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david bowie

  • La Carte postale du jour ...

    "Je ne comprends pas qu'on laisse entrer les spectateurs des six premiers rangs avec des instruments de musique. Au vestiaire les violons, clarinettes et autres bassons !"
    - Alfred Jarry

    dimanche 27 novembre 2016.jpg

    Je me souviens d'avoir adoré la reprise qu'avait faite Siouxsie de Spiegelsaal (en anglais Hall of Mirrors) de Kraftwerk, sur son album Through the looking glass, de 1987, et d'avoir soudainement fait plus attention aux textes du groupe allemand qui avait beaucoup à dire sur la société du spectacle et de la consommation des années 70s.

    Je me souviens bien de l'influence considérable de Kraftwerk sur David Bowie, qui les invitera à tourner avec lui en 1976 - ce que Kraftwerk refusera poliment, pour lui rendre hommage un an plus tard en chantant De station en station / retour à Dusseldorf City / rencontrer Iggy Pop et David Bowie - ; sur Ian Curtis, qui diffusait parfois Trans Europa Express avant que Joy Division monte sur scène ; sur les pionniers de la Techno comme Juan Atkins, Derrick May et Kevin Saunderson ; et bien sûr Kraftwerk influença New Order qui s'inspirèrent de Europa Endlos pour leur très bon titre Your silent face (1983).

    Je me souviens aussi de cette anecdote racontée par un membre de Kraftwerk qui expliquait qu'après un concert parisien, le groupe était allé au Palace (ou aux Bains?) et que le DJ, voulant leur faire plaisir, avait passé Trans-Europa Express, vidant instantanément la piste de danse, ce qui fut un grand moment de solitude pour les musiciens allemands...

    https://www.youtube.com/watch?v=qBGNlTPgQII

     

    Je n'avais jamais eu vent de cette bande dessinée qui retrace l'histoire de la house music, en croisant la disco, le funk, la soul, la techno de Detroit, la french touch et même la new-wave... heureusement, les éditions Allia ont eu la bonne idée de rééditer ce bel objet réalisé à l'aube des années 2000 par deux fins connaisseurs des musiques, principalement électroniques, mais pas seulement, vous l'aurez compris. Didactique et drôle, ce guide à la narration impeccable a l'élégance de nous guider dans les clubs et de nous faire découvrir les DJs de New York à Paris (manque peut-être la Belgique et l'electronic body music, grands absents de ce recueil...), depuis les années 60 jusqu'à la fin des années 90, et tout ça avec un regard parfois critique, surtout vers la fin du livre où l'on sent que quelque chose ne va plus : tout le monde a voulu monter dans le train de l'électronique, et la machine a comme déraillé. En tout cas, David Blot et Mathias Cousin nous font profiter de leur immense culture musicale en nous donnant régulièrement des listes de chansons par thème : "disco partout", "Chicago et house music", "Detroit techno city" ou encore une liste "Manchester" incluant les Happy Mondays, bien sûr, mais aussi A Certain Ratio, The Fall et les Smiths - génial ! Et puis comme ils sont fans de New Order, on a droit à un cahier spécial sur le groupe, réalisé en 2001 et qui est vraiment bien sympathique, surtout pour l'anecdote racontée par le groupe mancunien déclarant qu'en 1986, alors que les musiciens enregistrent leur album Technique à Ibiza, ils auraient croisé Nico et discuté avec elle, juste avant qu'elle ne reparte sur son vélo et décède une heure plus tard - ils seraient donc les derniers à l'avoir vue ! Presque incroyable... Le chant de la machine est une BD qui tend vers ce que faisait le dessinateur américain Crumb dans les années 60, alors que le texte (ou plutôt "le scénario", signé David Blot) est rédigé dans un style journalistique et humoristique qui rend la lecture aussi facile qu'intéressante, que l'on soit fan de musique électronique, ou pas, passant de la disco new yorkaise au son froid de Kraftwerk pour revenir vers Daft Punk et les premières raves du début des années 90. Un grand moment musical, un livre passionnant et original.

    Extrait de Le chant de la machine, de David Blot et Mathias Cousin (publié par les éditions Allia) :

    Le chant de la machine.jpg

     

     

     

     

     

  • La Carte postale du jour ...

    "Je n'ai jamais été aussi peu intéressé par ce que je faisais dans les années 80. J'avais complètement déserté ma musique. Bizarrement, c'est à cette époque que j'ai eu mon plus grand tube avec Let's dance. Pour la première fois, j'appartenais au public et je ne savais pas quoi faire. Leur donner ce qu'ils réclamaient ou leur résister."
    - David Bowie

    lundi 21 novembre 2016.jpg

    Je me souviens que nous nous sommes bien marrés à cause du refrain "ouais-ouais-ouais-ouais, au Vénus bar" mais que, globalement, cette chanson d'AV est super dansante pour une soirée new-wave.

    Je me souviens d'avoir acheté ce disque un peu à la même période qu'un quarante-cinq tours de Robi qui reprenait du Trisome 21, ainsi que le 10pouces de Lescop avec le titre La forêt dessus, et que tout ça ressemblait presque à un revival 80s bien assumé et en français s'il vous plaît.

    Je me souviens aussi qu'à la dernière soirée Disorder, j'ai passé deux fois le titre Venus Bar d'AV parce que l'ambiance était à la fois joviale et hystérique et que ça apportait une bonne pointe d'humour en plus.

    https://www.youtube.com/watch?v=uRzwY3w2Rmc

     

    J'ai la chance de travailler dans une corne d'abondance qui charrie jour après jour des dizaines, voire des centaines de livres. Je peux faire mon petit marché et dénicher sans gros soucis de bonnes lectures chaque semaine, qu'il s'agisse de classiques ou bien de nouveautés. Il m'arrive d'en recommander à des clients, des amis, et, par un jeu d'échange, on m'en conseille aussi - c'est là que ça se complique. Par politesse, par curiosité aussi, je me prête parfois au jeu et je me laisse tenter, ou avoir - là, je me suis fait avoir. Pourtant tout avait bien commencé : une dame enthousiaste et sympathique me parle d'Antoine Laurain en grand bien ; ma curiosité est titillée sans parler de mon besoin de ne pas passer à côté d'un bon auteur, d'un chouette livre, voire carrément d'une œuvre. Ainsi, en parcourant le résumé du dernier livre de Laurain, je découvre que ce roman parle d'un groupe cold-wave français fictif et d'une lettre d'un gros label qui serait arrivée avec trente ans de retard. Le fan de Minimal Compact, The Cure, Cocteau Twins et Joy Division que je suis n'attend pas une seconde de plus ! j'embarque une copie du livre le lendemain et après quelques dizaines de pages : patatra. On croirait presque avoir affaire à une version light de Vernon Subutex de Despentes, mais là où l'auteure faussement outrancière nous gratifie au moins d'une culture musicale crédible (Joy Division, Einstürzende Neubauten, etc.), Laurain lui, tout en nous présentant un groupe de cold-wave, nous cite Christophe, U2 et Indochine là où on attendait Complot Bronswick, Marc Seberg, Baroque Bordello ou Normal Loy - misère. Mais si cela n'était que ça... l'auteur nous sert une petite enquête qui n'est là que pour nous présenter, avec trente ans de bagages sous les yeux, les anciens membres du groupe : un financier à qui tout réussit (mais mystérieux...) et que tout le monde veut comme président de la France (whoua...) et qui retrouve subitement la chanteuse avec qui (mais il ne le savait pas) il a eu un enfant trente ans plus tôt (qui est en fait sa secrétaire ! si, si, sa secrétaire...) ; un facho' qui se fait exploser après son discours au Zénith (oui, au Zénith, vous avez bien lu...) ; un docteur qui n'a rien pour plaire (et que sa femme trompe) mais qui finit par coucher avec la copine russe de vingt ans (et qui fait du porno, sic, évidemment... une Russe, ça ne peut faire que du porno...) du dernier protagoniste, qui est lui un artiste contemporain ultra-cliché. Ah... j'oubliais le mort. Celui qui vivait dans une autre époque, celui des chaises Napoléon qui a choisi de se suicider parce que le monde allait trop vite et qu'il n'y comprenait plus rien (d'ailleurs c'est peut-être la seule partie intéressante du roman). Bref, un roman facile, limite bête sur la fin, construit comme au sortir d'un atelier d'écriture, avec de l'amour et de l'intrigue, pour rester bien au chaud dans ses charentaises avant d'attaquer le dernier numéro de Marie Claire.

    Extrait de Rhapsodie française, d'Antoine Laurain (publié chez Flammarion) :

    "Alain entendit le bruit de la porte se refermer, puis il se dirigea vers le premier café venu et s'entendit commander un rhum."

     

  • La carte postale du jour...

    "Cela se voit à Berlin qu'il y a eu la guerre en Allemagne. L'après-guerre n'y est pas terminée. La contemplation des ruines stimule les idées "il faudrait", "si on essayait de" - des sentiments que ne susciteront jamais les zones piétonnières d'Allemagne de l'Ouest. L'utopie de la ruine va bien au-delà de l'esthétique."

    - Klaus Hartung

    vendredi 26 février 2016.jpg

    Je me souviens de cette soirée glam / 70s, à Zürich, début nonante, où j'avais dansé sur la version allemande de Heroes, oubliant qu'à peine deux heures plus tôt, des skinheads avaient fait irruption dans ce qui ressemblait à un magasin abandonné (la disco' se passant dans le sous-sol), brisant une vitrine, se ruant sur les quelques punks présents pour les frapper et s'en aller aussitôt, laissant l'assemblée en état de choc, pour un moment du moins.

    Je me souviens bien que si Berlin est au centre d'un roman d'Alfred Doblin (porté plus tard à l'écran par Fassbinder), la ville d'après-guerre - et surtout à partir des années 70 - fut un haut lieu d'inspiration pour des artistes en quête de renouveau comme David Bowie, Iggy Pop, plus tard Nick Cave et son groupe The Birthday Party, et qu'elle fut les coulisses de nombreuses expérimentations hors-normes comme celle des Einstürzende Neubauten, Maladia! ou encore la chanson Collapsing new people de Fad Gadget (qui fait ici ouvertement référence aux Neubauten), hymne du Berlin nocturne des années 80 et de sa scène new-wave aux yeux charbonneux, ce Berlin qui disparaîtra lentement après la sortie du film Les ailes du désirs, de Wim Wenders, et la chute du mur...

    Je me souviens aussi que bien qu'affectionnant les reprises, comme celle de Ashes to ashes par les filles de Warpaint, Heroes m'est insupportable autrement que chanté par David Bowie, même si j'avoue avoir un faible pour sa version allemande...

     

    Du
     Könntest Du schwimmen
     Wie Delphine
     Delphine es tun
     Niemand gibt uns eine Chance
     Doch können wir siegen
     Für immer und immer
     Und wir sind dann Helden
     Für einen Tag

     Ich
     Ich bin dann König
     Und Du
     Du Königin
     Obwohl sie
     Unschlagbar scheinen
     Werden wir Helden
     Für einen Tag
     Wir sind dann wir
     An diesem Tag

     Ich
     Ich glaub' das zu träumen
     die Mauer
     Im Rücken war kalt
     Die Schüsse reissen die Luft
     Doch wir küssen
     Als ob nichts geschieht
     Und die Scham fiel auf ihre Seite
     Oh, wir können sie schlagen
     Für alle Zeiten
     Dann sind wir Helden
     Nur diesen Tag
     Dann sind wir Helden
     Dann sind wir Helden
     Dann sind wir Helden
     Nur diesen Tag

     Dann sind wir Helden

    https://www.youtube.com/watch?v=ytBsRXL0R6Q

     

    Comme David Bowie ou Nick Cave, Samuel Beckett a eu lui aussi sa période non pas berlinoise (il y passe à peine un mois lors de son premier séjour), mais du moins allemande, en 1936. L'écrivain irlandais n'est pas encore la légende qu'on connaît, mais sa "rencontre" avec la philosophie de Geulincx et, surtout, les œuvres picturales de Caspar David Friedrich va être capitale. Avec une approche aussi érudite que délicate, Stéphane Lambert (responsable déjà de très bons livres sur ou autour de Rothko et Nicolas de Staël) détaille avec finesse les liens entre certaines peintures du peintre allemand et l'œuvre à venir de l'écrivain anglophone (qui écrira ensuite principalement en français). Cette collusion artistique se fait en douceur : "L'art avait adouci la terreur en mettant en partage notre nuit." Stéphane Lambert nous fait alors découvrir le peintre par les yeux et les mots de Beckett, car Beckett fait partie de ces écrivains qui sont leurs mots. Et par effet de miroir, on peut discerner les écrits de Beckett, ses obsessions, dans ce qui n'est pas discernable dans l'œuvre de Friedrich et qui est pourtant là, on le sent bien. Avant Godot fait la part belle à la littérature, la peinture et la philosophie. C'est aussi un livre qui se demande pourquoi l'Allemagne, et pourquoi précisément à cette période ? C'est un ouvrage sincère sur l'influence d'un artiste sur un autre, magnifiquement argumenté - chapeau bas.

    Extrait de Avant Godot, de Stéphane Lambert (publié aux éditions Arléa) :

    "Puisque un jour sera le dernier, ce jour est déjà là inscrit dans chacun que l'on vit. On peut tourner les choses dans tous les sens : il n'y a pas d'autre explication que l'acte de créer, pas d'autre origine à nos errances dans les musées, à nos heures passées dans les livres. L'art qui est prière, disent mêmement Friedrich et Beckett. Et j'aime que cette pensée les unisse. De même que j'aime que l'art soit une chapelle où les âmes se retrouvent dans le même espace pour prier. J'aime cette adresse silencieuse, cette attente sans objet, ce pas de côté dans le cours de nos vies qui s'acheminent vers la même seconde où tout s'arrête. J'aime que mes pas dans les pas de Beckett et de Friedrich me mêlent à la même prière, qu'un chemin tracé par je ne sais quel réseau de convergences et d'impératifs intérieurs mais conduit à eux alors qu'un autre chemin tracé selon le même ordre mystérieux les a conduits à moi. On ne sait pas comment cela se trame. Comment on se rejoint. Ce qui fait l'évidence des rencontres. Pour préparer ce livre dont le sujet s'était progressivement imposé à moi, j'ai cherché à l'extérieur des repères, des faits, des lieux, des traces, pour tenter de comprendre, j'ai rempli des carnets avec des listes et des listes de points de rapprochement, mais je n'ai pas répondu à la question, comment cela se trame, comment une œuvre nous parle alors que d'autres restent muettes, d'où ce qui relie tire ses racines, à quoi cela tient. Alors me voici arrivé face au mur, que je redoutais tant, butant contre lui, à devoir chercher la réponse ailleurs que dans cette montagne de données consultées, annotées, répertoriées, mais dont l'usage, à force de désespérément les parcourir, s'avérait vain, car elles ne parvenaient pas à faire taire autre chose, dont elles semblaient vouloir me détourner, car il faut que je l'avoue à présent, il faut que j'avoue la peur que j'avais d'écrire au sujet d'un autre écrivain, et pas n'importe lequel, au sujet de Samuel Beckett, SAMUEL BECKETT, dont l'œuvre avait inspiré pléthore de commentateurs - on parlait de plus d'un milliers d'essais et de thèses -, d'appréhender la peinture à travers son regards, de m'immiscer dans son regard devant l'œuvre de Friedrich, j'avais l'impression de tenir des torches en feu et de devoir les faire passer d'une main à l'autre alors que je n'avais aucun talent pour la jonglerie. Pourquoi Beckett m'intimidait-il autant alors que son œuvre m'aguillait vers lui, alors que la voix que j'y entendais était comme l'écho de celle qui hélait en moi ? Était-ce l'homme lui-même dont la réserve naturelle l'avait nimbé d'une aura d'intouchable, presque d'irréalité ?"

     

  • La carte postale du jour...

    "L’errance dans l’indéfini est notre marque à tous. Nul paradis, et nulle soif de celui-ci. Une nostalgie qui n’a d’infini que son inaccomplissement. Voici tout ce qui, en nous, est positif : nous avons transformé la malchance en charme. Nous avons donné un sens vivant à la négation."
    - E.M. Cioran, Bréviaire des vaincus II

    dimanche 18 janvier 2014.jpg

    Je me souviens très clairement du jour où j'ai acheté The Idiot d'Iggy Pop, c'était au marché aux puces, j'avais 18 ans, et je l'ai beaucoup écouté sur ma platine portable - une platine et deux enceintes détachables qui servaient de couvercle ; 20.- aux puces, quand j'y repense, la vie pouvait vraiment être très bon marché en 1988/89 -, d'abord dans le comble d'un vieil immeuble aux Acacias (le squat des Épinettes) qui me servait de chambre, et puis dans une chambre d'un immeuble juste à côté, mais cette fois-ci au rez, avec les fenêtres murées...
    Je me souviens bien d'avoir toujours eu une écoute indirecte de l'iguane rocker, d'abord durant mon apprentissage de disquaire en découvrant la reprise de Funtine sur l'album Love Hysteria de Peter Murphy en 1988 (à la même époque je regardais pour la première fois Les Prédateurs, film vampire homo-érotique, avec David Bowie et Catherine Deneuve, où l'on pouvait entendre un extrait de Funtime et voir une scène mémorable avec Bauhaus, le groupe de Peter Murphy), un peu auparavant c'est Siouxsie qui m'avait converti à Iggy en reprenant son Passenger sur Through the Looking Glass, Sans oublier Sisters of Mercy qui reprenait 1969 en face B de leur maxi Alice - à l'époque où ils étaient encore intéressants (avant de faire du métal-fm à la fin des années 80 en somme) -, mais le tout premier à m'avoir fait entendre Iggy Pop (sans le savoir) fut bien sûr David Bowie et sa version de China Girl (difficile de parler de reprise puisqu'il a composé ce titre avec Iggy Pop pour l'album The Idiot), cette chanson qui marqua tant Ian Curtis, le chanteur de Joy Division, qui le fit découvrir à Bernard Sumner en 1977, The Idiot portant en lui les germes de l'album Unknown Pleasures, et China Girl celui de Love Will Tear Us Apart.
    Je me souviens aussi de l'amertume de cet album, du sarcasme qui pèse dans la chanson Funtime, à l'époque où je lisais Cioran et Lautréamont, c'était probablement, avec Joy Division, Kraftwerk et Bowie bien sûr, l'une des œuvres les plus marquantes, qui m'a le plus touché, j'ai toujours des frissons quand je réécoute The Idiot aujourd'hui, spécialement Funtime :

     Fun
     hey baby we like your lips
     Fun
     hey baby we like your pants
     all aboard for funtime
     Fun
     Hey, I feel lucky tonight
     Fun
     I'm gonna get stoned and run around
     All aboard for funtime
     Fun
     Last night I was down in the lab
     Fun
     Talkin' to Dracula and his crew
     All aboard for funtime
     Fun
     I don't need no heavy trips
     Fun
     I just do what I want to do
     All aboard for funtime

    Comment ne pas être séduit par le nouveau roman de Virginie Despentes : Vernon Subutex 1 est non seulement un clin d'œil à l'Attrape-cœur de Salinger, mais c'est un roman rock où l'auteur se pose en formidable observatrice des mœurs contemporaines, avec un certain goût pour les stéréotypes, dans un style simple et direct, cinglant même. Et comme la chair est faible, il suffit pour ma part qu'on cite Joy Division et Einstürzende Neubauten dans un paragraphe pour qu'un sourire en forme de banane se forme sur mon visage, les extrémités allant jusqu'à rejoindre mes deux oreilles. Mais Despentes a du génie, en effet on ne lâche que difficilement ce roman tant on est entraîné dès le premier paragraphe. Résolument dans son époque, Vernon Subutex 1 s'adresse aux quinquagénaires, aux trentenaires, aux post-ados, aux rockers, mais pas seulement, à ceux qui avaient des posters de Siouxie ou de Cure dans leur chambre d'ados, à ceux qui ont suivi le renouveau du rock (pour peu que cela existe vraiment...) avec les Kills, les Strokes et que sais-je encore. Le ton est acerbe, parfois brutal, sans concession, c'est même - pour paraphraser un défaut de langage actuel - : c'est TROP. Oui, on est dans l'excès permanent, enfermé dans un post-modernisme qui donne dans l'hyper-référentiel. À partir de la moitié du roman j'ai eu cette vague sensation de me faire un peu avoir, de lire quelque chose d'un peu facile car oui : les "mecs de droite" sont bas du front et racistes, les "jeunes rockeuses" ont des franges et des santiags, etc. Heureusement, la question "Mais où est donc la littérature?" est en définitive contrebalancée par le fait que Virginie Despentes arrive à faire un roman "pop" avec une véritable intelligence, par un sens aigu de la phrase, du paragraphe, une écriture qui pointe tous les défauts de nos sociétés occidentales (les musulmans ne sont pas épargnés ici non plus), qui parle à la fois d'errance (qui renvoie à l'Ulysse de Joyce), mais aussi de rock, de dope, de baise. Et comme le protagoniste est un ancien disquaire, ça me parle, évidemment, mais sans me bouleverser pour autant. En tout cas, chacun en prend pour son grade, moi y compris... allez, trois extraits pour le prix d'un, tiens, pour vous montrer que Despentes manie quand même le paragraphe coup de poing à merveille ! La suite en mars.

    "D'aucuns prétendaient que c'était karmique, l'industrie avait connu une telle embellie avec l'opération CD - revendre à tous les clients l'ensemble de leur discographie, sur un support qui revenait moins cher à fabriquer et se vendait le double en magasin... sans qu'aucun amateur de musique n'y trouve son compte, on n'avait jamais vu personne se plaindre du format vinyle. La faille, dans cette théorie du karma, c'est que ça se saurait, depuis le temps, si se comporter comme un enculé était sanctionné par l'Histoire."

    "Tous à dégueuler leur caviar, le nez plein de coke, après avoir récompensé du cinéma roumain. Les intellos de gauche adorent les Roms, parce qu'on les voit beaucoup souffrir sans les entendre parler. Des victimes adorables. Mais le jour où l'un deux prendra la parole, les intellos de gauche se chercheront d'autres victimes silencieuses."

    "Facebook n'a plus rien à voir avec le joyeux bordel auquel il avait participé, il y a une dizaine d'années. On ne savait trop s'il s'agissait d'un gigantesque baisodrome, d'une boîte de nuit, d'une mise en commun de toutes les mémoires affectives du pays. Internet invente un espace-temps parallèle, l'histoire s'y écrit de façon hypnotique - à une allure bien trop rapide pour que le cœur y introduise une dimension nostalgique. ça n'a pas le temps de prendre qu'on est déjà dans un autre paysage. Vernon traîne sur son réseau Facebook comme il errerait dans un cimetière, les derniers occupants des lieux sont des zombies furieux, qui vocifèrent comme s'ils étaient des cobayes enfermés dans leur cellules, écorchés vifs et les plaies passées au gros sel."