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Musique - Page 34

  • La carte postale du jour ...

    "La lumière a été verte, puis boyau de lièvre, puis noire avec cette particularité que, malgré ce noir, elle a des ombres d'un pourpre profond." Jean Giono, Un roi sans divertissement (1947)

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    Au milieu des aboiements, des grognements de chiens, des sonneries de téléphones, de craquements, des salves au bruit sec et terrible de mitraillettes, des klaxons de voitures, il est des fragments musicaux d'une innocence feinte qui illuminent l'opacité fascinante de cet album de Psychic Tv ; sur The Orchids lorsque Genesis chante "When all the numbers swim together / And all the shadows settle / When doors forced open shut again / A flytrap and a petal / My eyes burn and claws rush in to fill them / And in the morning after the night / I fall in love with the light" c'est beau comme un Sunday Morning des Velvet Underground. J'ai d'ailleurs rarement écouté un album qui sonne aussi bien plus de trente ans après sa sortie...

    Cette vision artistique, cette quête du dépassement par les bas-côtés, beaucoup d'éditeurs l'ont partagées, souvent de façon chaotique mais toujours avec cette fièvre qu'est la passion ; c'est avec un émerveillement certain que je découvre ainsi, dans le livre de François Dosse : Les hommes de l'ombre, les portraits de Christian Bourgois, Jérôme Lindon ou encore José Corti, dont je retiens cette déclaration à propos des livres de Julien Gracq, l'auteur phare de la maison d'édition Corti :

    "J'ai été content de voir, ces temps-ci, que le Beau Ténébreux intéressait les jeunes. J'ai reçu à ce sujet de curieuses lettres. Ces jeunes gens avec l'impétuosité de leur âge, m'introduise dans leur vie intérieure et me posent d'embarrassantes questions. Cela me confirme un peu ce que j'avais déjà lu quelque part, que la jeune génération ne cherche plus dans la littérature une distraction, mais plutôt une solution aux problèmes qu'elle se pose. C'est assez intimidant."

  • La carte postale du jour ...

    samedi 8 mars 2014.jpg

    peut-être le meilleur album de Cocteau Twins et son énigmatique et charismatique chanteuse Liz Fraser, surtout sur Loreleï lorsqu'elle chante "Can't look in, Guilty boy, guilty girl, Cause you're both cursed, Lift up your toes in my mouth, We'll make love and we can go" alors que je me plonge en cette belle journée dans la relecture de 7 femmes, magnifique collection de portraits d'écrivaines par Lydie Salvayre dont j'apprécie tant les livres :

    "Emily Brontë : "une femme très jeune et qui a l’audace de questionner l’énigme du Mal."
    Djuna Barnes : "elle y mit de sa vie ce qu’il fallait. [..] Elle y mit enfin son sens de l’élégance, son ironie, sa brutalité et ses lancinantes désillusions."
    Sylvia Plath, dominée par son mari le poète Ted Hughes : "Vivre et créer sont pour elle, décidément, des entreprises colossales. Comment trouver un équilibre entre les enfants, les sonnets, l’amour et les casseroles sales ?"
    Colette : "elle déclare à qui veut l’entendre qu’elle n’a pas la vocation, qu’elle n’est pas faite pour écrire, mais alors pas du tout, qu’elle n’aime pas ça, qu’écrire exige une patience dont elle est dépourvue."
    Marina Tsvetaeva : "Seul ce dont personne n’a besoin a besoin de poésie." Ce cri qui donne le frisson fut celui d’une écorchée vive qui affirma, avec une intransigeance folle, que là où il y avait la poésie il y avait le monde."
    Virginia Woolf : "Il est dans ma nature de n’être jamais assurée de rien; ni de ce que je dis, ni de ce que disent les autres, et de toujours suivre aveuglément, instinctivement, avec l’impression de franchir d’un bond un précipice, l’appel de … l’appel de …"
    Ingeborg Bachmann : "elle ne recule devant rien dans ses pensées [...]. Elle est à cent pour cent dans ses poèmes"."

  • La carte postale du jour ...

     

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    si 1984 évoque Orwell, c'est aussi l'année où disparurent Henri Michaux, François Truffaut et Julio Cortázar dont je découvre la tombe dans ce beau livre de Cees Nooteboom : Tumbas, l'équivalent des "tombeaux" en musique. "Le lecteur devant la tombe de son poète, voit ce que nul autre ne voit" écrit l'écrivain hollandais, alors que Guidon Kremer, dont l'interprétation avec la Kremerata Baltica de "Darf Ich..." d'Arvo Pärt me transporte, disait pour sa part "...Words irritate. Gestures mislead. Emotions dissolve. Only sounds speak a language that might be understood. If one open the heart, would there be someone receptive enough ? But who is listening ? Who is able to feel it ? Often i do ask myslef, where does heartbreak identical to mine exist ? And the attempt of an answer is : out there, on the other end of my own sound". Et il est beau de lire ces lignes sur Cortazar et sa compagne Carol Dunlop de la plume de Nooteboom, à propos du livre "Les autonautes de la cosmoroute ou un voyage intemporel Paris-Marseille" :

    "Les dernières photos du livre sont celles de leur arrivée, "épuisés, mais vainqueurs". "Ce fut, écrit-il dans sa postface, un jeu pour l'Oursine et le Loup, et ce fut le cas pendant trente-trois jours fantastiques." Puis vient le post-scriptum de 1982 : "Lecteur, tu le sais peut-être déjà, Julio, le Loup, finit et compose seul ce livre qui fut vécu et écrit par l'Oursine et par lui, comme un pianiste joue une sonate, les mains unies dans un même souci de rythme et de mélodie." Il dit qu'après leur retour, ils ont repris leur "vie militante" et sont parti au Nicaragua pour participer à la lutte de "Ce petit peuple qui, infatigablement, poursuit sa route vers la dignité et la liberté". Puis ils rentrèrent à Paris, pleins de projets : finir leur livre et céder leurs droits d'auteur au peuple du Nicaragua. Deux mois plus tard elle entreprenait ce voyage solitaire "où, dit-il, je ne pouvais plus l'accompagner, et le 2 novembre elle s'échappa d'entre mes mains comme un filet d'eau, sans accepter encore que les démons aient le dernier mot". Sur la dernière page, un dessin gracile, avec une route qui monte vers les nuages, un minibus Volkswagen ailé, et tout en haut, du côté du soleil et du ciel, quelque chose qui doit être un ange."

  • La carte postale du jour ...

    mercredi 26 février 2014.jpg

    pour moi, deux évènements importants se sont produits en 1971 : ma naissance, dont on aurait pu se passer, et l'enregistrement de cet album de Neu dont il est, au contraire, difficile de se passer. "Motorik", lancinant, expérimental, répétitif, ambiant souvent, dérangeant parfois, ce disque aux surprises sonores infinies est la preuve - pour citer Baudelaire - qu'il faut plonger "au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau". Le titre Weissensee, d'ailleurs, avec son tempo lent où s'accroche une basse lancinante, fait merveille en cette journée trop grise où je profite d'un congé pour lire Cannibale lecteur, de Claro, où je tombe sur ce joli passage :

    "Dès que j'ouvre un roman, j'attends de lui qu'il me dise : écoute, je suis autre chose, je suis la poésie perdue et la technique impossible, je suis le commentaire déraisonné et la description infinie, je suis ailleurs, un allié - et non qu'il me dise : Regarde, je suis en train d'aller où je vais et où je t'annonce que je vais.
    Alors, non, je n'aime pas les livres que je sais que je ne lirai sans doute pas. Et si d'aventure, par insouciance ou défi, je m'y aventure, j'en épuise l'absence de charme en même temps que croît ma rage de n'y point trouver un peu de ce bouillonnement qui m'anime.
    "Tu ne sais pas ce que tu rates", dit la doxa, qui n'est pas heureusement que doxa. Bien sûr. Mais, ô lecteur, entre dans une librairie, une vraie, une librairie qu'à sculptée un libraire à force de patience, de passion et de grands éclats de rire, ouvre un livre, entends le chant riche et soutenu de l'auteur qui a enfin trouvé demeure et tu auras gagné tes galons d'explorateur."

  • La carte postale du jour ...

     

    Current 93, Children of Nature, Bruno Ganz, Björk, Hilmar Örn Hilmarsson,  Fridrik Thor Fridriksson,

    Island de Current 93 fut l'une des plus singulières découvertes qu'il me fut allouée au début des années nonante (cette sensation fut confirmée lorsque je découvris quelques années plus tard que la musique de ce disque fut utilisée dans sa version instrumentale pour le bouleversant film islandais Börn náttúrunnar). Parolier véritablement possédé par son art, David Tibet chuchote, raconte, puis scande et finit par hurler ses textes énigmatiques souvent longs comme deux bras. "Who am I? / Who do you say I am ? As i hoble on / To the land of the dull / Wings or wheels / Wings or wheels / Now I'm like a silly boy / Now I'm like a Wandering Jew / And he goes on / And thus I linger / And anyway / People die". Sa personnalité entre en résonance avec un passage de ce beau livre de Linda Lé - Le complexe de Caliban - qui est une espèce d'autobiographie litttéraire généreuse, cachée dans une grande bibliothèque, sur une île peut-être :

    "Tout comme j'ai accordé l'éloquence aux exilés et endeuillés, j'ai doté de vocables les fous et j'ai laissé parler l'insensée en moi. La folie est sœur de la douleur. Les hallucinés, dans leurs imprécations et leurs divagations, disent la vérité sur le monde. Ce sont des visionnaires. En eux se manifestent la part de nous qui voit la vie telle qu'elle est, absurde et impitoyable. En eux survit notre innocence. En eux se disputent l'horreur et le rire. Ils vendent la tragédie pour une chanson. Ils nous enseignent la liberté de changer le malheur en farce. Quand l'exilé et l'endeuillé sont pétris du sérieux de leur condition, le fou balaie le drame d'un rire homérique. En tout écrivain s'agite un fou qui ne le laisse pas en repos avant qu'il n'ait converti sa tragédie personnelle en fable universelle."