Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Film - Page 6

  • La carte postale du jour...

    "(...) daß wir nicht sehr verläßlich zu Haus sind
    in der gedeuteten Welt"

    - Rainer Maria Rilke, Élégie de Duino

    lundi 13 juillet 2015.jpg

    Je me souviens que ce disque ne s'est pas dévoilé à la première écoute mais qu'il m'a fallu trouver le bon moment, tourner et retourner le vinyle, pour apercevoir dans le dénuement voulu de ces compositions fragiles nourries de mélancolie douce les détails cachés dans les zones d'ombres, comme la voix d'Alexandre Varlet, toute en discrétion, sur deux titres, ou encore ces nappes synthétiques et lointaines qui viennent peu à peu enrober les arpèges de guitare ou le piano, parfois les deux, et là, à cet instant même, le disque s'est révélé dans toute sa simplicité, sa tristesse et sa beauté.

    Je me souviens bien que ce nouveau disque de Goodbye Ivan m'a remémoré la musique du pianiste italien Ludovico Einaudi ainsi que celle de James Blackshaw, et que, décidément, s'il fallait déterminer une catégorie à ce projet cela serait celle d'une musique résolument cinématographique, pour mieux écouter les grands espaces, la nature et le calme, le temps qui passe, la musique pour larguer les amarres et se laisser aller au gré des Marées.

    Je me souviens aussi d'avoir pensé qu'à une époque où les œuvres artistiques veulent transmettre des messages, prouver leur engagement et nous inciter à nous (re)trouver, ce disque au contraire invite à se perdre, et c'est là bien toute sa force tranquille (dépêchez vous de commander un exemplaire de Marées, c'est une édition limitée) ...

    https://www.youtube.com/watch?v=WIIr34SMu9E

     

    Le protagoniste du premier roman de Marion Guillot est frappé d'un nom commun, Paul Dubois, et d'ennui ; il souffre sans souffrir, d'un vouloir sans volonté et d'une pensée sans raisonnement ; redoutant "les endroits sans fenêtre, les tunnels, les mouvements de foule" (page 41) ; il est incapable de se situer dans le monde parce qu'il a perdu le rapport même au monde. Changer d'air est le roman de la vision d'une chute puis d'un effacement, ou plutôt d'un égarement suite à cette vision. Paul Dubois est un peu le Belacqua de Beckett, ("sans identité, à l'abri "), ou même Charles Benesteau, l'anti-héros qui choisi de rompre avec sa vie, de quitter la comédie, comme on peut le lire dans le roman d'Emmanuel Bove, Le Pressentiment. Mais Marion Guillot ne se contente pas d'accompagner Paul Dubois dans son errance, de lui faire quitter la scène d'une comédie pour une autre, elle lui fait quitter la comédie tout court et, elle nous invite nous aussi à nous perdre avec lui, à nous absenter en quelque sorte ; et cet état d'absence - qui fera peut-être fuir certains lecteurs et en attirera d'autres qui veulent Changer d'air (sortie du roman fin août) - c'est ce que Pessoa décrivait si bien dans Le livre de l'intranquillité : "(...) un isolement de nous-mêmes logé tout au fond de nous, mais ce qui nous sépare est aussi stagnant que nous-mêmes, fossé d'eaux sales encerclant notre intime désaccord." - Le néant est en fait une promesse d'ailleurs, et c'est déjà beaucoup.

    extrait de Changer d'air, de Marion Guillot :

    "Le bateau arrivait. Toujours le même, bleu et blanc, avec sa cabine de pilotage à trois hublots et le logo de la compagnie de transports de la communauté de communes. On pouvait le voir contourner la bouée cardinale avant d'entrer dans le chenal. J'avais presque fini par le rater à rester là debout, seul sur ma terrasse avec mon journal et ma cigarette, seul à éprouver cet instant d'absurde puissance, à me repaître de la satisfaction d'avoir assisté à la scène sans compassion, fier de n'avoir pas porté secours à cette jeune femme qui, de toute évidence, n'en avait pas besoin, profondément heureux, pour la première fois, d'avoir su m'éprouver dans ce qu'ailleurs ou de l'extérieur j'aurais trouver cruel, terriblement heureux, oui, d'avoir eu raison d'être impitoyable, de m'être enfin senti sans me regretter, d'avoir rendu hommage, finalement, à cette étrangère dont je ne saurais rien, qui ne me demanderait rien, de connaître cette joie inoubliable, emprisonnée dans un corps de professeur qui s'apprêtait à une nouvelle rentrée et à retrouver ses classes."

    (éditions de Minuit 2015)

     

     

  • La carte postale du jour...

    "Je crois que le beau n'est pas une substance en soi, mais rien qu'un dessin d'ombres, qu'un jeu de clair-obscur produit par la juxtaposition de substances diverses. (...) le beau perd son existence si l'on supprime les effets d'ombre."

    - Junichirô Tanizaki 

     

    lundi 6 juillet 2015.jpg

    The Names est l'exemple type du groupe qui rentre (bien malgré lui) dans la catégorie "second couteau". Repéré par Martin Hannett (le producteur attitré de la Factory des débuts, et donc de Joy Division - faut-il encore le répéter?), qui avait reçu leur premier 45tours au tout début des années 80 par l'entremise de Rob Gretton (le manager de Joy Division), The Names est à la base un groupe post-punk belge fondé à la fin des années 70 et qui ressemble peut-être plus à Simple Minds et Magazine mais que la production de Martin Hannett rehaussera presque au niveau de Joy Division (Closer) et The Cure (Faith). En guise de contrat il eurent droit à une poignée de main du directeur artistique de Factory : Tony Wilson. Ils vont aussi découvrir très rapidement que la philosophie du label de Manchester doit avant tout au situationnisme. Ainsi lorsque leur premier 45tours pour le label, Nightshift, est épuisé et alors que tous s'en réjouissent, le groupe comme les membres du label Factory, Tony Wilson décide que c'est plus amusant de ne pas le rééditer pour que les amateurs soient obligés de le rechercher âprement - la longue pente descendante de la déception et de la frustration va alors commencer pour le groupe qui envoie son nouveau single - Calcutta - à Martin Hannett qui met plus de huit mois à terminer le mixage. Dommage, le groupe loupe son public de peu ; Calcutta préfigure cette new-wave/pop fébrile et sautillante qu'on va retrouver moins d'un an plus tard chez Modern English et leur succès I melt with you (utilisé dans un film en 1983 aux côtés des Psychedelic Furs, ce qui leur vaudra un énorme succès en Amérique du nord surtout). Malheureusement The Names ne décrocheront jamais le gros lot. En 1982 ils décident quand même de rentrer en studio pour enregistrer un premier album avec Martin Hannett qui va diviser le disque, avec pour la première face - Day -, les titres plus rythmés, et pour la seconde face - Night - les plus lents. L'ambiance est lancinante, sombre, elle rappelle une fois de plus Joy Division, The Cure et New Order avec son premier album, Movement, qui avait été enregistré dans des conditions polaires (Martin Hannett avait tourné la climatisation sur froid délibérément), condition clinique qui avait réellement fini par se ressentir dans la musique - après cela d'ailleurs, New Order avaient décider de ne plus jamais travailler avec Martin Hannett. The Names eux ne se sentent pas encore prêt à couper le lien avec le génial producteur quoique parfois trop "original" et facétieux (en plus d'être alcoolique).  L'album Swimming ne va d'ailleurs pas sortir sur Factory mais sur le label belge les Disques du Crépuscule, Tony Wilson voulant rendre service à son collègue belge Michel Duval. The Names regrettent amèrement cette décision. En effet les Disques du Crépuscule sont bien moins connus que Factory, et comme la presse est passée à autre chose (l'électro-pop cartonne en 1982), les mélopées lancinantes de The Names ne va pas avoir beaucoup d'attention de la part des médias, même si, sur le long terme, l'album continuera de se vendre correctement et très régulièrement, le groupe ayant (maintenant) la chance d'être dans la queue de la comète Joy Division, aux côtés de nombreux autres comme Section 25, Tunnelvision, The Wake et A Certain Ratio dés débuts. D'ailleurs, surprise, le groupe qui s'était séparé au mitan des années 80 revient en 2007 pour jouer lors d'une soirée Factory, en Belgique, devant une salle comble et un public partagé entre vétéran de la première heure et jeunes amateurs de post-punk. Il aura donc fallu vingt cinq ans pour que The Names rencontrent un réel succès et sortent de l'ombre. The Swimming est réédité en double vinyle (incluant ainsi les singles ainsi que des raretés - peel sessions par exemple -) en 2011.

    https://www.youtube.com/watch?v=SU4B32Qg2kY

     

    La librairie Ombres Blanches a quarante ans. Christian Thorel offre ainsi le récit de son parcours de lecteur et de libraire passionné, de cette aventure que fut Ombres Blanches, librairie établie à Toulouse et qui n'a jamais cessé de s'épanouir, de s'agrandir, de se transformer. À l'heure où ce type de commerce et d'ailleurs toutes les professions qui entourent le livre (et qui dit livre, dit littérature) sont obligées de se repenser, c'est un témoignage beau et revigorant. L'espoir fait lire en tout cas ; si retrouve toute une communauté de lecteurs, une communauté de solitaires, rassemblée autour du texte dans ces lieux qui, pour Christian Thorel, "restent parmi les trop rares lieux de nos villes à avoir survécu non seulement à l'enfermement des consommateurs dans l'espace disproportionné des galeries de la marchandise situées en périphérie, mais aussi à l'éradication des échanges produite par le commerce à distance." L'auteur, le libraire, ajoute encore que "les lecteurs aiment leur liberté, celle de vagabonder parmi nos livres, des livres de papier qui ne laissent par les traces de leur lecture, ces traces désormais capturées dans la lecture de fichiers numériques par les grandes sociétés commerciales, devenues agent de surveillance."

    Dans les ombres blanches est un magnifique texte sur le monde du livre et particulièrement sur la profession de libraire, mais ne s'adresse pas seulement à ses derniers qui ne sont, en définitive, qu'un maillon de la chaîne du livre - non : ce récit s'adresse à tous les amoureux des livres et de la culture en général, et chacun aura le plaisir d'y croiser des auteurs Bernard Noël, Didi-Huberman, Pascal Quignard, ...), des éditeurs (Jérôme Lindon/Minuit, Vladimir Dimitrijevic/L'Âge d'Homme etc) et de nombreux autres acteurs, passeurs, amateurs, dévoreurs... de livres.

    extrait de Dans les ombres blanches, de Christian Thorel (Seuil 2015):

    "Décembre 2000, la fin d'un monde ? Le mois dernier, le prix Goncourt a été attribué à Jean-Jacques Schuhl, pour son troisième livre Ingrid Caven. Nous recevons le romancier, dans l'émotion. Lorsque j'ai appris la publication de ce livre, en mai dernier, j'ai lancé auprès de Gallimard une invitation. C'est un homme qui publie peu, deux livres en trente ans. J'ai acheté les exemplaires restant à la Sodis de son premier livre, Rose Poussière, que Georges Lambrichs avait édité dans la collection "Le Chemin", en 1972. Rose Poussière est une trace de mes années à la recherche du cinéma, et un livre de la bibliothèque de mes vingt ans.

     Ingris Caven interprète la mère de l'adolescent, personnage principal du film de Jean Eustache, Mes Petites Amoureuses. Avec Jean-Luc, l'ami d'enfance, avec Martine, nous nous étions rendus en 1974 sur le tournage du film à Narbonne, dans l'espoir de rencontrer Jean Eustache. La Maman et la Putain représentait pour nous la perfection du style au cinéma, et nous avions avalé tout Eustache dans un festival au printemps précédent. Si nous avions facilement localisé l'équipe, nous avions dû repartir sans rencontrer l'artiste, reclus dans sa chambre de dépressif.

     La journée en compagnie de Jean-Jacques Schuhl, l'ami de Jean Eustache, le complice, me rapproche éphémèrement de mon histoire, du passé d'un je encore hésitant, il y a plus de trente ans. Tous deux, Schuhl, Eustache, se confrontaient dans un désœuvrement  volontaire, trouvant une finalité à l'inutilité, dans le rien. Quelque chose d'Oblomov, à Saint-Germain-des-Prés, en quelque sorte. "Moi, très longtemps, j'ai continué à ne rien faire. Là-dessus, c'est quand même moi le plus fort, moi qui ai tenu le plus longtemps. C'est ce qu'il appréciait en moi, je crois, cet aspect ascétique, plus nul que lui", raconte l'écrivain, en 2006 à Libération à propos du cinéaste."

     

     

  • La carte postale du jour...

    "New York est un pays différent. Peut-être qu’il devrait avoir un gouvernement à part. Tout le monde y pense différemment, y agit différemment. Ils ne savent simplement pas à quoi ressemble le reste des Etats-Unis."
    - Henry Ford

    dimanche 14 juin 2015.jpg

    Je me souviens de cette jeune fille qui habitait avec Kristian et moi et qui se promenait toujours avec un vieux balladeur à piles pour écouter ses cassettes dont la plupart étaient des copies d'albums de Sonic Youth ; elle avait choisi cette formule, alors que nous étions pourtant à l'aube de la dématérialisation de la musique, parce qu'ainsi elle était obligée de tout écouter, chanson après chanson, sans la possibilité de sauter un titre qu'elle apprécierait moins (au risque d'épuiser les batteries) ; j'avais trouvé ça très original.

    Je me souviens bien à quel point j'ai trouvé que Thurston Moore (le leader de Sonic Youth) était quelqu'un d'intéressant, un vrai passioné de musique, quand j'ai acheté son livre Mix Tape : the art of cassette culture, où il revisite à coup de fac-similés - plein de cassettes retrouvées ou envoyées par d'autres personnes - ce véritable art, en effet, qui consistait à faire soi-même une compilation pour une amie, une future conquête, sa petite-copine, et dont les chansons l'ordre dans lequel elle se suivaient était parfois un, ou des messages, plus ou moins secrets que nous voulions faire passer ; puis de faire soi-même la pochette, de tout réécrire à la main, de faire des dessins ou des collages... quel livre génial !

    Je me souviens aussi de n'avoir jamais tellement aimé Sonic Youth, à part Goo, acheté à sa sortie en 1990, mais d'avoir trouvé que tout ça, finalement, c'était juste le grand cirque du rock, quoique j'apprécie toujours deux maxis du groupe ; l'un avec Lydia Lunch intitulé Death Valley 69, qui est d'une noirceur et d'une énergie destructrice assez inédite (du moins c'est l'effet que cela m'avait fait autrefois), et cette reprise d'Into the Groove(y) qui officie encore aujourd'hui comme une dérive dans le New-York distordu du mitan des années 80...

     

     Music can be such a revelation
     Dancing around you feel the sweet sensation
     We might be lovers if the rhythm's right
     I hope this feeling never ends tonight

     Get into the groove, boy
     You got to prove your love to me, yeah
     Get up on your feet, yeah
     Step to the beat, boy, what will it be?

     Get to know you in a special way
     To me everyday
     I see the fire burning in your eyes
     Only when I'm dancing can I feel this free

    https://www.youtube.com/watch?v=vZJTcQWuZ3Q

     

    "We might be lovers if the rhythm's right"...

    Malheureusement, pour Kim Gordon et Thurston Moore, le rythme n'est plus à l'unisson depuis 2011, ce qui a d'ailleurs provoqué la fin de Sonic Youth, ou du moins une certaine mise en suspend puisque le communiqué de presse du label, plutôt laconique, ne disait rien d'un arrêt, mais plutôt d'une incertitude prolongée quant à la suite.

    D'un côté nous avons Thurston qui continue d'enchainer les collaborations et a sorti deux excellents albums solos. De l'autre, Kim Gordon, qui se penche plutôt du côté de la mode, de l'art et de l'écriture. Girl in a band est ainsi paru en anglais en février de cette année, puis en français en mai dernier - on saluera au passage le travail rapide et pourtant soigné de la traductrice. Girl in a band est une catharsis, au départ. Kim y parle de son couple, de sa dissolution, mais, ne s'y attarde pas trop ; elle parle surtout d'elle en tant que bassiste, d'unique femme au sein d'un groupe de rock de renommée internationale, dans un milieu très masculin, souvent macho, de sa timidité, de son refus de jouer un rôle, d'endosser une tenue vestimentaire, un look, qui la rabaisserait au rang d'objet au sein de Sonic Youth, son envie de discrétion mêlée à un besoin de tout faire exploser sur scène. Et puis Kim Gordon nous offre un portrait assez saisissant de l'Amérique des années 60 jusqu'à aujourd'hui. On y croise ainsi Charles Manson, Andy Warhol, Gerhard Richter, Patti Smith, Iggy Pop, Lydia Lunch, Kurt Cobain, Gus Van Sant et beaucoup beaucoup beaucoup d'autres - et c'en est parfois vertigineux à quel point sa route à croisée celle de tant de personnalités importantes du monde de l'art et / ou de la musique. Il y a les influences (The Stooges, Velvet Underground), la no wave new yorkaise, les clubs de l'époque, les tournées (les passages avec Michael Gira et ses Swans sont assez dingues), et puis le changement de cap à la fin des années 80 quand le groupe signe sur Geffen, une major (bientôt rejoint par Nirvana, avec le succès qu'on connaît). La traversée des années 90, surtout après la mort de Kurt Cobain, et finalement les années 2000 où d'ailleurs Kim Gordon revient alors sur son couple et les raisons de sa séparation d'avec Thurston Moore. Une épopée rock passionnante qui ne se délaisse pas pour autant des éternels clichés liés à cette scène, comme quand elle déclare que Sonic Youth ne "mange pas de ce pain là" en parlant de signer avec une major ou de faire des concessions pour mieux gagner sa vie, ou encore quand elle regrette le New York des années 80 où "il n'y avait pas encore de Starbucks" alors qu'en 2008 Sonic Youth a sorti en exclusivité une compilation réalisée par et disponible seulement dans les... Starbucks ! On n'est jamais à un paradoxe près dans le monde du rock (hum...) "alternatif". Néanmoins le livre reste excellent, bien écrit, et plein de références et d'anecdotes géniales (elle descend Lana Del Rey au sujet du pseudo-féminisme de celle-ci - un bon moment) - alors Go(o) !


    extrait de Girl in a band, de Kim Gordon :

     

    "Toutes les heures, toutes les années passées depuis dans des vans, des bus, des avions et des aéroports, des studios d'enregistrement, des loges, des motels et des hôtels miteux, tout ça n'a été possible que grâce à la musique. Une musique qui n'aurait pu provenir que de la scène artistique bohème propre à New York et à ceux qui l'animaient - Andy Warhol, le Velvet Underground, Allen Ginsberg, John Cage, Glenn Branca, Patti Smith, Television, Richard Hell, Blondie, les Ramones, Lydia Lunch, Philip Glass, Steve Reich et la scène free jazz. Je me souviens de la puissance exaltante des guitares assourdissantes, de la rencontre avec des âmes sœurs et avec l'homme que j'ai fini par épouser, celui que je pensais être l'amour de ma vie.
     L'autre soir, en me rendant à un bar karaoké coréen où des habitants de Chinatown et Koreatown côtoient les habituels hipsters du monde de l'art, je suis passéée devant notre ancien appartement du 84, Eldrige Street. J'ai repensé à Dan Graham, l'artiste qui m'a fait connaître une bonne partie de la scène musicale de la fin des années soixante-dix et du début des années quatre-vingt ; il vivait dans l'appartement au dessus du nôtre et a assisté aux prémices de ce qui deviendrait un jour Sonic Youth.
     J'ai retrouvé une amie à l'intérieur du bar. Là, il n'y avait pas de scène ; les clients se contentaient de se tenir au milieu de la pièce et, entourés d'écrans vidéos, se mettaient à chanter. L'un d'eux à choisi "Addicted to love", la vieille chanson de Robert Palmer que j'avais reprise en 1989 dans une de ces cabines où on s'enregistrait soi-même et qui a fini sur l'album de Ciccone Youth The Whitey Album. ça aurait pu être marrant de la reprendre en karaoké, mais je n'arrivais pas à décider si j'étais quelqu'un de courageux dans la vie ou si j'étais uniquement capable de chanter sur scène. En ce sens, je n'ai pas changé d'un poil en trente ans."

  • La carte postale du jour...

    "Thoreau avait encore la forêt de Walden - mais où est maintenant la forêt où l'être humain puisse prouver qu'il est possible de vivre en liberté en dehors des formes figées de la société ?"
    - Stig Dagerman, Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (1955)

    jeudi 11 juin 2015.jpg

    Je me souviens d'avoir cherché pendant près de deux heures la tombe de Raspail au cimetière du Père Lachaise, à Paris ; un peu en retrait parmi d'autres tombeaux, elle ne s'offre pas tout de suite aux regards, elle se mérite en quelque sorte, et si on prend la peine d'en faire le tour, elle cache un spectre qui représente la femme de Raspail, décédée alors que son mari était - une fois de plus - incarcéré ; faire une photo de la tombe de Raspail était un classique (ça l'est encore, peut-être) des années 90, pour pouvoir orner son salon d'un agrandissement fait maison de la pochette de ce disque de Dead Can Dance.

    Je me souviens de cet embarrassant entretien avec Dead Can Cance, alors que ceux-ci étaient invités en 1993 sur le pateau de l'émission de Michel Field, Le Cercle de Minuit ; le présentateur affirmait trouver que leur musique avait des tendances "spinoziste" (sic), ce à quoi Brendan Perry et Lisa Gerrard, étonnés, ayant du mal à comprendre où il voulait en venir, répondirent le plus simplement du monde qu'ils n'avaient pas lu Spinoza ; et plus récemment sur la chaîne Arte, dans l'émission Tracks, ce court documentaire (douze minutes) sur le groupe où il est affirmé que son premier album (éponyme) date de 1981 - alors qu'il date de 1984 ; et que les musiciens devaient leur succès mondial au film Baraka (1992), qui utilise un de leur titre, The host of Seraphim, alors que Dead Can Dance était tout de même depuis la fin des années 80 l'un des plus gros vendeurs du label 4ad et que son album Into the labyrinth (1993) se vendra à un demi-million d'exemplaires rien qu'aux Etats-Unis, succès qui profitera en retour au film Baraka (et pas le contraire) ; Tracks donne aussi l'information erronée que le groupe a composé de nombreuses musiques de films à partir des années 2000, dont celle de Gladiator de Ridley Scott, alors que c'est Lisa Gerrard et Hans Zimmer qui sont les signataires de la musique de ce film, Dead Can Dance s'étant séparé depuis 1998... trois erreurs en douze minutes, c'est quand même pas mal.

    Je me souviens aussi à quel point Within the realm of a dying sun a été composé dans l'ombre du soleil noir de la mélancolie, le duo ayant été influencé à la fois par la musique classique et la poésie symboliste, il y règne une ambiance fin de siècle, solennelle aussi, un peu grandiloquente parfois, mais cela reste l'un de leur plus beau disque, avec ces faces distinctes, l'une avec la voix de Lisa Gerrard, l'autre - ma préférée - avec celle de Brendan Perry qui rappelle un Scott Walker dérivant en solitaire dans un film d'Ingmar Bergman, et puis, comme sur l'album précédent (Spleen and ideal), cette influence Baudelairienne qui enveloppe le tout d'un voile de mystère, surtout sur le magnifique titre d'ouverture, Anywhere out of the world :

     

    We scale the face of reason to find at least one sign
    That could reveal the true dimension of life lest we forget.
    And maybe it's easier to withdraw from life with all of it's misery and wretched lies.
    Away from harm.

    We lay by cool clear waters and gazed into the sun.
    And like the moths great imperfection succumbed to her fatal charms.
    And maybe it's me who dreams unrequited love, the victim of fools who stand in line.
    Away from harm.

    In our vain pursuit of life for ones own end,
    Will this crooked path ever cease to end.

    https://www.youtube.com/watch?v=pUVtmf9zXt8


    Si Baudelaire nous invite à "plonger dans l'inconnu pour trouver du nouveau", Rémy Oudghiri, lui, tente de cerner ce besoin de fuir hors du monde, pour finalement aboutir au constat paradoxal que : la fuite hors du monde n'est peut-être rien d'autre qu'une façon d'y entrer. Deleuze voyait la fuite comme un engagement alors que Laborit expliquait, dans son Éloge de la fuite, que l'homme contemporain a besoin d'échappatoires pour résister à la pression sociale, prônant pour cela une fuite dans l'imaginaire, que l'on soit artiste, ou pas. Ainsi ce Petit éloge de la fuite hors du monde est à la fois un essai philosophique et un essai littéraire, car il n'est meilleur outil pour s'évader qu'un (bon) livre. Oudghiri propose ainsi une ligne de fuite où l'on suit Pétrarque sur son Mont Ventoux ; Rousseau qui renait quand il fuit les hommes ; Gauguin, dont l'art surgit lors de son exil ; Tolstoï dans sa fuite ultime ; Pascal Quignard, qui lui décide de vivre dans un angle caché du monde ; Alex Supertramp, le jeune protagoniste de Into the wild (le livre de Jon Kracauer qui sera adapté au cinéma par Sean Penn), de son vrai nom Christopher McCandless, inspiré par ses lectures de Thoreau et Tolstoï, il partit en quête de lui-même et de liberté un peu comme les personnages des films Easy Rider de Denis Hopper (1969) et Zabriskie Point d'Antonioni (1970) ; et puis surtout Le Clézio, que je découvre ainsi grâce à ce livre, qui plaide pour un mode de vie qui échappe aux impératifs de l'économie moderne, un peu comme l'avait fait avant lui l'une de mes idoles de jeunesse : Hermann Hesse. Mais l'auteur de ce très bon livre ne se contente pas d'évoquer la fuite comme solution, non. Il y traite aussi ses limites, avec notamment l'échec de Des Esseintes, le protagoniste de À rebours, le fabuleux roman fin de siècle de Huysmans. En effet Des Esseintes en créant "son" monde artificiel, en se retirant du monde réel, en l'absence de dépassement de soi et d'ouverture vers autre chose, se dévitalise, comme une plante privée de soleil, et son médecin finit par lui ordonner de revenir à Paris ! ici on a le cas absolu d'une fuite sur un chemin circulaire, une fuite ne menant à rien.
    Au final, c'est un essai intelligent, qui donne des pistes, des envies de lectures (le passage sur Emmanuel Bove est super et m'a donné très envie de découvrir son livre Pressentiment, qui traite de l'effacement - social - d'un homme), et qui se lit agréablement - des échappatoires de la sorte, on en redemande,, et si toutefois nous n'avons plus la forêt de Walden pour nous cacher, il reste heureusement des forêts de livres.

     

    extrait de Petit éloge de la fuite hors du monde, de Rémy Oudghiri :

     

    "Dans un lieu isolé, il est une activité que prise particulièrement Pascal Quignard, c'est la lecture. Loin de tout, il a le temps de s'abîmer dans les livres. Lire, c'est une autre façon de se retirer du monde. Pour lire, on doit s'éloigner de sa familles, de ses amis, du groupe social auquel on appartient, de notre époque. Les livres sont contraires aux "moeurs collectives" écrit Quignard. À travers eux, on se glisse hors du temps. On s'évade.
     L'auteur de Vie secrète ne cesse d'écrire. Lire est une attente qui ne cherche pas à aboutir : une errance. La lecture est une dérive. Elle "redéboîte le puzzle" note-t-il. Se perdre dans la lecture, c'est se mettre à nu, se réinventer, jaillir à nouveau comme au premier jour. C'est, en tout cas, s'en donner la possibilité. Il peut paraître surprenant d'envisager la lecture, et en particulier la lecture régulière, dévorante, insatiable, comme un moyen de se déshabiller. Comment ces milliers de signes pourraient-ils produire autre chose qu'un trop-plein ? Comment n'entraîneraient-ils pas, dans leur prolifération, une indigestion ?
     C'est que la lecture est un apprentissage infini. En lisant, on apprend plus qu'on ne connaît. Et dans cet apprentissage réside la vraie joie du lecteur. Le lecteur n'est pas un savant - être savant, c'est encore jouer un rôle. Le lecteur n'accumule pas, ne capitalise pas, ne cherche pas à optimiser son savoir, il se contente d'errer dans la dispersion infinie des ouvrages. Là où la majorité des gens n'envisage les études que comme une préparation à la vie sérieuse, Pascal Quignard y entrevoit la condition de la vraie vie. Lui n'a jamais cessé d'étudier. En un sens, il n'a jamais quitté les bancs de l'école ou de l'université : éternel étudiant qui préfère apprendre plutôt que connaître. Car on ne connait jamais vraiment. On ne peut que déambuler, libre et heureux, dans l'univers foisonnant du savoir."

  • Pétersbourg

    "Il pensait que la vie devenait plus chère ; que l'ouvrier avait du mal à vivre ; que, de là-bas, Pétersbourg enfonçait jusqu'ici les poignards de ses avenues, et poussait la horde de ses géants de pierre.
    Là-bas, se levait Pétersbourg ; surgis de la vague des nuages, flamboyaient les bâtiments ; là-bas, quelque chose de froid, de haineux, semblait planer ; du chaos hurlant, un regard de pierre s'appesantissait sur les îles ; et émergeaient dans le brouillard un crâne et des oreilles.
    Tout cela traversa la pensée de l'inconnu ; son poing se serra dans sa poche ; et il se souvint que les feuilles tombaient."

    - Andreï Biély, Pétersbourg

    Pétersbourg.jpg

     

    "Zdrasvouitié"... c'est ce que j'ai failli dire à mon boulanger ce matin. Une semaine en russe ça laisse des traces. On m'avait dit Tu verras les gens sont durs ; tu verras les gens sont impolis ; tu verras ils te renversent dans la rue si tu ne t'écarte pas de leurs chemins - mais je n'ai rien vu de tout ça, ou à peine. Au contraire, j'ai découvert une ville vivante, jeune, originale. Bien sûr qui dit Saint-Pétersbourg dit ville-musée, Hermitage, Peterhof, ... mais j'ai pu aussi (surtout) découvrir les marges du décorum touristique en fréquentant assidûment des endroits forts sympathiques. Joseph de Maistre déclarait dans ses Soirées de Pétersbourg en 1821 : "C'est l'imagination qui perd les batailles." - la ville lui donne tord aujourd'hui, et elle a bien raison.

    Je pense à Producti, un petit bar très sympa au bord du canal Fontanka, qui passe de la musique allant des Ronettes aux Ramones, avec une serveuse qui était le sosie de Maria Calas jeune ce qui n'est pas rien. Pas loin se trouve aussi une excellent quoique minuscule librairie : L'ordre des mots (Порядок слов). Un excellent choix de biographies, de livre sur l'art, les avant-gardes, des collections qui m'ont fait penser à Allia version russe pour des livres de / sur Walter Benjamin, Hannah Arendt, etc. Un choix d'une grande qualité, des livres choisis, un plaisir pour les yeux. D'ailleurs la librairie est très fréquentée, les gens y flânent à la découverte des propositions sur tables. Cerise sur le gâteau : quatre exemplaires du colloque 1913 qui s'est déroulé il y a deux ans à Genève (en russe) !!!

    Un autre café ? Coffee 22, un ravissant petit bar de la rue Kazanskaya, en sous-sol, super chaleureux ; ambiance branchée, mais sympathique, petite carte, mais très originale ; une limonade au cassis maison délicieuse, sans parler des croissants rucola fromage de chèvre ! j'en bave encore. Côté musique, le Coffee 22 passe pêle-mêle The Cure, Cat Power, Thom Yorke et... du hip-hop. Les gens qui le fréquentent sont bien habillés, très jeunes, entre la top-modèle blonde et le hipster impeccable au manteau de mode noir hyper stylé, mais tout ça dans une ambiance vraiment très sympathique, j'insiste là-dessus, on s'y est senti vraiment bien. On a décidé aussi que la serveuse cette fois sortait d'une peinture de Botticelli - décidément...

    Un film ? Saint-Pétersbourg regorge de cinéma, et mieux encore : les gens les fréquentent. À ma grande surprise, pas moins de trois cinémas projettent actuellement Jacky au royaume des filles, de Riad Sattouf. J'avoue l'avoir déjà vu trois fois en français, mais l'idée de le voir en russe était trop forte, et, chance, le film était projeté à la Maison du Cinéma (Дом кино), un vestige du passé soviétique, avec plusieurs salles sur les étages, un salle des fêtes, un bar super sympa, un restaurant avec des nappes turquoise pour les grandes occasions, le tout très haut de plafond, un rien délabré, magnifique. Excellent accueil pour le film de Sattouf, fous rires nombreux. Attention les gens prennent leurs appels dans les cinémas et ça a pas l'air de déranger (enfin si : moi). Autre cinéma, le "Cinéma sans pop-corn" (Без попкорна), situé au premier étage d'un immeuble dont l'entrée est bien cachée, à la rue Belinskogo. Au programme le dernier Nolan et... Jacky au royaume des filles. Ce qui est génial dans ce cinéma c'est qu'il abrite aussi le mini restaurant Jiva Burgers qui fait des burgers vegan absolument exquis et qui coûtent en moyenne 180 roubles (donc 3.60 francs suisse, quand on pense au burgers du café Remor à 22.-, ça fait un peu mal au derrière...). Les deux filles qui s'occupent de Jiva Burgers changent les recettes fréquemment. Elles proposent aussi pas mal de thé et un vin chaud sans alcool - très bon. L'endroit est décoré par des murs de vieilles cassettes VHS. Chic.
    Pas loin de cet endroit se trouve le petit musée-appartement Anna Akhmatova, dans une cour intérieure, véritable oasis de calme. Ce musée est une merveille et à l'avantage d'être peu visité. On peut y trouver aussi une salle où est reconstitué le bureau du poète Joseph Brodsky. Les amateurs de littérature seront ravis.

    Shopping ? Les magasins de disques se trouvent sur la Ligovsky prospekt. Elliott Smith, The Cure, Dead Can Dance, rock 60s, 70s, etc. plein de vinyles, à prix un rien moins cher qu'ici mais que du neuf, donc souvent la même chose que ce qu'on peut trouver par ici (sans les merveilleuses occasions). Mais ça va venir. Peu de groupes russes en vinyle, trop cher pour le moment, mais ça aussi, ça va venir. À noter quand même le magnifique vinyle de Megapolis : Из Жизни Планет, qui est sorti en double-vinyle (voir photo) et dont la musique - pour donner une vague idée - est une sorte de post-rock un rien jazzy et ambiant, à la rencontre de Sigur Ros, les finlandais de Tenhi et Tortoise, avec de temps à autre une voix en russe, plus narratif que chanté (heureusement). C'est excellent.
    Par contre, un lieu extraordinaire se trouve aussi sur la Ligovsky prospekt : le Loft Project Etagi. Cinq étages de magasins de créateurs, d'espaces d'expositions, d'expérimentations, le tout surmonté d'un toit terrasse pour boire une petite bière. C'est un peu alternatif, un peu branché, mais surtout : convivial. On y mange bien, on y boit pour pas cher (du cola biélorusse par exemple), et l'une des (nombreuses) serveuses parlait presque parfaitement français dans sa tenue simili-traditionnelle ce qui a rendu le contact encore plus simple. Génial endroit pour se détendre et ne soyez pas surpris si en voulant redescendre vous croisez une véritable horde d'ados surexcités : le toit le plus haut se loue pour des fêtes.

    Un concert ? On s'est pris deux places pour Auktyon au club Kosmonaut. Bon, en fait on croyait que c'était Megapolis... mais on a eu de la chance, parce qu'Auktyon c'est pas trop mal. Ils mélangent grassement rock russe, ska, post-rock et ambiance balkanique (comprendre explosive). Le trio de cuivre était génial, le chanteur pas mal, et au milieu de tout ces gens (neuf en tout), un électron libre gesticulant et crachant (pour de vrai...) qui visiblement ne sais rien faire d'autre que beugler et faire semblant de jouer du sifflet à coulisse, ce qui peut s'avérer, au bout d'une demi-heure, carrément chiant. N'empêche... un jeudi soir, pas moins de six cent personnes. Le club est super classe, on peut manger sur place, réserver une table pour deux sur l'étage. Étonnant. J'aurais préféré voir Megapolis certes, mais bonne expérience.

    Un endroit paisible ? Le cimetière de Volkovo, en dehors du centre. dans le chaos des fougères et de l'herbe qui envahi tout, au milieu des arbres nombreux, se trouvent les tombes de professeurs, d'artistes, de danseurs, musiciens et de nombreux écrivains dont Gontcharov, l'auteur d'Oblomov (!!!), Tourgueniev, Kouprine, Andreïev, Kouzmine, etc. Peu visité, on y croise toutefois quelques personnes qui, en un coup d'œil, vous laisse supposer à quel point elles apprécient elles aussi tous ces auteurs et quel plaisir elles ont à vous rencontrer là.

    Un musée ? Avec celui cité plus haut (Anna Akhmatova), il faudrait aussi voir ceux de Nabokov, Pouchkine et Dostoïevski, toutefois j'ai eu une préférence majeure pour le Musée Russe où on peut voir Les Bateliers de la Volga de Repin ou encore le magique portrait d'Akhmatova par Nathan Altman. C'est aussi un musée plus tranquille que les autres.

    Comme toutes les villes-musée, Saint-Pétersbourg est assaillie de bus déversant leur flot continu de touristes qui viennent tous voir la même chose... il est possible  toutefois de s'échapper, en quelques arrêts de métro, ou mieux : en banlieue. Constructions faites à la hâte dans les années 50 côtoyant de gigantesques tours encore en travaux, usine de briques rouges dont les arbres ont transpercés le toit, fabrique en montage, centre commercial à taille inhumaine... Saint-Pétersbourg est en plein boum démographique et s'agrandit à toute vitesse - c'est impressionnant. Et soudain, là, au pied de l'une des dernières statues de Lénine, sur une immense place dont la coulisse se compose d'un bâtiment officiel de style soviétique (immense), près de trois cent adolescents se sont réunis pour la "bataille de l'eau" annuelle. des jeunes garçons se courent après avec des seaux d'eau sous le regard amusés des filles qui restent à distance. Du jamais vu. Et il se trouve que c'est cette image qui sera pour moi la dernière de ce voyage à Saint-Pétersbourg.