre Sitz der Gnade - surprenante parce qu'interprétée avec éloquence et conviction dans leur langue natale -, et puis, trois ans plus tard, la superbe version qu'en a donnée Johnny Cash, avec sa voix d'une profondeur incroyable... quel bel hommage à l'un des titres phares de Nick Cave, et mon favori de toute sa discographie.
    Je me souviens aussi que mon fantasme le plus cher, et ce depuis plus de quinze ans, serait de tomber sur un DJ qui enchaînerait Haus der Luege d'Einstürzende Neubauten et The Mercy Seat de Nick Cave, deux titres hors norme datant presque de la même époque, tout aussi percutants l'un que l'autre, puissants musicalement, intelligents au niveau des textes, servis par des chanteurs charismatiques...

    And the mercy seat is waiting
    And I think my head is burning
    And in a way I'm yearning
    To be done with all this weighing of the truth.
    An eye for an eye
    And a tooth for a tooth
    And anyway I told the truth
    And I'm not afraid to die

    En attendant de pouvoir lire le dernier livre d'Antoine Volodine - Terminus radieux, prêté à quelqu'un pour l'instant -, j'ai eu la bonne idée de me rabattre sur Écrivains, un recueil paru il y a quatre ans et qui donne la parole à un chœur tragique d'écrivains (fictionnels) post-exotiques (comme aime à les dénommer l'auteur), multiplicité d'une même expérience, celle de la prison, et portrait décalé et en pièces de Volodine lui-même. Là où la littérature contemporaine induit une inévitable normalisation de la transgression, celle de Volodine, et de ses Écrivains se porte vers la transcendance, le radicalement autre, la singularité vraie (et totale). On est loin des portraits d'écrivains alcooliques ou médiatiques, on a là des écrivains non pas maudits mais sans avenir. Le monde où ils évoluent est un monde en ruine, répressif, stalinien ou peut-être même post-apocalyptique, et où la seule certitude est l'échec final. Le monde de Volodine est perdu mais n'empêche pas d'inventer la rédemption tout en se sachant perdu. C'est un monde hérité de Kafka, Beckett et Tarkowski, et c'est une lecture aussi puissante que troublante...

    "Un temps passe.
     - Bien entendu, reprend-elle, notre parole ne prétend pas avoir une quelconque utilité dans le combat égalitariste concret qu'il conviendrait de mener, hors les murs, pour libérer des cycles du malheur les cinq ou six milliards d'individus qui y sont plongés. Ce que des actions militaires n'ont en aucune manière ébréché, des paroles d'écrivains ne peuvent le menacer ni le briser. Nous savons cela. Nous n'entretenons aucune illusion sur cela.
     Elle ne bouge pas pendant un moment, puis elle se cogne le crâne, plusieurs fois, sur la paroi de ciment contre laquelle elle s'appuie.
     - Nous n'éprouvons aucune fierté en maniant la parole, même si nous savons que notre poésie n'est pas comparable aux jongleries serviles que produisent en abondance les domestiques bavards des maîtres. Nous connaissons notre insignifiance. Dans un univers où la multiplication du verbe est le terreau sur quoi prospèrent les acteurs du malheur, sur cette ignoble scène de théâtre où le foisonnement des débats contradictoires est un écran cynique derrière quoi les maîtres conservent les mains libres, le verbe n'a ni influence ni force. Nous ne vivons plus dans cet univers, mais notre forteresse carcérale n'est pas non plus un lieu où dire les choses permette de changer les choses. La parole post_exotique s'interrompra lorsque le dernier de nos écrivains s'éteindra, et personne nulle part ne s'en rendre compte. Toutefois, tant que nous disposerons d'un peu de souffle encore, nous inventerons encore et encore la magie absurde de cette parole, nous irons dans les mots et nous dirons le monde.
     Linda Woo est en lambeaux, le vent et la solitude l'ont déchirée encore une fois, elle est trempée de sueur et de larmes. Moi aussi.
     - La leçon est terminée, dit-elle pour conclure."

  • La carte postale du jour...

    "Tout le monde se ressemble et agit de la même façon, et nous ne faisons que progresser dans cette voie."
    - Andy Warhol

    dimanche 19 octobre 2014.jpg

    Je me souviens d'avoir découvert Depeche Mode dans l'émission Top 50, un soir de retour de l'école, bien que leur musique ne m'était pas étrangère depuis un moment déjà - une fille de ma classe en était fan et des titres comme Everything counts et People are people tournaient sur toutes les radios -, mais ce jour là de 1985 j'avais le groupe sous les yeux avec un Martin Gore tout sourire, torse nu, casquette et pantalon de cuir je crois ; le groupe venait faire la promo d'It's called a heart, une chanson médiocre, mais j'avais bien aimé le clip où les membres du groupe faisaient tourner des caméras attachées à des câbles (ceintures?) au dessus de leurs têtes (j'avais vu un procédé similaire dans le clip In Between days des Cure quelques mois plus tôt, et, du haut de mes 14 ans, je trouvais ça hallucinant), par contre je me demandais vraiment pourquoi diable ils étaient allés filmer leur clip dans un champ de maïs ?!?
    Je me souviens bien d'avoir constaté une perte de clinquant au niveau du son juste après le départ du compositeur Vince Clarke, fin 81, tant dans les compositions que dans la production, et qu'il fallait attendre 1986 et même 1989 pour que Depeche Mode opère enfin sa mutation, quoique pour ma part c'est avec Ultra en 1997 que j'ai eu un réel regain d'intérêt envers ce groupe.
    Je me souviens aussi que deux titres de 1981, Photographic et Ice Machine - ce dernier étant la face B de Dreaming of me, leur tout premier quarante cinq tours -, comptent parmi mes favoris, et que le nom de Depeche Mode était en lien avec un magazine français de cette époque, le groupe voulant ainsi dénoncer la presse people et la société du spectacle, le nihilisme des années 80 qui débutaient, comme le révèle un tant soit peu le texte de Dreaming of me scandé par un Dave Gahan de 19 ans alors (et qui en faisait plutôt 16 à voir les vidéos de l'époque!) :

    Light switch
    Man switch
    Film was broken only then
    All the night
    Fused tomorrow
    Dancing with a distant friend

    Filming and screening
    I picture the scene
    Filming and dreaming
    Dreaming of me

    L'Ambition de Iegor Gran est un roman fort amusant, beau portrait d'une génération perdue dans sa quête de singularité, d'individualité forcenée se muant bien souvent en impersonnalité abstraite. On saluera une fois de plus le génie de l'auteur à mettre en relief les mythologies contemporaines et à leur tordre le coup en douceur. On appréciera aussi qu'il se caricature lui-même au beau milieu du roman, donnant à celui-ci une construction très originale. Belle observation des mœurs que voilà, des petites ambitions, des destins qui s'ignorent et qui s'inventent, des impostures érigées en mode de vie...

    "Les années ont filé, les lieux communs sont restés. "C'est une question de génération", dit-elle maintenant. "La génération Y est étonnante." Avec ses airs de fin connaisseur elle répète ce qu'elle a lu dans un magazine de salon de coiffure. "Ils ont entre vingt-cinq et trente ans, et ils sont connectés en permanence." Dans son ton, il y a un mélange de fascination et d'effroi. À l'écouter, on pourrait croire qu'une mutation biologique s'est produite. La totalité de leurs besoins vitaux passerait par le réseau, la rencontre amoureuse, la recherche d'emploi, l'achat d'un linceul pour les parents. Le web, plus important que le système sanguin.
     Pourtant, à observer nos jeunes monstres se trémousser sur de la musique standard, échanger des platitudes en roucoulant comme des robots, fumer avec des grands gestes d'autruches, à les voir gober dans leurs gorges roses des alcools en prenant des airs de maîtres du monde, je supputai que les Y étaient d'une banalité comparable à celle de leurs ancêtres, les hommes des générations précédentes, les X, les W, les T, les R..."

  • La carte postale du jour...

    "Les passions sont imprudentes. Faut-il leur en faire grief?" - Pouchkine, Eugène Onéguine

     

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    Je me souviens d'avoir toujours trouvé suspects les groupes qui changent de maison de disques tous les deux albums, c'est malheureusement le cas de Piano Magic, et ma méfiance fut justifiée puisqu'Ovations s'est avéré plus qu'inégal mais carrément bancal, malgré la présence sur deux titres de la voix magique de Brendan Perry (Dead Can Dance) et cette belle pochette signée Jeff Teader (à qui l'ont doit plusieurs pochettes du sympathique label Second Language que je ne saurais trop recommander aux amateurs de folk mélancolique et autres musiques hybrides qui donnent la part belle aux émotions).
    Je me souviens bien d'avoir comparé Ovations de Piano Magic à Joy Division, Wire et New Order pour le côté new-wave, et à Dead Can Dance, parfois, pour le côté orientalisant, mais malgré toutes ces belles références j'ai du faire l'amer constat que Piano Magic est un groupe instable en perpétuelle quête d'identité, une errance malheureuse et c'est bien dommage, vraiment dommage, puisqu'il contient quand même une perle...
    Je me souviens aussi d'avoir été intrigué par cette belle chanson mélancolique magnifiquement interprétée par Brendan Perry - You never loved this city -, et de m'être rapidement posé la question de la ville dont il est question dans ce texte, si c'était peut-être Prague, mais cela pourrait tout aussi bien être Moscou ou Saint-Pétersbourg, Venise, Berlin, Istanbul, Leipzig ou Londres, mais pas Genève, ni Paris, allez savoir pourquoi...

    You never loved this city
    But angel, it loves you
    Your smile, a roman candle
    Your eyes are Prussian blue

    I never loved this city
    But you can keep me here
    Your love, a stained glass window
    Your heart, a chandelier


    C'est un très beau voyage que propose l'écrivain d'aujourd'hui Nedim Gürsel, dans les pas des grands poètes et écrivains d'hier. Son regard tendre et son art d'exposer ses souvenirs nous font parcourir plusieurs villes où se croisent les fantômes de grandes plumes. Ainsi Venise est-elle évoquée par Aragon, Proust et Hemingway (j'aurais aimé y trouver Brodksy, tant pis), Berlin au travers de Kafka et la fascinante Else Lasker-Schüller (qui écrivit ses superbes vers : "chez moi j'ai un piano bleu / mais je ne sais aucune note / Il se tient dans le noir de la porte de la cave / depuis le jour où le monde est devenu brutal), la Leipzig de Goethe (génial), l'Alexandrie de Cavafy, et - sans doute mon passage favori - Moscou, avec les portraits croisés de Pouchkine et Gogol ainsi que du poète turc que j'adore : Nâzim Hikmet. Pour Nadim Gürsel c'est aussi l'occasion de nous parler de la naissance de ses propres livres qui ont vu le jour dans ces villes. L'occasion encore de se remémorer des amours réels ou plus souvent fictifs.
    C'est un beau livre, intelligent, avec des passages plus intéressants que d'autres certes, mais cela reste une sorte de récit de voyage à ranger près de la Trieste de Franck Venaille ou bien l'excellent Vertige de Sebald qui, sur les traces de Stendhal, Kafka et Casanova, marie imagination et érudition, faits divers et souvenirs.

     

    "Dostoïevski mourut un an plus tard et alla rejoindre lui aussi les immortels. Quand à moi, j'ai vainement attendu Tania sur la place Pouchkine. À l'instar des beaux jours promis par Nâzim Hikmet, elle n'est pas venue. Le lendemain j'ai déposé une couronne sur la tombe de Nâzim. Le poète est mort, un jour de juin comme aujourd'hui, à Moscou, la blanche ville de ses rêves. Il a été inhumé en terre d'exil. Il avait pourtant formé ce vœu : "Emmenez-moi / Enterrez-moi dans le cimetière d'un village d'Anatolie." Il semblait prêt à s'élancer. Mais il allait devoir marcher longtemps sans jamais, peut-être, atteindre son but. Certes, le seul pays auquel il aspirait était le communisme, mais il se serait contenté d'arriver à Istanbul. "Terminant mon voyage sans atteindre ma ville / grâce à toi j'ai connu le repos dans un jardin de roses", dit-il à Vera Toulyakova, son dernier amour. Lors de mon premier voyage à Moscou, Vera m'avait accueilli dans la maison où elle avait vécu avec Nâzim ; tout en dégustant un cognac hongrois et grâce à une autre Vera (la turcologue Vera Feonova, qui nous servait d'interprète), nous nous sommes perdus dans la mer des souvenirs. C'était il y a bien longtemps. Quand le chameau était crieur public et la puce barbier. Depuis lors, Vera, Vera la "fiancée", a été inhumée auprès de Nâzim. La jeune femme qui a fait mourir d'amour le poète, ou peut-être de nostalgie, celle qui lui disait : "Viens, reste, souris, meurs", la jeune femme aux cheveux blonds comme la paille et aux cils bleus s'est mêlée à ses cendres. La nuit tombe sur la place Pouchkine."

     

  • La carte postale du jour...

    "Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route." - Franz Kafka, Lettres à Milena

    dimanche 5 octobre 2014.jpg

    Je me souviens d'une discussion avec Simon Huw Jones, assis devant une bière sur la petite terrasse du bar Le Cabinet, au sujet de Nico, à quel point nous aimions ses disques, sa personnalité, sa voix d'outre-tombe, et nous avions ensuite parlé de Jean Echenoz, Talk Talk et Sebald, mais la discussion est invariablement revenue sur Nico.
    Je me souviens bien d'avoir lu, dans l'autobiographie de Marc Almond, ce passage sur l'enregistrement du duo Your kisses burn avec Nico, le manager de celle-ci conseillant à Marc Almond d'utiliser la première prise vocale, peu importe la qualité, la chanteuse n'étant en effet plus capable d'assurer plusieurs prises, elle allait d'ailleurs décéder un mois plus tard, cette superbe chanson demeurant son dernier enregistrement studio.
    Je me souviens aussi d'avoir été surpris en achetant ce disque, puisqu'il s'agit d'une copie pirate d'une compilation pirate (achetée parce que a) j'aime Nico et b) la pochette ressemble étrangement à celle de Closer de Joy Division!) parue initialement en 1983, et comportant plusieurs versions inédites, des collaborations (avec Kevin Ayers, ou encore Lutz Ulbrich sur le magnifique Reich der Träume), et surtout ce duo incandescent tiré de l'album de Marc Almond The Stars we are, Your
    kisses burn :

     

    I'll make a fire
    There in your heart
    Made not of love
    But only hate
    And for the fuel
    Will be your soul
    An inferno
    To consume you whole

    And world without end
    Through tempest and storm

     

    Le dernier livre de Serge Joncour a trainé plus d'un mois sur ma table de cuisine. Je le laissais là avec quelques autres hypothétiques futures lectures, et bien m'en a pris de finalement l'ouvrir. On pourrait penser - surtout d'après ce que la presse en a dit - qu'il s'agit là "juste" d'une énième autofiction, l'écrivain parlant de sa condition, ou, pour employer les mots de Paul Valery : "dépouillons l'écrivain du lustre que lui conserve la tradition et regardons-le dans la réalité de sa vie d'artisan d'idées et de pratique du langage écrit." Et bien oui, mais non. Serge Joncour aborde son métier, c'est sûr, on trouve là des belles pages sur les ateliers d'écriture, le contact avec le lecteur, le rôle de la fiction (et son incompréhension parfois, son rapport au "trop de réalité" comme dirait Annie Lebrun), tout ça en détail, avec intelligence et même de l'humour, mais Serge Joncour a bien sûr plus d'une corde à son arc, il dresse ainsi un portrait de la société d'aujourd'hui, celle des provinces (où il est difficile de se faire accepter - j'adore le passage où le narrateur en appelle à Levi-Strauss pour se faire une place chez les autochtones), de ses travers, ses habitus (dans la définition qu'en fait Pierre Bourdieu), de ses rituels (on mange beaucoup, on boit encore plus, ça fait parfois penser aux films de Chabrol!), ainsi qu'une espèce d'enquête criminelle, une intrigue qui tiens le lecteur en halène sans être réellement le pilier central de ce roman très réussi. Ce qui m'a touché, en plus du portrait désenchanté d'un écrivain face à la difficile réalité et sa tentative de s'y acclimater sans perdre sa singularité, c'est surtout certains passages sur le désir, sur l'amour, cet Écrivain National" tombant amoureux d'une jeune marginale, d'origine hongroise, qui va bouleverser le déroulement de l'histoire, du présent. C'est beau comme du Nabokov :

     

    "Au départ ce n'était pas érotique comme étreinte, c'était juste une envie de se soutenir, mais la sensation de son corps contre le mien, cette empreinte qu'impriment les formes de l'autre quand on s'étreint trop fort, tout ça fit que le désir dépassa toutes les questions et ouvrit une sorte de désordre supplémentaire, comme un abîme, une envie de se jeter, alors je pris sa bouche et l'embrassai, l'éblouissement total. Prendre une bouche, c'est quitter le monde par l'issue la plus haute, c'est se soustraire à cette réalité qui tout autour de soi sombre dans le commun, embrasser une bouche, c'est plonger dans ce vertige sublime dont on ne sait pas s'il nous emporte pour une seconde ou pour une vie, embrasser une bouche pour la première fois, c'est reléguer le réel au second plan, tout se trouve instantanément évanoui, dévalué, les autres, le temps, d'un coup tout se volatilise dans ce bruit de succion merveilleux, on se perd vers ces lèvres dont on ne finit pas de remonter la source, à cet instant, Dora devenait ce qui comptait le plus au monde pour moi, la seule vérité tangible, la seule chaleur, le seul espoir, et le téléphone qui reprenait son entêtement cynique, sonnant au mauvais moment, telle une bombe, ces coups de fil qui insistaient, je les considérai comme un rappel à l'ordre, comme si les autres tentaient de me ramener à la raison, de m'éviter de faire la pire connerie qui soit. Mais là, perdu dans ce baiser total, je ne décidait plus de rien, envolé dans cet étonnement absolu d'embrasser la bouche de cette femme pour la première fois, une inadvertance souveraine qui hisse bien au-dessus de soi-même, plus rien n'existait, pas même le présent."