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Musique - Page 7

  • La Carte postale du jour ...

    "Pour lire le bon, il y a une condition : c'est de ne pas lire le mauvais. Car la vie est courte, et le temps et les forces limités."

    - Schopenhauer, La lecture et les livres

    vendredi 24 juin 2016.jpg

    Je me souviens d'être complètement passé à côté de Divine Comedy, et particulièrement de cet album qui avait pourtant beaucoup de bonnes choses pour me plaire ; mais en cette année 1994, alors que le monde pleurait le grunge, mes achats s'orientaient plutôt du côté obscure de la farce, comme Current 93 et son maxi Lucifer over London, Sol Invictus et son mini-album Death of the west, Death In June et son 45tours Sun dogs, et, pour finir mais pas des moindres, Coil et son album Angelic conversation, qui n'est autre que la musique d'un film de Derek Jarman, alors la pop savamment baroque de Divine Comedy, naturellement...

    Je me souviens bien d'avoir entendu un amical plagiat de Michael Nyman sur Promenade de Divine Comedy (sur Dont look down pour être précis) ; clin d'œil musical qui m'a ramené du côté des films de Peter Greenaway comme son fameux Meurtre dans un jardin anglais magnifiquement mis en musique par Nyman.

    Je me souviens aussi que Neil Hannon partage des goûts communs avec moi (ou plutôt moi avec lui?) : envers le chanteur Scott Walker que j'aime beaucoup moi aussi, ainsi que pour la littérature, celle des classiques, de Tolstoï à Flaubert, Proust à Joyce, Woolf et Faulkner et beaucoup beaucoup d'autres, comme le prouve ce magnifique ode aux amoureux des livres qui utilise une strophe d'Homère pour le refrain d'ailleurs - The Booklovers, dont Scott Walker dit qu'elle est sa chanson préférée de l'album - chic!).

    https://www.youtube.com/watch?v=vPzS91gGzLM

     

    C'est Pierre Jourde qui dit du bien de Sophie Divry dans l'un de ses ouvrages. J'ai suivi son conseil mais ne sachant par quel livre, j'ai choisi - il faut bien l'avouer - probablement le plus petit, et, surtout, parce le sujet central est le livre et se passe dans une bibliothèque. J'y ai découvert une auteure de talent douée d'une écriture vive et plein d'esprit. S'il fallait vaguement comparer l'effet de ce livre à un autre (mais comparaison n'est pas raison - je sais bien), je dirais que ça m'a fait penser à l'excellent huis clos de Lydie Salvayre : La compagnie des spectres ; même si dans cette Cote 400, le sujet soit moins grave, quoique tout aussi important puisqu'il s'agit des bibliothèques et de leur sort à notre époque, mais aussi, en fond, l'histoire d'un probable ratage de parcours, celui de la bibliothécaire. Sophie Divry choisi une mise en scène simple, à priori : deux protagonistes dont l'un reste muet, et une bibliothécaire qui se lance dans une logorrhée sur son sort, l'histoire des bibliothèque, la méthode de rangement de Dewey, etc. Le rythme est intense, on ne s'ennuie pas à écouter cette dame un peu frustrée par la vie énumérer les cotes de rangements tout en parlant de son désir pour un jeune lecteur. L'idée est excellente, le résultat vraiment convaincant. Un très bon divertissement et le cadeau idéal aux bibliothécaires qui ont de l'humour. 

    Extrait de La cote 400, de Sophie Divry (publié aux éditions 10 / 18) :

    "Parce qu'un bibliothèque, c'est très hiérarchisé. Les lecteurs ne peuvent pas s'en rendre compte, mais nous sommes toutes soumises à un ordre sans pitié. Tout en haut, enfermé dans son bureau : le conservateur. Il vient des grandes écoles, il décide des gros achats, il a une place de parking réservée, il fréquente les écrivains. Ensuite il y a les bibliothécaires d'État, des fonctionnaires de première catégorie : toutes des snobs et des mères de famille qui ont réussi à tout concilier dans leur vie, et patati et patata. Puis viennent les fonctionnaires de deuxième catégorie, les plus bosseuses, cyclistes ou célibataires, comme moi. Je dis "bosseuses", car en bibliothèque neuf employés sur dix sont des femmes. À part le conservateur qui culmine au sommet de la pyramide, ce n'est que pour les tâches inférieures que les hommes sont employés : magasiniers, vigiles ou techniciens. Moi, j'en côtoie encore quelques-uns, mais juste pour leur donner des consignes. D'ailleurs les femmes qui fréquentent des hommes en bibliothèques sont les plus mal classées. Je suis juste avant eux, mais bien après les gradées ; je suis entre les deux, au milieu de l'échelle - enfin, au sous-sol. Évidemment, vous le sentez, je souffre de cette hiérarchie. Mais que faire ? Toute seule, je n'oserais jamais me révolter, et je ne m'entends pas avec mes collègues. Quelles conversations pourrais-je tenir, moi, avec des femmes qui vont au karaoké l'hiver et au musée l'été ? Je ne mange pas de ce pain là."

     

  • La Carte postale du jour ...

    "Est-ce que nous ne sommes tous que poussière? Que c'est beau la poussière, pourtant."
    - G. K. Chesterton

    samedi 18 juin 2016.jpg

    Je me souviens qu'il faisait gris sombre ce jour-là et qu'une forte pluie balayait la plaine de Plainpalais presque vide, ce qui était assez inhabituel un jour de marché aux puces, mais, bravant la tempête, un type avait installé son petit stand pourtant à peine couvert, avec un choix de vinyles le plus souvent neufs et assez bien choisis, assez en tout cas pour que mon amie y déniche un maxi des Sex Gang Children et moi le maxi de Fad Gadget intitulé Collapsing new people ; à l'époque j'ai jalousé l'achat de cette fille, mais maintenant, quand j'y repense, je suis bien content d'avoir acheté du Fad Gadget, un groupe que j'écoute toujours avec autant de plaisir et de fascination (ce qui n'est pas le cas, mais alors vraiment pas, de Sex Gang Children).

    Je me souviens bien de ma tristesse, alors que Frank Tovey repartait en tournée avec Fad Gadget, prévoyant quelques dates en Suisse, lorsque j'appris son décès suite à une crise cardiaque, en avril 2002 - une de mes idoles des années 80 disparaissait alors que j'allais enfin avoir la chance de le voir sur scène...

    Je me souviens aussi que l'album Under the flag, d'où est tiré ce très estimable 45tours - Life on the line -, est fortement marqué par la situation de l'Angleterre de cette époque, celle de Thatcher, du chômage et de la guerre des Malouines, mais aussi parce que Frank Tovey était devenu père et se demandait quel avenir pouvait bien attendre son enfant, alors qu'avec la musique il s'approchait des sommets de l'électronique de la première moitié des années 80, avec un son efficace et pure, un fond de piano cabaret, ses séquences synthétiques... imparable !

    https://rutube.ru/video/742daaaf4b4e38b018f1244e589dfacf/

     

    Les éditions L'Arbre Vengeur ont publié Emmanuel Bove et Pierre Girard, il n'en faut pas plus pour me les rendre sympathique et tenter d'y dénicher, de temps à autre, d'autres petits joyaux littéraires. Et avec Jean-Louis Bailly, je ne suis pas déçu, bien au contraire. Il m'a fallu à peine 15 pages pour comprendre que j'avais là, entre mes mains, un livre très réussi. Il y a d'abord ce ton, clair, et puis cette phrase, simple en apparence, mais qui dénote un esprit subtil, un regard observateur, satirique parfois - c'est que Jean-Louis Bailly n'a pas son pareil pour brosser le portrait des petites vanités et ambitions des uns et des autres. Et puis il y a l'histoire, évidemment, celle de Paul-Émile Loué, prodige du piano mais d'une laideur embarrassante. Sa biographie entrecroise, chapitre après chapitre, la description minutieuse de la lente et longue déchéance de son cadavre - c'est un peu comme si un passage des Chants de Maldoror (le chant 4 strophe 4, celui qui commencent par "Je suis sale. Les poux me rongent.") croisait l'aventure dramatique de Grenouille, le protagoniste du Parfum de Patrick Süskind. Vers la poussière est ainsi un roman aussi original que trépident, dont la bande sonore, au piano exclusivement, propose du Beethoven, Liszt, Chopin, Haydn etc. Épatant!

    Extrait de Vers la poussière, de Jean-Louis Bailly (publié aux éditions Arbre Vengeur) :

    "Pour la forme que prendra son œuvre, Buc hésite encore. Un roman, un vrai, qui conduirait le lecteur de la naissance à la fin de son héros, narrerait le choc de la vocation, les études, les succès, les concerts. Mais, prévient-il, je ne pourrais en rester là. Il faut à un roman de ce genre des rebondissements, de drames, de trahisons, une fin malheureuse - ou pour le moins ambiguë - qui laisse le lecteur la larme à l'œil. Autant dire, cher Paul-Émile, que je devrais abandonner le personnage réel pour lui inventer un destin moins uniformément heureux que celui que je vous souhaite.

     Mais à dire vrai, je ne crois pas que le roman traditionnel soit ce qui convienne le mieux dans le cas d'espèce. Je serais plus tenté par ce que j'oserai appeler l'autofiction d'un autre.

     Le sourire de Paul-Émile s'est figé, Joséphine adopte une physionomie concernée. Buc s'explique."

  • La Carte postale du jour ...

    "J'ai toujours été fermé, comme écrivain, à l'ambition ou à l'exhibition, à la réputation, à l'enrichissement. Une seule chose a compté pour moi : le plaisir. Ce mot plaisir représente pour moi le moteur de toutes actions humaines."
    - Paul Léautaud, Journal Littéraire

    lundi 13 juin 2016.jpg

    Je ne me souviens pas combien de groupes ont saboté leur carrière en voulant répondre aux attentes du "public", en orientant leur musique vers quelque chose de plus "accessible", en mettant de l'eau dans leur vin, quitte à transformer celui-ci en sirop de grenadine, mais je me souviens qu'au milieu du troupeau il y a quelques artistes, de ceux qui méritent vraiment cette appellation, comme Talk Talk, Gravenhurst ou Portishead, font exception, par leur singularité, leur discrétion et beaucoup d'autres vertus encore...

    Je me souviens bien du frisson et de la fascination que je ressens à chaque écoute de chaque titre de Portishead, peu importe l'album.

    Je me souviens aussi que j'ai adoré ce maxi car on n'y trouve que la perle des perles, à savoir le titre The Rip, pas de remix, pas d'inédit en réalité fond de tiroir, pas de version "live", juste un titre, et une face gravée - un chef-d'oeuvre...

    https://www.youtube.com/watch?v=fYLMOw9hn2I

     

    Je suis quelqu'un de chaotique, rien à faire, avec moi le courrier s'empile, j'oublie de l'ouvrir, je prends des numéros de téléphone en omettant d'y ajouter un nom, je garde tout "au cas où" pour finalement tout balancer deux semaines plus tard parce que je ne sais plus quoi en faire et c'est tout pareil avec les papillons de publicités pour les expositions, les pièces de théâtre etc. Et c'est là que j'ai failli bazarder bêtement ce livre dans le carton de récupération de papier, ayant remarqué une police de caractère qui me semblait être celle du MAH ou d'un autre musée, et ce titre, Sans mythologies, imaginant le temps d'une fraction de seconde un curateur voulant faire un "clin d'œil" aux Mythologies de Barthes, et en me persuadant immédiatement que la date devait déjà être dépassée, ce petit cahier publicitaire devenant ainsi inutile... Mais - ouf! -, au dernier moment j'entraperçus le nom de Guillaume Favre pour me rendre compte de l'abomination que j'allais commettre : jeter un livre apporté en mon absence, qui plus est dédicacé par son auteur ! Double abomination même, car ce livre est magnifique. Écrit en deux jours par son auteur visiblement marqué par la fin d'une amitié, la mort de plusieurs proches, la maladie de son amie, ce livre est un acte de bravoure où l'écrivain se met à nu dans un texte vif comme une lettre. Ici nulle "autofiction" mais plutôt un exercice parfaitement réussi de catharsis par l'écriture ; l'envie d'en découdre avec les mots, mais aussi avec le destinataire de ce livre, avec le lecteur sans doute encore. On ne sait pas bien au fond si Guillaume Favre voulait faire de la poésie en prose, orale, ou expérimentale, ou tout cela à la fois, le résultat est là, il est beau et c'est ce qui compte ; l'objet est unique, se lit d'un trait et vous coupe le souffle. Il y a des écrivains qui ont besoin de 450 pages de baratin pour vous parler de littérature, de poésie, d'amitié brisée par le temps, l'usure, l'ennui, eh bien tout ça Guillaume Favre, lui, le fait en 68 pages incandescentes, Sans mythologies, mais avec beaucoup de Gustave Roud, de Chappaz, de Didi-Huberman et de Jaccottet dedans.

    Extrait de Sans Mythologies, de Guillaume Favre (publié aux éditions Cousu Mouche) :

    "Le roman est forcément plus prosaïque, moins replié sur les mots, on cut, on delete, on ne craint pas les anglicismes, ni les mots blessés, dégoulinants de sang, on jette, on recolle rarement, on enlève les bouts de gras, le surplus, ce qui dépasse, ce qui pend, on tranche, on se méfie de la formule tombeau, cellule du langage, aucune phrase n'est sacrée, tout n'est que récit.

     Tyrannie de la narration

     L'histoire

     Le suspense

     Ne jamais relâcher le rythme

     Maintenir en haleine

     L'écriture, mon sport, mon loisir

     Surtout ne pas perdre le lecteur en route

     Quel lecteur ?

     Mauvaise haleine du récit

    (...)"

     

  • La carte postale du jour ...

    "Le rêve est une hypothèse, puisque nous ne le connaissons jamais que par le souvenir, mais ce souvenir est nécessairement une fabrication."
    Paul Valéry

    vendredi 10 juin 2016.jpg

    Je me souviens d'avoir aimé cet album dès la première écoute en 1991 parce que je devinais que les musiciens de Slowdive avaient, comme moi, beaucoup écouté Cocteau Twins (Heaven or Las Vegas) et The Cure (Disintegration),

    Je me souviens bien d'avoir eu la chance de voir Ride en concert (à l'Usine alors que The Mission jouaient le même soir au Lignon - mais j'ai toujours détesté The Mission à vrai dire...), et My Bloody Valentine aussi, dans la grande salle de Vennes, à Lausanne, mais, étrangement, je n'ai jamais vu Slowdive en concert - quelle misère.

    Je me souviens aussi d'avoir beaucoup écouté la chanson Dagger de Slowdive, qui reste aujourd'hui encore mon titre favori de leur catalogue, même si elle ne se trouve pas sur Just for a day qui est pourtant mon album fétiche de ce groupe dont la musique évoque - comme sa pochette d'ailleurs - une chute ralentie mais continuelle dans une brume de rêve, ouatée et multicolore ...

    https://www.youtube.com/watch?v=uVY9p1IHops

     

    "Le baume du temps qui cicatrise les blessures, je ne connais rien de plus répugnant" nous dit l'auteur vers la fin de ce livre, comme une injonction tardive à la prudence: lecteur avide de sensiblerie niaise, passe ton chemin. Ce qu'évoque Grégory Cingal dans ce récit d'à peine nonante pages est aussi beau et terrible que les peintures du Caravage et agit sur le lecteur un peu comme la sonate au clair de lune de Beethoven - c'est du grand art, et, pour être encore plus précis : c'est de la littérature (on se passera de "vraie" ou "bonne" d'ailleurs). On pourrait ne s'arrêter que sur la forme, le travail sur la phrase, le vocabulaire riche et parfois inattendu, pour dire à quel point ce livre est magnifique, ainsi on ne divulgacherait rien de ce livre. Car oui, futur lecteur de Grégory Cingal, tu seras confronté aux souvenirs, à Eros et Thanatos, au désir et à l'absence, aux rêves, à Maurice Blanchot et à la possibilité d'impuissance ontologique de la littérature. Et puis tu seras confronté aussi aux simples détails de ce qui fait la vie d'un couple, détails banals sur le moment, mais qui, au final, et ainsi tous rassemblés, sont autant de touches de couleurs qui donnent la patine d'originalité à cette œuvre qui tente de nous dire que oui : il se pourrait bien que l'amour soit plus fort que la mort, même si celle-ci a généralement le dernier mot.

     

    Extrait de Ma nuit entre tes cils, de Grégory Cingal (publié aux éditions Finitude) :

    "Je pourrais moi aussi errer en pèlerinage en quelques lieux sacrés qu'elle foula de son pas d'écureuil léger, me persuader, comme ces travel writer sur les pas de leur grand homme, qu'il y flotte encore dans l'air quelques particules de leur génie, reconstituer certains de ses itinéraires dont la symbolique topographique me procurerait quelques analogies propres à soulager mon petit besoin d'écrire, me mettre en scène en train d'arpenter rues, boulevards et boutiques où mon héroïne avait ses habitudes tout en m'enivrant de l'inévitable génie des lieux pour faire venir à moi tout le suc de l'inspiration, m'asseoir seul aux tables de cafés qui nous étaient coutumières afin d'y guetter quelques non moins inévitables apparitions fantomatiques que je consignerais soigneusement sur mon carnet noir de moleskine, dévider à plus soif - histoire d'étoffer un peu le volume - adresses, dates et noms d'acolytes croisés en chemin, malmener artistement la chronologie en jonglant sur de subtils allers et retours entre l'immédiat, le révolu et l'intemporel, le tout en faisant étalage de touchants scrupules quant au bien-fondé de ma quête. On a vu, et on verra encore, que je ne suis pas le dernier à sacrifier à ces petits rites de littérateurs, ce qui me donne l'envie furieuse de balancer tout ça par le feu."

     

     

     

  • La carte postale du jour ...

    "Les souvenirs du bonheur passé sont les rides de l’âme."

    - Xavier de Maistre, Expédition nocturne autour de ma chambre

    jeudi 2 juin 2016.jpg

    Je me souviens qu'au mitan des années 90, après avoir été pendant près de six ans un fan de Peter Greenaway (rencontré finalement lors de son passage à Genève en 1994, pendant son exposition itinérante Stairs), j'ai découvert les films de l'Islandais Fridrik Thor Fridriksson (grâce en soit rendue à la chaîne allemande 3sat qui a, pendant une semaine, diffusé pas moins de quatre de ses films, si je me souviens bien) ; je suis tombé simultanément amoureux de l'Islande, des films de Fridriksson évidemment, mais aussi de la musique à vous déchirer l'âme en deux, composée par Hilmar Örn Hilmarsson.

    Je me souviens bien que j'ai acheté deux fois ce disque - la seconde chez Sounds, tiens.

    Je me souviens aussi que la musique du film Angels of Universe a été l'occasion de découvrir Sigur Ros, puisque le groupe participe sur quelques titres à ce disque que je décrirais volontiers par le terme auguste...

    https://www.youtube.com/watch?v=UZivyeW3drU

     

    Pierre Girard est né le 21 août 1892 à Genève, où il est mort le 28 décembre 1956. Pour le reste, il faudrait le lire - mais ce serait là maigre chronique. Voyageur indirect, de ceux qui ne quittent par leur chambre, à l'instar de Cendrars qui nous faisait voyager en Russie dans sa Prose du transsibérien, sans l'avoir pris lui-même, ou, mieux, Xavier de Maistre et son fameux Voyage autour de ma chambre. Pierre Girard a peu voyagé, mais bien voyagé, et il est souvent retourné dans les mêmes endroits, probablement pour y vérifier la véracité de ses écrits. N'empêche : on lui doit de savoureux récits de voyages à Venise, aux Etats-Unis (dans le truculent passage intitulé Anges américains, comparant parfois le modèle suisse avec l'américain!), à Paris, où il fréquente Léon-Paul Fargue, Valery Larbaud et Jean Giraudoux, en Suisse, bien sûr, mais aussi dans l'Allemagne des années 30, car le voyage n'est pas seulement géographique avec Pierre Girard, il est aussi temporel. Et puis l'auteur aime les gares, surtout pour n'y rien faire. Les Sentiments du voyageur, magnifiquement réédité par les éditions Fario, est un livre qui fait l'éloge du voyage immobile et des livres, ceux de Larbaud, de Proust, mais aussi l'Odyssée et, à sa suite, l'Ulysse de Joyce. Tout cela est exquis.

    Extrait de Les Sentiments du voyageur suivi de Anges américains, de Pierre Girard (oublié aux éditions Fario) :

    "... Ils ne disparaissent jamais. Leurs livres reviennent obstinément dans les boîtes des bouquinistes, comme les poissons morts que ramène le flot. L'an passé, j'ai vu un appointé qui lisait, au corps de garde, Chaste et Flétrie. Les gens n'ont pas tous du goût, mais ils sont curieux. Curieux des êtres, des choses, d'eux-mêmes. Et les livres sont pour eux des miroirs à trois faces.

     Francis de Miomandre disait un jour qu'on pouvait écrire n'importe quoi, et que ce n'importe quoi trouvait assurément des lecteurs. Comme ces peintres qui n'ont peut-être personne à leur vernissage, mais qui sont entourés, tandis qu'ils peignent dans la rue, de jeunes boulangers approbateurs et de petites blanchisseuses admiratives. (On sent si bien cela chez Breughel, la présence, derrière lui et en demi-cercle, de ses petits personnages bruns.)"